Îlots de chaleur Vichy prend sa température
Une étude scientifique portant sur les services écosystémiques rendus par les arbres a été menée à Vichy (03). Preuve que l’engagement contre le changement climatique ne concerne pas que les grandes villes.
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Souvent qualifiée de ville-parc, Vichy (03) est renommée grâce à son patrimoine remarquable d’arbres ainsi que pour son engagement afin de le pérenniser et de l’enrichir. Récemment, la collectivité a par exemple élaboré en régie une cartographie interactive, accessible à tous, pour mieux appréhender et faire partager les connaissances autour de cette richesse. En 2019, elle n’a pas échappé à la canicule qui a touché précocement l’ensemble du territoire national en juin, suivie d’une seconde vague fin juillet, plus courte mais plus intense. La température a atteint un maximum de près de 42 °C. Pour la première fois, un arrêté préfectoral a interdit tout arrosage dans les espaces verts, même pour les jeunes plantations. En 2020, l’été a également été marqué par des températures élevées ainsi qu’un épisode de sécheresse.
« Les événements de l’été 2019 ont incité les services techniques et les élus à renforcer leur politique en faveur de la présence du végétal, en particulier des arbres, afin d’améliorer encore le cadre de vie des habitants et des curistes. Un engagement qui passe par une meilleure connaissance de leur rôle réel dans l’atténuation des îlots de chaleur urbains du territoire », explique Dominique Scherer, directeur des espaces verts.
Pour ce faire, la Ville a lancé fin 2019 une étude basée sur des mesures de terrain avec la société Verdi ingénierie dont les premiers résultats ont été dévoilés en ce début d’année.
Une première analyse morphologique de la ville a permis de qualifier le territoire, composé principalement d’habitats compacts de petite taille ou bien de hauteur modeste, à sol minéral ou partiellement perméable, de zones industrielles à sol minéral et de parcs urbains. Ensuite, plusieurs sites « d’intérêt » ont été identifiés, du fait de leur impact majeur sur les usagers ou en tant que futur lieu d’aménagement : deux places urbaines, le parc des Sources, cœur de l’activité thermale, ainsi que les parcs et berges des rives de l’Allier.
Différentes typologies d’espaces ont été prises en compte, rues arborées ou non, orientation de la rue, configuration (rue canyon/voie large) ; couleur des revêtements et engazonnement pour les places et squares ; distance par rapport au centre-ville et à la trame bleue. Au total, vingt-trois points de mesure ont été installés.
Une méthodologie adaptée au contexte d’une ville moyenne
Concernant le type de données à mesurer, le choix s’est porté sur l’indice Humidex, qui contribue à bien appréhender les pics de température et la dynamique des îlots de chaleur urbains. « Si l’UTCI (indice universel du climat thermique), qui évalue la température ressentie, est plus juste, car il prend en compte de nombreux paramètres comme par exemple les facteurs convectifs ou radiatifs, il est de ce fait complexe à mettre en œuvre et implique des études plus coûteuses. L’indice Humidex nous a semblé mieux adapté à la taille moyenne de notre collectivité et d’un bon rapport entre qualité d’information recueillie et coût d’acquisition. Des études comparatives entre les deux indices montrent qu’ils donnent des résultats assez proches pour les phases de pics de chaleur », précise Guillaume Portero, directeur adjoint des espaces verts, en charge du suivi de l’étude.
L’indice Humidex utilisé à Vichy s’appuie sur les données de température et d’humidité relative mesurées toutes les trente minutes grâce à un réseau de capteurs positionnés à 2,5 m, orientés au nord et isolés de leur support.
Les premières analyses des résultats confirment le rôle positif des arbres, avec un écart de température moyenne diurne de 3 °C entre la partie minérale de la place Charles-de-Gaulle et son secteur arboré. Elles montrent également un meilleur confort thermique pour la zone arborée, avec un indice Humidex toujours plus favorable. La partie arborée de la place a également été comparée à un site plus densément végétalisé, le parc Napoléon-III.
L’écart de température atteint un maximum de 2,5 °C, en faveur de ce dernier. L’impact des arbres sur l’ambiance thermique est plus marqué dans les rues qui sont orientées N/S que les axes E/O, avec des écarts pouvant atteindre 8 °C contre 3. « Si les arbres limitent les pics de chaleur. Ils participent aussi au maintien de l’humidité atmosphérique, ce qui n’est pas agréable si elle est très élevée. Avec une configuration de rues étroites, la présence d’arbres peut aussi réduire les possibilités de circulation de l’air », précise Guillaume Portero. Au cours de cette expérimentation, la comparaison entre les parcs n’a pas montré de différences significatives mais les mesures dans le parc Napoléon-III, d’une superficie de 8 ha environ, confirment son statut d’îlot de fraîcheur, avec une tendance à se réchauffer plus lentement et à se refroidir plus vite que d’autres espaces.
Simulation de l’ambiance thermique
Les données de l’étude ont permis d’alimenter un outil de modélisation de l’ambiance thermique, qui peut être utilisé dans le cadre de projets d’aménagement. « En comparant l’ambiance thermique du moment avec celle projetée, il sera ainsi possible d’évaluer avec exactitude l’incidence de la plantation d’arbres sur une place minérale ou le long d’un cheminement sur la température du site », note Guillaume Portero. Bien sûr, la qualité des plantations (le choix des végétaux, de la configuration des espaces et du sol) et le suivi sont considérés comme incontournables par les gestionnaires afin que les arbres puissent remplir pleinement leurs fonctions écosystémiques.
Au-delà de cette première étape d’expérimentation, l’agglomération prévoit de financer d’autres études, notamment pour évaluer le contexte des écoles (nature des revêtements, positionnement urbain ou rural de l’établissement) ou encore analyser l’influence de la taille des espaces verts… Les sondes ont été achetées par la collectivité, ce qui présente l’avantage de poursuivre les mesures à moindres frais et de pouvoir approfondir certaines questions. En complément, l’acquisition de sondes de mesure de microparticules et de sondes tensiométriques va aider à étudier le rôle des arbres sur la pollution atmosphérique et l’optimisation de l’arrosage de jeunes plantations. De plus, dans le cadre d’une thèse de doctorat menée chez Verdi ingénierie, la prise en compte du confort des habitants est évaluée par des enquêtes auprès de passants, riverains et usagers durant deux années.
Yaël Haddad
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