Gérer Échanger ses terres à l’amiable, c’est possible !
Dans le Vaucluse, pour optimiser leurs exploitations, trois agriculteurs, et finalement 47 « coéchangistes », ont conduit une restructuration de parcelles... sur 700 ha ! Un cas unique à cette échelle. Une occasion également de sécuriser le foncier.
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Ce sont en tout 340 parcelles – soit 81 ha remembrés – qui ont changé de propriétaire dans un périmètre de 700 ha, sur la base d’échanges et de bonnes volontés entre vingt-trois exploitations : c’est assez rare pour regarder de près comment les partenaires s’y sont pris, à Piolenc et à Uchaux, dans le Vaucluse.
Mercredi 16 octobre, à Med’Agri 2024, salon de l’agriculture méditerranéenne à Avignon, une table ronde a donné la parole à cinq acteurs de la restructuration parcellaire : les trois agriculteurs à l’origine du projet, la Safer* et la notaire.
Il fallait officialiser la situation
Dans la pratique, « de longue date, nos pères avaient déjà procédé à des échanges plus ou moins informels », expliquait Sylvain Bernard, maraîcher et céréalier à l’EARL La Comtesse, à Piolenc. Lui et Sébastien Mazoyer, exploitant à Uchaux, et Jean Perrier, agriculteur à Piolenc, continuent toujours d’échanger pour mettre en place les rotations annuelles, principalement des terres labourables, en cultures spécialisées (tomates, céréales, melon, courges…). Il fallait à un moment s’y retrouver dans les propriétaires, et officialiser… notamment pour avoir le droit de réaliser des travaux et d’aménager les parcelles. Alors ils en ont profité pour restructurer encore un peu plus leurs exploitations.
Remembrer, c’est un vrai changement de mentalités car, affectivement, « un terrain, c’est dans les tripes pour les anciens paysans. Il n’est pas facile de céder une terre acquise par des générations d’aïeux, a rappelé Jean Perrier. Nous ne sommes pas arrivés tout à fait à l’équité, mais au final personne n’a été lésé ».
Un parcours complexe pour restructurer et optimiser le parcellaire
Au départ, les trois agriculteurs ont essayé avec un tableur Excel et le site www.cadastre.gouv.fr, mais ils ne pouvaient réussir seuls, en particulier pour identifier les vrais propriétaires. La Safer de Paca a accompagné et concrétisé les échanges pas à pas, voire en cascade… un troc de terrain accepté entraînant d’autres opportunités, avec de nouveaux agriculteurs.
Laurence Malatrait, conseillère foncier, a été relayée par Olivier Louis, ancien salarié de la Safer dans les Hautes-Alpes, rompu aux échanges. De nombreuses rencontres, explications, négociations et une bonne connaissance des familles ont été nécessaires. La Safer a acquis 19 ha (en vingt-huit achats), financé quasi totalement la démarche, les collectivités n’ayant pas participé.
Parallèlement, en plusieurs étapes, Me Audrey Rivière-Tallon, notaire à Piolenc, a tracé avec son équipe les origines de propriété, vérifié les successions et éventuelles hypothèques, sécurisé juridiquement les transferts puis authentifié les changements de propriétaires… Un travail titanesque « mais les familles ont bien joué le jeu ». Une centaine de personnes, héritiers compris, ont signé un acte unique, les 2 et 3 juillet 2024, en présentiel ou par procuration.
Un cas d’école, une tâche immense
Rapprocher, rassembler, agrandir : ces mouvements ont rationalisé le foncier, en visant des lots entre 5 et 5 ha. Le but principal des agriculteurs était d’optimiser le travail et de permettre des travaux : systèmes d’irrigation, nivellements, plantation de haies… Ils ont gagné une visibilité sur l’avenir et les exploitations ont été valorisées en vue de futures transmissions ou installations. Avantages secondaires : davantage de synergie, moins de trajets donc moins de carburants et de carbone, plus de sécurité...
Trois ans ont été nécessaires pour finaliser cette vaste entreprise. Avec 52 comptes de propriété, 47 promesses d’échange de terre, 25 documents d’arpentage… l’aventure était très complexe, la tâche immense. C’est un cas d’école, potentiellement reproductible dans d’autres régions ou filières. Depuis, Laurence Malatrait a réussi ailleurs avec sept « coéchangistes ».
« Au contraire des remembrements officiels du passé, imposés, il faut obtenir l’adhésion des exploitants agricoles », concluent les protagonistes. Et beaucoup de pédagogie, voire de diplomatie, pour réussir.
*Société d’aménagement foncier et d’établissement rural, qui permet à tout porteur de projet viable de s’installer.
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