Mobilisation généraleautour des haies
Pour treize lycées, les haies multifonctionnelles deviennent le support d’actions de valorisation pédagogique et technique.Yaël Haddad
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«Dans le contexte de la transition agroécologique et du retour des pratiques d’agroforesterie, il nous est apparu opportun de nous appuyer sur la gestion des haies dans les établissements d’enseignement agricole afin d’aborder ces évolutions, tant sur le plan technique – favoriser une gestion adaptée et/ou le retour des haies dans les exploitations –
que pédagogique, pour permettre l’appropriation, par les apprenants, de ces enjeux environnementaux complexes », explique Jean-Luc Toullec, animateur du collectif Réso’them de la transition agroécologique, thématique biodiversité. La plupart des centres de formation disposent de haies – anciennes ou récentes –, mais peu ont formalisé un plan de gestion tenant compte des services multiples qu’elles peuvent rendre (écologique, économique, paysager…), ni toujours bien appréhendé leur appartenance duale, à la fois bien commun et bien privé.
Des formations, des outils communs, un accompagnement…
Depuis début 2016, un groupe de travail « Haies multifonctionnelles » s’est constitué dans le cadre du dispositif « Animation et développement des territoires ». Porté par le CEZ (Centre d’études zootechniques)-Bergerie nationale de Rambouillet (Yvelines), il évolue à travers la mission nationale d’appui aux professeurs et formateurs de la filière agricole : « enseigner à produire autrement ». Ce groupe est piloté par quatre chargés de mission de la Bergerie nationale ou animateurs du collectif de réseaux thématiques de l’enseignement agricole (lire l’encadré ci-contre).
Deux cycles de formation-accompagnement sur le thème « Haies multifonctionnelles, plan de gestion, valorisation technique et pédagogique » ont été réalisés entre 2016 et 2018 auprès d’enseignants, formateurs et directeurs d’exploitation provenant d’une douzaine d’établissements. Ils ont d’abord permis de faire un point sur leurs pratiques, puis de coconstruire des outils communs sur les plans de gestion et leur enseignement.
Ils ont aussi favorisé la réflexion pour développer des outils pédagogiques offrant aux apprenants une bonne compréhension de la façon d’aborder un système complexe.
Par la suite, un accompagnement par les pilotes du groupe de travail a été proposé à des sites qui le souhaitaient, directement au sein des établissements : « Une occasion de mobiliser d’autres enseignants en petit comité », estime Claire Durox, animatrice Réso’them de la transition agroécologique, thématique énergie - climat.
Plan de gestion, analyse du contexte, diagnostic…
Pour les enseignants des filières paysage ou nature, la première difficulté est de ne pas se cantonner uniquement à la réalisation de travaux de plantation ou d’inventaires de la faune et de la flore avec les étudiants. Ces activités ne suffisent pas à appréhender la multifonctionnalité des haies et, plus largement, le fonctionnement d’un système complexe.
La formalisation d’un plan de gestion part des objectifs du propriétaire-gestionnaire et d’une analyse du contexte territorial (économie, sol, climat, insertion dans la trame verte et bleue…). Puis elle intègre un diagnostic permettant de hiérarchiser certains services écosystémiques apportés par les haies et formaliser des actions de gestion.
L’autre écueil serait, à l’inverse, de mettre les apprenants devant une situation trop vaste devant laquelle ils se sentiraient totalement dépassés.
Un consensus s’est opéré quant à une approche pas à pas. Elle consiste à aborder le plan de gestion en commençant par cibler une partie des haies de l’exploitation. La démarche est étendue ultérieurement à l’ensemble du site.
Mais l’ambition et la démarche dépendent des classes que l’on peut impliquer et des appuis possibles d’experts extérieurs. L’importance de comprendre les enjeux locaux pour proposer une action ancrée dans la réalité du site (objectifs du directeur d’exploitation, attentes des enseignants en terme de valorisation pédagogique, moyens humains et techniques pour assurer la gestion des haies…) a également été soulignée.
« Ce qui est particulièrement intéressant pour les apprenants avec le travail autour de l’élaboration d’un plan de gestion de haies multifonctionnelles, c’est qu’il leur donne l’occasion d’aborder différentes échelles, spatiales et temporelles, ainsi que leurs imbrications via un modèle concret », souligne Isabelle Gaborieau, chargée de mission pédagogie à la Bergerie nationale.
Croiser les regards
La participation d’« experts » (associations membres de l’Afac-Agroforesteries, référents au sein des chambres d’agriculture…) au groupe de travail et dans les établissements a contribué à clarifier les représentations – diverses et fragmentées – que les enseignants et les apprenants pouvaient avoir de la haie et de ses fonctions.
Pour les filières nature ou paysage, elle est d’abord perçue comme un élément structurant du paysage, réservoir de biodiversité. Pour les filières agricoles, c’est son rôle protecteur, nourricier ou de production au service de l’exploitant agricole qui est principalement appréhendé.
« Les apprentissages autour de l’arbre ont pratiquement disparu des référentiels de formation des filières agricoles à proprement parler, mais restent encore présents dans les filières forestières et dans les formations paysage ou nature. Le travail sur les haies constitue une belle occasion d’apprendre des autres et de travailler en transversalité entre les formations, mais aussi en mêlant les enseignements techniques et ceux qualifiés d’“enseignements généraux” », renchérissent les pilotes du groupe de travail.
À Coutances, dans la Manche, des classes de BTSA aménagements paysagers et BTSA analyse, conduite et stratégie de l’entreprise agricole ont travaillé ensemble sur un plan de gestion pour les huit kilomètres de haies de l’exploitation. L’objectif est de les valoriser sur le plan économique (bois de chauffage, paillage) et du point de vue de la biodiversité (renforcement de la présence d’auxiliaires des cultures).
Du 4 au 6 novembre 2019, le groupe de travail organisera une mutualisation et une valorisation de ces expériences. Certains établissements du groupe pilote poursuivent la dynamique dans le cadre de leur participation au programme de recherche-action Casdar baptisé Resp’Haies : résilience et performances des exploitations agricoles liées aux haies. Un projet porté par l’Afac-Agroforesteries, dont l’ambition est de « promouvoir l’implantation, la gestion et la valorisation multifonctionnelle des haies au sein des exploitations et des territoires locaux ».
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