Pépinière et fleurs coupées Contrôler la floraison pour prolonger les ventes
Les végétaux en fleurs déclenchent des achats d’impulsion. Allonger la période de vente passe par la maîtrise des techniques de forçage adaptées à la physiologie de la plante.
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Dans le cadre du projet d’expérimentation Force Viv, financé par FranceAgriMer et Val’hor, les stations du CATE, d’Est horticole et du Scradh d’Astredhor ont testé de 2018 à 2020 des techniques de décalage et de programmation de la floraison sur différentes espèces de façon à élargir les calendriers de vente de fleurs coupées et de végétaux de pépinière. Un travail précédent d’Astredhor a distingué quatre groupes d’arbustes selon le comportement floral.
- Groupe 1 : les espèces à croissance continue où le développement floral se réalise pendant la période de croissance des rameaux sans qu’il y ait d’arrêt de végétation entre l’initiation florale et l’épanouissement (Buddleia, Hydrangea paniculata...).
- Groupe 2 : les espèces ayant une croissance continue dont l’initiation florale a lieu à la fin de l’année et où le développement floral peut être interrompu par une écodormance en hiver (Viburnum tinus, Ceanothus thyrsiflorus...).
- Groupe 3 : les espèces à croissance continue qui présentent un arrêt de végétation avec une dormance vraie entre l’initiation et l’épanouissement floral. L’initiation florale se fait entre l’été et l’automne, en fonction des espèces, et la floraison a lieu l’année suivante, après l’arrêt hivernal (Forsythia, Hydrangea macrophylla, Philadelphus, Viburnum opulus...).
- Groupe 4 : les espèces à croissance rythmique connaissant plusieurs vagues de développement au cours de la période de végétation. Lors de l’arrêt de croissance entre chaque pousse, les bourgeons, en fonction des conditions, peuvent devenir floraux ou rester végétatifs (Callistemon, Camellia, Choisya...).
Les techniques de forçage ne seront pas identiques pour chacun de ces groupes.
Hydrangea macrophylla, en exemple dans le groupe 3
La production d’arbustes à feuillage caduc du groupe 3 a régressé ces dernières années. Pourtant, ces végétaux, avec leur belle floraison, possèdent un réel intérêt esthétique.
Le forçage par passage des plantes sous abri, moyen bien connu de hâter la floraison, n’est pas adapté pour ce groupe, qui exige de subir une période de froid pour la vernalisation avant l’épanouissement floral. Le forçage doit donc être réalisé en deux phases, une période de froid précédant l’étape proprement dite du forçage. Cette technique est couramment appliquée sur Hydrangea macrophylla mais n’est pas utilisée pour d’autres espèces. Le CATE a donc cherché à observer si cette technique peut être élargie à d’autres taxons et s’il est possible de programmer une floraison échelonnée.
Pour les espèces Viburnum opulus, Weigela et Philadelphus, des tailles trop tardives lors de la formation des plantes diminuent ou suppriment la floraison l’année suivante. Grâce à un bon calage de la dernière taille, la présentation peut être améliorée sans pénaliser la floraison. Les besoins en froid pour lever la dormance ont également été précisés.
Ces données ont servi à élaborer des programmes de forçage pour échelonner la vente. Le froid artificiel par passage au frigo à 4 °C a été utilisé afin de lever la dormance. Les plantes ont ensuite été forcées sous abri non chauffé. Cette technique a fait avancer la précocité de floraison des premières séries de cinq à dix semaines selon les espèces (figure n° 1 dans le tableau ci-dessus). Une très belle présentation des plantes a été obtenue (photo 1) et les ventes ont été étalées sur sept à dix semaines, soit nettement plus que la floraison naturelle.
Groupe 1 : Hydrangea paniculata montre la voie
La station Est horticole a travaillé au décalage de la floraison de sept variétés d’Hydrangea paniculata qui fleurissent naturellement entre juin et septembre. Pour retarder la floraison, des essais faisant varier les dates de rempotage et de pincement ou utilisant la thigmomorphogenèse ont été menés de 2018 à 2020.
Cette dernière n’a pas eu d’impact sur la période de floraison mais a rendu les plantes plus compactes. En revanche, la date de mise en culture, bien qu’elle ne donne pas la maîtrise du calendrier de floraison, a montré de l’importance pour les variétés tardives (‘Diamantino’, ‘Limelight’). Il vaut mieux rempoter début avril que plus tardivement ces variétés, sinon la floraison s’accomplira après la période de commercialisation et le pincement ne pourra être utilisé comme levier. La date de pincement, elle, a un réel effet et permet d’échelonner jusqu’à six semaines la floraison (figure n° 2, tableau ci-dessus). Cependant, lorsque le pincement est réalisé au-delà de la semaine 26, il entraîne une floraison trop tardive.
Pour une même date de pincement, la floraison est atteinte plus précocement en conteneurs de 7 l que de 3 l. La différence a été de une àdeux semaines pour les variétés ‘Diamant Rouge’ (photo 2) et ‘Sundae Fraise’ et de cinq semaines pour ‘Diamantino’.
Le forçage de vivaces pour la fleur coupée
Si des arbustes peuvent aussi être cultivés pour la fleur coupée, le projet a surtout porté sur l’usage de vivaces herbacées, pour lesquelles il y a peu de recul.
Au Scradh, la maîtrise du calendrier de floraison a été réalisée jusqu’à présent sur la pivoine, dont le comportement est assimilable aux plantes du groupe 3. Les travaux ont été élargis à trois nouvelles vivaces, dont les fleurs sont demandées par le négoce : Sedum spectabile, Astrantia major, Oncostema peruviana (scille du Pérou).
Ces espèces sont classiquement cultivées en pleine terre, avec une floraison saisonnière peu étalée et très liée au climat. L’objectif étant de maîtriser l’étalement et le décalage de la floraison, le Scradh a étudié de 2018 à 2020 l’impact du traitement au froid pour vernaliser les plantes par leur passage en chambre froide à 4 °C, le forçage sous abris plus ou moins chauffés et la maîtrise de la photopériode par un éclairage de jours longs. Ces vivaces ont été cultivées en hors-sol en caisses car, lors de l’application en entreprise, il pourra être nécessaire de produire ces vivaces en systèmes mobiles.
Pour Astrantia, qui peut être assimilable au groupe 1, l’efficacité du froid suivi d’un forçage en jour long a été montrée. Toutefois, les faibles rendements et la sensibilité de la plante ne permettent pas d’envisager des poursuites en entreprise. La scille du Pérou est du type du groupe 2, et en hiver les plantes ne demandent que du forçage pour fleurir. Dès lors, il est possible d’avancer la floraison de six semaines ou la retarder de deux, en jouant sur la température (forçage ou froid). Pour le Sedum, qui est assimilable au groupe 1, le froid n’a qu’un faible impact, mais le forçage associé à un traitement de jour long avance la floraison de six mois et entraîne deux récoltes par an (photo 3).
Avec de tels résultats, le développement de cette technique en entreprise est tout à fait envisageable.
Laurent Mary (CATE), Marie-Anne Joussemet et Manon Trinel (Est horticole), Martine Passot et Laurent Ronco (Scradh)Pour accéder à l'ensembles nos offres :