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Bicarbonate de potassium : un fongicide minéral

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SPECTRE D’EFFICACITÉ ET CULTURES ENVISAGÉES

- Propriétés : inscrit sur la liste officielle des produits phytopharmaceutiques de biocontrôle au titre des articles L.253-5 et L.253-7 du code rural et de la pêche maritime, le bicarbonate de potassium ou hydrogénocarbonate de potassium, appelé aussi carbonate acide de potassium, est un sel basique incolore et inodore. Les ions hydrogénocarbonate et potassium sont naturellement présents dans l’environnement et dans les tissus végétaux. Ce sel carbonaté KHCO3 est soluble dans l’eau et biodégradable. Il est associé à des coformulants dans les spécialités commerciales fongicides pour faciliter la préparation­ de la bouillie et améliorer l’efficacité­ des traitements : tenue en suspension après dilution, tensio-actifs mouillants, adhésifs. On l’utilise pour la protection fongicide de nombreux végétaux, dont les plantes d’ornement. Dans d’autres pays tels que la Suisse, le bicar­bonate de potassium est utilisé comme régulateur de croissance sur des arbres fruitiers. Il permet l’éclaircissage de la floraison de l’abricotier, du prunier ou du pommier, en desséchant les pétales et le pollen qui se trouve à l’extrémité du pistil. Ainsi, la fleur ne peut pas être fécondée. La première application vise à supprimer la fleur centrale.

- Mode d’action et cibles : le bicarbonate de potassium a une action de contact mul­tisite sur les champignons phytopatho­gènes sensibles, notamment ceux responsables d’oïdiums et de pourriture grise à Botrytis cinerea. Il agit sur les cel­lules fongiques en modifiant le pH, en augmentant la pression osmotique et en perturbant l’équilibre des membranes cellulaires. Ainsi, ce produit a une action préventive sur les spores et stoppante sur les hyphes mycéliens. Cependant, pour obtenir la meilleure efficacité sur une attaque d’oïdium déclarée, il est préférable d’associer le produit contenant du bicarbonate de potassium avec une spécialité à base de soufre mouillable.

En ce qui concerne la fréquence d’intervention, l’idéal est de réaliser deux traitements à sept ou dix jours d’intervalle selon le type d’oïdium présent, le stade de développement de la culture et les conditions climatiques. Un cumul de pluie ou une irrigation par aspersion supérieure à 20 mm entraîne une baisse d’efficacité causée par un lessivage partiel du produit. Dans ce cas, il convient de renouveler la protection.

- Principales cultures concernées : ce fongicide présente l’avantage d’être utilisable en agriculture conventionnelle, biolo­gique et biodynamique. En productions horticoles ornementales, il est autorisé pour le traitement des parties aériennes contre les oïdiums des arbres et arbustes (dont le rosier sur bouton floral ou sur feuilles), des cultures florales (plantes en pot, fleurs coupées) et plantes vertes, des plantes à parfum, aromatiques, médicinales et condimentaires (PPAMC) et des cultures porte-graines florales, en plein champ, sous serre et sous tunnel.

- Efficacité : le bicarbonate de potassium protège uniquement les parties aériennes des végétaux. Multisite d’action, il n’est pas exposé à des risques d’apparition de résistance de certains champignons pathogènes et ne craint donc pas des érosions d’efficacité. Contre les oïdiums, il offre un mode d’action complémentaire à celui du soufre. Même s’il est capable de stopper le développement des oïdiums en agissant sur les hyphes mycéliens, on obtient une meilleure efficacité en intervenant de manière préventive sur les espèces, variétés et stades phénologiques sensibles, de même qu’en conditions météorologiques à risque.

Pour optimiser le traitement, il est également recommandé de pulvériser le bicarbonate de potassium en matinée ou en soirée lorsque l’hygrométrie est la plus élevée (y compris en présence de rosée). Si l’humidité relative est faible, notamment sous abri, prévoir une brumisation. Sur l’abricotier, ce fongicide peut servir à pré­venir la moniliose des fleurs, des rameaux et des fruits (Monilia laxa), pouvant sévir dès la production des plants dans les pé­pinières. Sur le pommier, il est autorisé contre­ la tavelure.

