Recrutement et fidélisation Recrutement et fidélisation : Réinventer les relations au travail
Pour son assemblée générale à Saint-Galmier (42), HPF-Les Artisans du Végétal a invité le conférencier Damien Lambert pour tenter de répondre à une des principales préoccupations du moment : « Comment recruter, conserver et animer nos équipes dans un marché du travail en pleine révolution ? ». Réponses…
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« Les salariés heureux au travail sont 31 % plus productifs, deux fois moins malades, six fois moins absents, neuf fois plus loyaux et 55 % plus créatifs… selon une étude MIT* / Harvard de 2019 », annonce d’emblée Damien Lambert, expert et conférencier spécialisé dans le management, en organisation et performance d'équipe, invité le 21 septembre 2022 à l’assemblée générale des horticulteurs et pépiniéristes de France. Et de poursuivre : « Je suis convaincu que les principaux gisements de performance d'une entreprise se situent dans ses collaborateurs et la manière dont ils interagissent. C'est là que je prends plaisir à agir : identifier et lever les freins de votre performance! ».
Stratégie défensive… ou offensive ?
Pour inciter au travail, la CPME (Confédération des petites et moyennes entreprises) préconise un durcissement de l’attribution des allocations-chômage : « resserrer les règles d’indemnisation des chômeurs permettrait de pallier la pénurie de recrutement toujours prégnante », défends François Asselin, président de la CPME.
Pour Damien Lambert c’est une stratégie défensive sur laquelle l’entrepreneur n’a pas la main : modifier ces règles doit passer par l’État et les organismes intermédiaires. C’est pourquoi il préfère une stratégie offensive mise en place au sein de l’entreprise : « Cette stratégie a un coût, certes, mais est aujourd’hui incontournable : il y a nécessité de s’adapter, de créer de nouvelles relations avec ses collaborateurs ».
Covid, inflation, grande rotation des emplois…
Les entreprises ont fait des efforts pour s’adapter aux clients. Aujourd’hui elles doivent s’adapter à leurs collaborateurs. Depuis quelques années, les choses ont changé, les employeurs doivent tenir compte de plusieurs évolutions :
. La pandémie due au virus Covid et ses variants ont accéléré une prise de conscience des salariés, notamment des jeunes générations, qui attendent autre chose du travail : une quête de sens et un changement d’état d’esprit ;
. Face à l’inflation actuelle et à l’augmentation des coûts de transports notamment, les attentes et revendications sur le salaire sont fortes. Quelles sont les marges de manœuvre pour y répondre ?
. Entre mars 2021 et mars 2022, on note une augmentation de 3,3 % des emplois salariés. Il n’y a donc pas de recul de l’emploi salarié en France. Par contre les salariés ont tendance à changer plus facilement de travail. Plus qu’une grande démission on assiste plutôt à une grande rotation. Les salariés n’hésitent plus à aller voir ailleurs soit vers un travail qui correspond mieux à leurs envies du moment, soit vers un travail plus rémunérateur, soit pour tenter autre chose : retour en formation, acquisition de compétences, voire s’essayer à l’autoentreprenariat (+ 17 % en 1 an)…
Pour les entreprises, cela se traduit par un turnover plus important.
Aux difficultés de recrutement s’ajoute le fait que les nouveaux arrivants ne restent souvent que quelques mois : nombreux sont les jeunes qui, aujourd’hui, à l’issue d’une période en CDD, refusent de signer le CDI proposé par l’employeur.
Maîtriser le turnover est essentiel à la bonne marche de l’entreprise, estime Damien Lambert : « Le coût d’une personne qui change dans l’entreprise, c’est l’équivalent de trois à six mois de rémunération. Il faut en effet prendre en compte à la fois l’indemnité de départ éventuelle,un salarié qui s’investit moins les dernières semaines voire lève le pied, la carence éventuelle du poste pendant quelque temps qui peut entraîner une désorganisation du travail, des retards de production ou une surcharge de travail pour les autres salariés, le coût de recrutement et de la formation du nouvel arrivant, le temps de mise en route plus ou moins long, variable selon l’expérience et la capacité d’intégration de chacun… ».
Être désirable pour les jeunes générations
Les trentenaires et plus encore les jeunes actifs qui entrent sur le marché du travail, recherchent avant tout une qualité de vie au travail. Celle-ci serait plus importante que le salaire pour une majorité d’entre eux, chez qui les notions d’équilibre vie privée-vie professionnelle, de projet, de vision à long terme, d’entreprise éthique d’un point vue social et environnemental… raisonnent fortement. D’où de nouvelles questions : les entreprises sont elles prêtent à les accueillir ? Et comment faire partie des entreprises désirables?
