Phosphate ferrique, molluscicide
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SPECTRE D’EFFICACITÉ ET CULTURES ENVISAGEABLES
- Propriétés : le phosphate ferrique (de formule FePO3), appelé aussi phosphate de fer ou orthophosphate (III) de fer, est un sel de fer présent naturellement dans le sol. Au contact de l’eau, il se décompose en ions phosphate (de formule PO3-) et en ions fer III (de formule Fe3+). Lorsque ce composé minéral est ingéré par les escargots et les limaces (classe des gastéropodes terrestres, embranchement des mollusques), il a des propriétés létales. On le trouve sur la liste des produits de biocontrôle et il est utilisable en agriculture biologique (UAB). Les préparations molluscicides commercialisées se présentent sous la forme d’un appât prêt à l’emploi (RB) et contiennent une faible teneur (5 % au maximum) de phosphate ferrique. Afin de libérer l’élément chimique au contact de l’humidité, les granulés cylindriques sont répartis manuellement ou mécaniquement (épandeur centrifuge) à proximité des végétaux à protéger. Bien que les produits de dégradation – fer et phosphates – soient des éléments nutritifs nécessaires à la croissance des végétaux, le phosphate ferrique est peu disponible pour les plantes du fait de sa forte adsorption par les constituants du sol après sa dégradation par les micro-organismes comme de sa très faible solubilité dans l’eau. Ainsi, le processus de dissociation du phosphate ferrique dans le sol est extrêmement lent.
- Mode d’action et cibles : après que le phosphate ferrique a été ingéré par les gastéropodes, des changements cellulaires pathologiques interviennent dans l’appareil digestif (jabot, estomac, hépatopancréas). La substance s’accumule dans les sphérules de calcium des glandes digestives, ce qui interfère avec le métabolisme du calcium et, à son tour, perturbe l’alimentation, la production de mucus, la contraction musculaire et l’influx nerveux. Les limaces ne laissent pas de traces derrière elles, s’enfouissant dans leur abri après avoir absorbé le produit. Alors, elles cessent de se nourrir et meurent de faim. Autrefois, ce produit de biocontrôle se délitait souvent plus vite que les molluscicides chimiques de synthèse sous l’effet de la pluie ou de l’irrigation par aspersion, mais aujourd’hui la plupart des granulés durent aussi longtemps, si la formulation est optimisée (phosphate ferrique hydraté, séchage long). La persistance d’action est d’environ trois semaines et il convient de renouveler les applications dès que les appâts ont été consommés. En terrain très motteux, il est préférable de rouler ou d’égaliser le sol pour rendre les granulés plus accessibles aux limaces et escargots.
- Principales cultures concernées : les produits à base de phosphate ferrique sont autorisés pour un usage « traitements généraux - traitement du sol - limaces et escargots ». On les utilise en productions horticoles, ainsi qu’en jardins et espaces verts pour protéger les végétaux exposés à des attaques : semis, plants repiqués et jeunes plantations, bourgeons et pousses de plants fruitiers (par exemple, cerisiers en parcelle infestée par des escargots arboricoles), gazons récemment semés, potées fleuries, plantes florales annuelles, bisannuelles ou vivaces (Alcea, Alstroemeria, Aster, Brugmansia, Canna, Chrysanthemum, Dahlia, Datura, Delphinium, Helianthus, Hosta, Lupinus, Tagetes, Viola, Zinnia…). Les préparations commerciales ont un rapport efficacité/prix (hors produits génériques) qui est comparable à celui des produits antilimaces conventionnels (métaldéhyde). De plus, leur application nécessite la même technicité et le même matériel d’épandage.
Mais pour optimiser le traitement, celui-ci doit être réalisé aux stades sensibles des cultures (semis, jeunes plants…), à l’annonce de conditions humides et, au plus tard, dès les premiers signes de morsures des cotylédons, plantules, feuilles. L’épandage est réalisé sans mode d’application particulier sous forme de poquets. Il peut se faire soit en plein, uniformément sur le sol, pour contrer certaines espèces telles que la limace grise ou loche laiteuse (Deroceras reticulatum), tout en ajustant la dose d’utilisation à la pression du ravageur, soit autour de la culture afin de maîtriser la limace noire, limace des jardins ou limace horticole (Arion hortensis, Arion distinctus), en général moins nuisible, dont l’infestation provient souvent des bords de champ.