- Expérimentations : en 2009, un essai réalisé en France sous serre a permis d’évaluer le niveau d’efficacité à hauteur de 82 % du bicarbonate de potassium appliqué jusqu’à dix-huit fois contre l’oïdium du gerbera. En 2010, un essai de lutte mis en place sous abri en France contre l’oïdium sur Amelanchier ovalis, Coreopsis grandiflora et Quercus petraea, en appliquant le bicarbonate de potassium dès l’apparition des premiers symptômes et jusqu’à dix fois, a réduit efficacement le développement de la maladie sur les végétaux d’ornement testés en comparaison avec le témoin non traité.

- Compatibilités, phytotoxicités : les spécialités à base de bicarbonate de potassium ne doivent pas être mélangées avec des formulations en concentrés émulsion­nables (EC) ou au pH acide, des phosphonates, certains engrais foliaires ou bien encore des produits à base d’oxychlorure de cuivre ou d’oxyde cuivreux. Mais une association avec des spécialités à base d’hydroxyde de cuivre ou de sulfate de cuivre (formulation de type bouillie bordelaise) est, quant à elle, possible. En général, le volume de bouillie optimal à respecter est de 300 à 400 litres par hectare. Notons que pour lutter contre certains oïdiums, comme celui du fraisier, il convient d’appliquer un volume supérieur, au moins égal à 600 l/ha, afin de limiter les risques de phytotoxicité. Cependant, d’autres usages comme le traitement de l’oïdium et de la pourriture grise sur la vigne­ doivent être associés à volume de bouillie minimal de 200 l/ha.

Certains mélanges avec des engrais fo­liaires sont possibles. Dans ce cas, il est conseillé de verser le bicarbonate de potassium très lentement dans la cuve ou de le prédiluer et de le verser en fin de remplissage en respectant une concentration maximum de 15 % pour que la prédilution soit efficace. Par précaution, il convient de ne pas traiter si la température dépasse 25 °C, voire 30 °C sur certaines plantes. Si une intervention est malgré tout nécessaire par temps chaud ou sous serre, il faut tes­ter préalablement le traitement sur un échantillon représentatif avant de généraliser la pulvérisation à l’ensemble de la culture, afin d’éviter tout risque de brû­lure des tissus végétaux en cas de températures élevées.

- Effets non intentionnels sur les auxiliaires : le bicarbonate de potassium respecte les carabes, les vers de terre et les oiseaux. Il s’avère peu à moyennement toxique sur l’acarien prédateur Typhlodromus pyri (données extrapolées sur la base d’une étude réalisée en laboratoire sur protonymphes), moyennement toxique sur l’hyménoptère parasitoïde Eretmocerus eremicus (données sur le stade adulte) et faiblement à moyennement toxique sur Aphidius rhopalosiphi (données extrapolées à partir d’une étude réalisée en la­boratoire sur le stade adulte). Cependant, les données disponibles (étude en conditions de plein champ) permettent de conclure­ qu’une recolonisation ou une récupération des populations de ces arthropodes non cibles présents dans la culture­ est possible dans un délai raisonnable. Par ailleurs, les risques toxicolo­giques pour les abeilles sont considérés comme acceptables par l’Anses*.

- Toxicologie et respect de l’environnement : sans classement toxicologique ou écotoxicologique, le bicarbonate de potassium nécessite cependant le respect d’un délai de réentrée de six heures en plein champ, huit heures en milieu fermé et d’une zone non traitée (ZNT) de cinq mètres par rapport aux points d’eau. Le délai d’emploi avant récolte est de un jour sur des cultures produisant des denrées consommables, mais de 0 jour sur des végétaux d’ornement.

Jérôme Jullien

*Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail.

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