Identifier les freins
Les freins sont présents dans toutes les entreprises ; l’enjeu c’est de les identifier, d’en être conscient et de savoir les dépasser. Trouver des solutions implique, en premier lieu, de prendre du recul, mener une réflexion stratégique sur le fonctionnement de son entreprise.
L’accueil des nouveaux salariés est un point primordial à travailler et ce dès les premiers contacts des candidats au poste. Il faut s’imaginer être à leur place : quelle première impression a-t-on de l’entreprise lors de l’entretien d’embauche? La clarté est l’un des piliers du bonheur au travail. Il s’agit d’abord de donner du sens, pour que chacun sache pourquoi il travaille. Et préciser les objectifs de l’entreprise : dire où on veut les amener dans un an, dans cinq ans. Affirmer certaines valeurs sur la qualité des produits ou le respect de l’environnement.
Faire confiance, donner plus d’autonomie, créer une fierté
Les collaborateurs ont souvent des choses à dire : l’équipe de direction doit dégager du temps pour les écouter, exploiter leurs envies et connaissances pour réfléchir aux changements et à de nouvelles sources de motivation. Ces aménagements imposent cependant de faire confiance à ses équipes, de partager la prise de décision, et de donner plus d’autonomie à ses collaborateurs pour libérer les énergies et la créativité.
Quelques clés et leviers à prendre à compte…
. autonomie : « prendre ses propres décisions est un facteur de motivation ». Il est toutefois nécessaire de bien définir le cadre dans lequel cette autonomie s’exerce, et fixer les limites à ne pas dépasser ;
. maîtrise : « quand on sait qu’on sait faire, on a envie de le faire ». La formation est un levier incontournable pour l’acquisition des compétences. Dans la transmission des savoir-faire, le tuteurat est une solution qui a fait ses preuves. Cela peut permettre, en outre, de révéler et de responsabiliser des collaborateurs plus anciens dans ces fonctions de formation ;
. créer une fierté d’appartenance : par la reconnaissance du travail bien fait, les retours et partages d’expériences (réussies ou non), le sentiment d’équité entre les salariés. L’un des premiers critères du bonheur au travail est de voir l’impact de son travail sur la réussite de l’entreprise.
Apporter des réponses aux solutions proposées
Les échanges avec la salle ont montré que bon nombre d’entreprises horticoles, adhérentes à HPF, ont déjà développé ces concepts, et notamment des temps d’échanges avec les salariés. Ceux-ci sont de deux ordres :
. brefs et fréquents (stand up) : ex. 5 mn à ¼ d’heure /semaine, de préférence le lundi matin. On parle de la semaine précédente, du programme de la semaine à venir ;
. plus longs et plus espacés avec l’ensemble des équipes : on se donne du temps, par exemple une à deux heures tous les six mois, de préférence en fin de semaine, suivi éventuellement d’un moment de convivialité. Il est important que les collaborateurs sachent ce que font les autres. Quand on ne communique pas assez, les éléments manquants vont être inventés ou interprétés.
Ces temps d’échanges doivent être réguliers et ritualisés. Pour la réussite de ces moments, il faut savoir installer un cadre de bienveillance et de non-jugement, et ne pas apporter de réponse à chaud. Une astuce pour cultiver l’esprit d’initiative consiste à ne pas apporter de réponses aux problèmes exposés par les salariés, mais aux solutions qu’ils proposent.
Quelques témoignages insistent sur le fait qu’il faut aussi connaître ses limites, savoir jusqu’où aller pour éviter certains écueils :
. ne pas se laisser marcher sur les pieds par les salariés, ou encore quelle distance adopter avec ses employés : fêtes, tutoiement ?
. des aménagements de planning ou d’horaires peuvent faciliter la vie de certains salariés, mais jusqu’où s’impliquer dans leur vie privée afin d’éviter certaines situations embarrassantes ?
. s’adapter à chaque employé : certains ne sont pas faits pour l’autonomie, n’ont aucune envie de prendre des responsabilités et préfèrent être drivés.
Sans surprise les jeunes dirigeants semblent plus à l’aise dans ces nouvelles relations que leurs aînés qui s’avouent un peu dépassés.
*Massachussets Institute of Technology
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