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Cultures sous abris Renforcer la maîtrise du climat

La répétition d’épisodes de forte chaleur met les itinéraires techniques à rude épreuve. L’an dernier, le BHR et l’Arexhor Pays de la Loire ont présenté des pistes d’adaptation. Certaines ont déjà cours.D’autres, au stade de l’expérimentation, ouvrent des perspectives prometteuses.

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C’est sans détour qu’Alain Ferre, le directeur technique de l’Arexhor Pays de la Loire, a planté le décor. « Avec huit à neuf canicules constatées ces dix dernières années et une accélération de leur rythme, retenez que la norme est désormais d’une par an », a-t-il expliqué aux producteurs présents le 30 septembre dernier à la journée « Climat ». Coorganisé avec le Bureau horticole régional, en partenariat avec la société Ripert, ce temps fort du club « Développement durable » a permis d’analyser les répercussions de cette évolution climatique sur les itinéraires techniques.

De fait, demain « il faudra produire avec moins d’eau – ce que l’on savait déjà – mais aussi avec davantage de stress. Les plantes, explique Alain Ferre, vont passer du chaud au froid à des périodes inhabituelles avec, par exemple, des coups de chaud en mars. Le risque de gel tardif va également augmenter, un fait que nous avons d’ailleurs pu observer en 2021 ».

Adapter les peintures de blanchiment

Dans ce contexte, pas de solution miracle mais des adaptations permanentes et de l’innovation à tous les maillons de la fi­lière. En matière de blanchiment, Frédéric Robert, ingénieur d’affaires chez Sudlac*, a confirmé que l’entreprise travail­lait à l’évolution de sa gamme, en particulier celle des peintures temporaires. « L’objectif est que ces produits résistent encore mieux à des épisodes de chaleur ponctuels plus forts », a-t-il précisé.

L’innovation s’opère aussi du côté des modes d’application­, avec l’arrivée d’un « petit dernier » : le drone. La technique est selon lui « bluffante ! Avec une homo­généité de la couche d’ombrage qui est supérieure­ à celle obtenue par hélicoptère ».

Émergente, l’application par drone est en pleine structuration. En particulier sous l’impulsion de deux entreprises : Drone-Jet, basée à Vienne (38), spécialiste de l’épandage par drone en viticulture, et Phytoval, à Plauzat (63). Début février dernier, toutes deux ont créé la société Air Protech dans le but de développer l’activité de blanchiment par drone sur le marché horticole et maraîcher. Elle est équipée de trois drones et compte deux pilotes.

Le 30 septembre, au siège du BHR, Bertrand Saulnier, fondateur de Drone-Jet, était présent avec l’un de ces trois appareils : un Agras MG-1P-RTK de marque Dji équipé de huit rotors, qui peut embarquer dix litres de peinture. « Ce drone travaille à un mètre par seconde et permet de blanchir un hectare en moins de deux heures. » Facile à transporter – notamment du fait de son poids (25 kg) –, ce modèle s’utilise par vent faible (moins de 15 km/h) et vole à 2,5 m au-dessus du tunnel. « L’ombrage, précise Bertrand Saulnier, se fait par brumisation. »

Un filet d’ombrage
­sur le tunnel

Enjeu de filière, l’adaptation aux évolutions climatiques passe par l’expérimentation. L’an dernier, la station Astredhor d’Angers (49) a conduit deux essais dans le cadre du projet ClimatVeg**. L’un, sur le refroidissement des tunnels, l’autre sur celui des aires de culture extérieures. « Dans les deux cas, relève Alain Ferre, nous avons pris le parti de solutions faciles à mettre en œuvre, peu onéreuses et qui s’appuient sur des processus physiques. En l’occurrence, l’augmentation de l’albedo, l’évaporation de l’eau et l’utilisation de la fraîcheur du sol. »

Pour l’expérimentation « Refroidissement des tunnels », deux installations ont été équipées d’un filet d’ombrage vert, pour l’une avec un ruissellement d’eau grâce à deux tuyaux poreux installés au niveau du faîtage. Le témoin était un tunnel chaulé. À l’usage, le tuyau poreux a généré un ruissellement au sol mais pas l’humidification complète de la bâche. Cet équipement « n’est pas le bon. Il faudrait, pour couvrir toute la bâche, réessayer­ avec des microasperseurs », avance l’Arexhor, qui a toutefois recueilli d’intéressantes données sur la consommation d’eau. À raison de douze arrosages par jour, elle s’est élevée à 200 ml/m² au sol par jour. Autrement dit, « pour notre tunnel de 50 m, nous avons utilisé, en quinze jours, pas moins de 168 litres. C’est important ! » relève Alain Ferre.

L’ombrière n’a pas eu d’effet sur le refroidissement du tunnel. « L’ombrière verte, explique-t-il, retire de l’intensité lumineuse mais ne bloque pas les infrarouges. Les plantes ne brûlent pas mais il n’y a pas non plus de refroidissement. »

Blanchir les bâches noires

Également menée à l’été 2021, elle aussi dans le cadre de ClimatVeg – un projet qui associe les régions Bretagne et Pays de la Loire autour des adaptations aux changements climatiques –, la seconde expérimentation visait à étudier le refroidissement des aires de culture extérieures. Trois équipements ont été comparés : la bâche noire, qui servait de témoin, le plastique blanc (neuf) et, enfin, de la bâche noire chaulée au 16 avril sur une largeur de 3 m. « Ce qu’on peut dire, c’est qu’il y a bien eu refroidissement à chaque pic de chaleur », indique l’Arexhor. L’analyse des températures maximales journalières montre toutefois, et de manière assez surprenante, que la bâche blanche se situe, en fin de journée, au-dessus du témoin. Un fait « que nous n’arrivons pas à expliquer mais qui pourrait être généré par l’effet tampon des flaques d’eau sur la toile non tissée ». À l’opposé, la bâche chaulée se positionne en deçà du témoin. Au niveau des températures minimales journalières, les responsables de l’expérimentation craignaient, en blanchissant, d’abaisser les températures minimales. « Ça n’a pas été le cas ! Il y a vraiment très peu de différence. »

Pour compléter ces données, l’Arexhor s’est concentrée sur les journées les plus chaudes. Entre le 18 et le 22 juillet, les températures ont été enregistrées heure par heure. Preuve du bon fonctionnement des sondes, toutes indiquaient des données nocturnes identiques. Sans surprise, la bâche noire a été la plus rapide à chauffer. « Le plastique blanc monte en température un peu moins vite mais en fin de journée le résultat est le même. »

Les résultats les plus intéressants sont enregistrés sur la bâche chaulée. De fait, « elle chauffe moins vite, jusqu’à 5 °C de moins », expose l’Arexhor, qui prévoit de renouveler cette expérimentation – jugée concluante – en 2022 sur une plus grande surface. Et si possible en condition caniculaire, « pour apprécier l’influence de la bâche chaulée sur la température intra-pot mais aussi sur l’enracinement des plantes et leur croissance ».

Anne Mabire

*L’entreprise Sudlac a changé de nom au 1er janvier : elle s’appelle désormais Lumiforte Emea SAS.

**Porté par Végépolys Valley, financé par les régions Pays de la Loire et Bretagne (avec l’Ademe).

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