Pour éviter tout risque de lessivage dans la culture, des essais ont montré l’intérêt de placer opportunément les apports, c’est-à-dire au moins quatre ou six jours avant une irrigation par aspersion (selon l’espèce de gastéropode ciblée) et de renouveler l’application après un arrosage ou une pluie. Pour une utilisation sous tunnels, où les populations de mollusques sont en général plus fortes au contact des plastiques avec le sol (eau de pluie ou condensation), le produit peut être appliqué en bordure des bâches sur 20 à 30 cm de large à l’intérieur ou à l’extérieur des abris de culture, afin d’optimiser le traitement.
- Efficacité : de nombreux essais comparatifs ont démontré l’efficacité du phosphate ferrique par rapport au métaldéhyde, y compris dans des situations de forte pression parasitaire évaluée par piégeage, modélisation épidémiologique et/ou observations visuelles sur le terrain. Mais quelques freins subsistent : d’une part, l’action des appâts à base de phosphate ferrique (formulations classiques) s’avère moins rapide par rapport à l’antilimace conventionnel, d’autre part, l’effet du traitement de biocontrôle ne s’apprécie pas toujours directement par l’utilisateur, les limaces intoxiquées se cachant ou s’enterrant avant de mourir. Seule la réduction des dégâts sur les végétaux aide à estimer l’efficacité de l’intervention.
Mais le fait que des produits antilimaces au phosphate ferrique aient l’inconvénient d’agir plus lentement que les produits conventionnels et entraînent une surconsommation du produit par les limaces avant leur élimination (la limace qui a consommé un granulé de phosphate ferrique a encore la possibilité de faire des dégâts dans la culture) a motivé au sein de la société De Sangosse des études R&D pour pallier ce problème. Ces travaux ont permis d’optimiser la formulation de la substance active par la technologie IP Max qui améliore la rapidité d’action létale sur le mollusque. La qualité de l’appât (à base de farine de blé) a, elle aussi, été travaillée pour être plus attractive. Ainsi, un seul granulé suffit à tuer plusieurs limaces et, après trois jours d’application, on peut constater une mobilité plus faible du ravageur. Cependant, dans la mesure où l’abondance et l’activité des limaces sont multifactorielles – milieu de culture (topographie parcellaire, typologie paysagère…), système de production végétale, conditions climatiques (pluie, températures), type de sol (composition, texture, structure), présence ou non d’un paillage (les paillis organiques servent d’abris aux limaces et escargots), stade végétatif et appétence de la plante hôte –, il est judicieux de privilégier la lutte intégrée. Cette stratégie permet de valoriser, si besoin, le phosphate ferrique qui, à lui seul, peut s’avérer insuffisant à maîtriser à moyen ou long terme les populations de limaces et escargots.
Avant tout traitement, la surveillance régulière des cultures sensibles, l’évaluation du risque d’infestation grâce au piégeage et à des outils d’aide à la décision (OAD), la mise en œuvre de méthodes agronomiques (travail du sol, rotations culturales, infrastructures agroécologiques favorables aux auxiliaires prédateurs naturels dès le stade « œufs » : carabiques, staphylins…) sont autant de bonnes pratiques qui contribuent à protéger efficacement les plantes d’ornement de façon durable contre les attaques.
- Risques toxicologiques : le phosphate ferrique est reconnu non toxique pour les animaux domestiques, le hérisson, les oiseaux, les poissons et les insectes (dont les abeilles). Quant aux vers de terre, les risques aigus et à long terme ont été jugés officiellement acceptables pour les usages phytosanitaires. Lors d’essais sur des animaux de laboratoire, le produit s’est montré non toxique par les voies orale et cutanée. Il n’était ni irritant pour la peau et les yeux, ni sensibilisant cutané, car aucun rapport n’a confirmé d’éventuelles réactions allergiques immédiates ou retardées avec une exposition orale significative.
Jérôme JullienPour accéder à l'ensembles nos offres :