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Artificialisation des sols État des lieux de la stratégie des villes françaises

Un projet réalisé dans le cadre du programme Cours oasis à Paris, qui vise à désimperméabiliser la cour des écoles. ©Ville de Paris

Alors que la loi Climat et Résilience contenant des mesures sur la densification urbaine va être mise en instruction parlementaire, l’Observatoire des villes vertes a souhaité interroger les collectivités sur leur niveau de prise en compte de l’enjeu de l’artificialisation des sols. Dix-huit grandes villes françaises ont à cette occasion partagé leurs stratégies et pratiques.

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Il s’agit de la neuvième enquête de l’Observatoire des villes vertes, structure mise en place en 2014 par l’Unep et Hortis pour « développer la réflexion sur les perspectives de la ville verte en France et promouvoir le foisonnement d’initiatives végétales en milieu urbain ». Celle-ci porte sur une « bataille silencieuse des villes », estime l’Observatoire. Mais, au fond, une bataille pas si silencieuse, car le sujet est de plus en plus porté sur le devant de la scène par les médias grand public. Il s’agit de l’artificialisation des sols en général, avec des volets comme la création de toitures végétalisées ou la désartificialisation des cours d’école, qui fait son chemin dans de grandes agglomérations.

Les résultats de l’enquête que vient de publier l’Observatoire des villes vertes ne porte que sur dix-huit d’entre elles, plutôt avant-gardistes en termes d’aménagement du paysage. Mais nul doute que nombre de collectivités y retrouveront des démarches mises en place, qui s’installent ou qui font – ou ont fait – l’objet de débats, en particulier à l’occasion des élections municipales de 2020.

Réalisée entre le 15 octobre et le 7 décembre derniers par envoi de questionnaires auxquels dix-huit municipalités ont répondu, l’enquête permet de dessiner un état des lieux qui devrait vite évoluer. Car l’objectif de la loi en préparation est de diviser par deux le rythme d’artificialisation des sols au cours des dix prochaines années.

À Nancy, 70 % des travaux pris en charge si le jardin est visible de la rue

Seize villes interrogées sur dix-huit déclarent s’être emparées du sujet de la lutte contre l’artificialisation des sols. Cette dynamique se structure à l’échelle politique et locale : après une première impulsion des services espaces nature en ville et urbanisme, les édiles ont anticipé la volonté du gouvernement et apportent leur contribution. C’est par exemple le cas de la Ville d’Amiens (80), qui projette de créer un observatoire dédié pour évaluer le développement urbain et les taux d’artificialisation des sols. Par ailleurs, les collectivités interrogées n’avancent plus seules : elles intègrent désormais des acteurs privés (citoyens, bailleurs sociaux et promoteurs immobiliers) dans leurs réflexions et projets de renaturation urbaine. Ainsi, la Ville de Nancy (54) s’appuie sur ses citoyens en proposant un financement des travaux de leurs jardins à hauteur de 70 % si les espaces verts sont visibles depuis l’espace public, lorsque Grenoble (38) propose jusqu’à 8 000 euros de subvention pour des travaux remplissant les mêmes critères.

Seul ombre au tableau, le ralentissement des chantiers publics dû à la pandémie : annoncés en fanfare en 2020, un grand nombre d’entre eux sont encore à l’arrêt et les budgets des communes fortement impactés par la crise sanitaire ne semblent pas prioriser ces chantiers pourtant indispensables.

Perpignan incite les habitants à fleurir

Au cœur des politiques publiques des villes interrogées, trois ambitions président à la lutte contre l’artificialisation des sols : favoriser la biodiversité, améliorer le cadre de vie des administrés et, enfin, lutter contre les îlots de chaleur. Ces bénéfices recherchés sont talonnés par l’amélioration de la qualité de l’air et l’attractivité.

Pour atteindre concrètement ces ambitions, Marseille (13) a établi un zonage des tissus urbains à dominante pavillonnaire et y impose un pourcentage d’espaces verts compris entre 40 et 70 %, dont deux tiers de pleine terre selon la configuration et les enjeux (paysagers, d’accès, etc.).

Dans le même souci d’amélioration du cadre de vie, vertueuse pour la protection de la biodiversité, plusieurs communes interrogées incitent à des opérations de fleurissement des rues aux abords des habitations comme Perpignan (66) avec sa campagne intitulée « Fleurs des villes ».

À Paris, les cours d’école, des oasis !

Concrètement, les villes ayant répondu au questionnaire ont décidé de réduire la part de sols artificialisés en investissant dans des travaux de désimperméabilisation, solution préférée des collectivités (quinze sur dix-huit). Douze se lancent ou se sont lancées dans une revitalisation de leurs friches urbaines. À titre d’illustration, le projet Reims Grand Centre (51) vise à requalifier un secteur d’anciennes friches d’activité de sept hectares en plein cœur de ville, en y intégrant un important volet végétal (150 arbres, 18 350 arbustes et plantes vivaces, 3 000 m² de prairies, forêt urbaine sur 1 600 m²).

D’autre part, presque la moitié (huit sur dix-huit) envisagent ou ont déjà débuté le verdissement des cours d’école. C’est le cas de Paris, qui a lancé l’initiative « cours oasis » (notre photo). Ce projet permet une meilleure gestion de l’eau de pluie, en plus d’aménagements plus ludiques dans un objectif d’amélioration du bien-être des écoliers. Des initiatives semblables fleurissent également, comme à Nancy (43 établissements concernés) et Montpellier (34), ou encore Nice (06) et Poitiers (87) prochainement.

De manière générale, les villes veulent éviter d’artificialiser encore plus et intègrent pour cela quasi systématiquement des concepteurs paysagistes dans les projets de maîtrise d’œuvre (quatorze sur dix-huit) et des mesures coercitives dans les PLU/PLUi de plus en plus appliquées (dix sur dix-huit).

« Cet enseignement souligne la nécessité pour le gouvernement d’accompagner les collectivités en leur laissant les marges de manœuvre et les moyens suffisants pour décliner efficacement les engagements environnementaux nationaux à l’échelle des territoires et villes, au profit de projets plus durables et vertueux à leurs concitoyens », concluent l’Unep et Hortis, qui ont rendu publics les résultats de cet observatoire.

Pascal Fayolle

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