Petits fruits, agrumes... Des arbustes en pot respectant le cahier des charges AB, c’est possible !

L’augmentation de la part des produits alimentaires issus de l’agriculture biologique dans les achats des ménages français ces dernières années est le reflet d’une demande sociétale pour diminuer l’utilisation des intrants chimiques dans l’agriculture. La filière ornementale, bien que ne produisant pas directement de denrées alimentaires, est aussi impactée par cette évolution.

Pour le moment, les entreprises de production de plantes ornementales engagées dans des démarches d’agriculture biologique (AB) concernent surtout la pépinière de pleine terre. Pour les productions en conteneurs, seuls des cycles de culture très courts sont concernés, comme les plants potagers et les plantes condimentaires.

Mais ce mouvement parcourt l’ensemble du monde horticole et l’idée de produire une gamme plus large de plantes ornementales en conteneurs sous la labélisation AB est apparue. Les segments de marché intéressés par ce processus, en dehors de ceux cités précédemment, sont les plantes à petits fruits, les arbres fruitiers et les agrumes, c’est-à-dire des groupes de végétaux destinés à être replantés dans le jardin et qui ont un lien avec l’alimentation.

Une évolution nécessaire des techniques de production

Pour le moment, ces marchés en émergence sont encore fragiles et facilement soumis à des déséquilibres entre l’offre et la demande, comme cela a été le cas en 2022. Mais, l’application du cahier des charges de l’agriculture biologique aux cultures en conteneurs pour ces nouveaux segments nécessite des mises au point techniques et l’acquisition d’un certain nombre de connaissances dans plusieurs domaines.

D’une part, l’utilisation de supports de culture utilisables en AB et la maîtrise de la fertilisation organique sont à évaluer pour des durées de culture en pots allant de quatre à dix-huit mois. On sait que des cultures en pot en cycle court de deux à trois mois sont faisables en AB, mais qu’en est-il quand les cycles sont beaucoup plus longs ? Est-ce que la qualité finale est au rendez-vous ?

D’autre part, est-il possible de remplacer les conteneurs en plastique par des conteneurs biodégradables pour la durée des cultures mises en œuvre, et peut-on améliorer la durée de vie des conteneurs biodégradables par des techniques de culture appropriées ?

Par ailleurs, la question de la protection des cultures est également un point très important pour une production de plantes ornementales en AB. En effet, la sensibilité de certaines espèces à des ravageurs plus ou moins spécifiques, la nécessité de ne pas diffuser de ravageurs ou de maladies lors de la commercialisation des végétaux, la présence de ravageurs émergents ou le fait de réaliser des cultures sous abri demandent de prendre en considération cette question en intégrant aux espèces étudiées les connaissances acquises ces dernières années par la filière sur les méthodes alternatives utilisables en AB.

La recherche de réponses à ces questions est l’objet du projet de recherche appliquée PEPAB mené au CDHRC* et au CATE** de 2020 à 2023. Ce projet s’est intéressé à deux gammes de végétaux concernées par le cahier des charges AB : les petits fruits rouges (framboisier et groseillier) pour des cultures en cycle de durée moyenne et les agrumes (citronnier des quatre saisons) comme exemple de culture en cycle long.

Une faisabilité sous conditions du fait de la fertilisation organique

Les essais ont montré la faisabilité de culture de petits fruits rouges en AB en conteneurs de 1 à 2 litres pour des durées de culture de quatre à neuf mois (pour celles passant l’hiver). Un ou deux surfaçages sont nécessaires, selon la durée du cycle, pour refertiliser les plantes, maintenir la croissance et éviter le jaunissement du feuillage dans le lieu de vente. Il a été possible d’obtenir des pourcentages de plantes commercialisées élevés (> 80 %) en répondant à la fois au cahier des charges AB et au cahier des charges qualité exigé au départ du projet pour une vente en jardinerie. Des plantes bien ramifiées avec un feuillage bien coloré et sain ont été obtenues. Pour aboutir à ce résultat, la qualité des jeunes plants utilisés et la taille des plantes jouent aussi un rôle.

Pour une espèce plus exigeante comme le citronnier, qui a été cultivée durant douze à dix-huit mois selon les séries, il a également été possible d’obtenir une plante bien ramifiée avec un feuillage bien coloré en conteneurs de 3 litres en partant d’un jeune plant en godet. Dans un premier temps, l’objectif a été de produire une plante en vert bien développée mais sans fruit.

Mais, pour cette durée de culture, le pilotage de la fertilisation organique doit s’exercer avec une certaine précision. En effet, les engrais organiques utilisés en culture en conteneur se minéralisant au cours de deux à quatre mois en fonction de leur composition et des conditions environnementales. Des températures insuffisantes ou excessives peuvent ralentir ou bloquer l’activité microbienne responsable de la minéralisation dans le substrat et, donc, limiter la disponibilité d’éléments nutritifs pour la plante.

Aussi, il est nécessaire de refertiliser régulièrement la culture par des surfaçages et de le faire au bon moment, avant que les plantes soient en situation de carence, en tenant compte du délai nécessaire à la minéralisation, et cela, sans apporter des quantités trop importantes de façon à maîtriser les impacts environnementaux.

Les essais ont montré que l’utilisation d’indicateurs de la teneur en nitrates et en ammonium du substrat pour un suivi régulier de l’azote disponible dans les pots est particulièrement importante pour arriver à un niveau de qualité correspondant aux exigences commerciales. Ces indicateurs permettent de déclencher les surfaçages au moment opportun. Les retards de surfaçage peuvent avoir un impact sur la qualité commerciale.

Des supports de culture utilisables en AB de plusieurs fournisseurs de substrat ont aussi été comparés. Les travaux ont permis de formuler des recommandations pour améliorer la composition de certains d'entre eux.

Une protection des cultures adaptées

Différents leviers alternatifs compatibles avec le cahier des charges de l’AB ont été déployés pour lutter contre les ravageurs. L’utilisation de plantes de services pour favoriser la biodiversité fonctionnelle, des lâchers d’auxiliaires d’élevages sous abri en préventif ou en curatif et l’utilisation de produits homologués en AB ont été combinés pour les différentes cultures du projet et permis une bonne maîtrise des problèmes sanitaires sans impact sur la commercialisation des végétaux en fin de culture.

Un paillage fluide a été posé sur les conteneurs pour limiter le développement des adventices. Contre les maladies liées à des champignons parasites, différentes méthodes prophylactiques comme l’optimisation des irrigations et de la fertilisation ou une gestion adaptée de l’aération des abris non chauffés ont été employées pour limiter les risques. Ces techniques ont été suffisantes pour ne pas rencontrer de difficultés dans ce domaine.

De nouvelles références techniques sont disponibles

Grâce aux expérimentations menées de 2020 à 2022, ce projet financé par France AgriMer a permis d’acquérir des connaissances techniques afin de répondre aux exigences du cahier des charges de l’AB. Il sera ainsi plus aisé de répondre à une demande commerciale et sociétale en émergence.

Des fiches techniques, à l’intention des producteurs, sont en cours de rédaction pour décrire plus précisément les itinéraires de culture et les résultats obtenus.
Ces fiches seront accessibles sur le site Internet du CATE.