Gérer Gestion des congés payés : les règles sont bouleversées
Quatre arrêts récents reconsidèrent les périodes non travaillées pour maladie professionnelle ou accident du travail. Celles-ci donnent désormais droit à congé payé. Les exploitations horticoles et entreprises du paysage doivent s’emparer du sujet.
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La Cour de cassation a rendu, le 13 septembre 2023, quatre arrêts majeurs visant à mettre le droit français en conformité avec le droit européen.
Ces arrêts portent principalement sur l’acquisition des jours de congés payés pour les salariés durant les périodes non travaillées de maladie ou d’accident du travail. Ces décisions ont un impact important dans les entreprises, secteurs horticoles compris.
Nous abordons ici trois de ces arrêts, le quatrième étant très technique.
Le Lien horticole : Pour mémoire comment se gérait, jusqu’à présent, le compte « légal » de congés payés et ses variantes ?
Muriel Vandevelde : L’article L3141-1 du code du travail français pose d’abord le principe de base connu de tous selon lequel tout salarié a droit, chaque année, à un congé payé à la charge de l’employeur.
L’article L3141-3 précise ensuite que le nombre de jours de congés s’acquiert à hauteur de 2,5 jours ouvrables par mois de travail effectif chez le même employeur, et que la durée totale du congé légal exigible est plafonnée à trente jours ouvrables par an.
Bien entendu, à ce plafond « légal » de 30 jours annuels peuvent s’ajouter des jours de congés supplémentaires prévus par des conventions collectives, des accords d’entreprise ou encore des usages (par exemple des congés supplémentaires en fonction de l’ancienneté).
Des jours supplémentaires peuvent également être acquis au titre du congé spécifique dit « de fractionnement ».
Mais dans tous les cas, c’est bien en contrepartie d’un travail effectif que les congés étaient acquis pour permettre, selon l’esprit de la loi, aux salariés de bénéficier d’un temps de repos.
Le Lien horticole : Qu’était-il prévu en cas de maladie non professionnelle ? Le compteur de congés payés s’interrompait-il ?
Muriel Vandevelde : Oui. S’agissant des périodes d’absence de l’entreprise, l’article L3141-5 prévoyait clairement que les périodes d’arrêt de travail pour cause de « maladie d’origine non professionnelle » ne donnaient pas droit à l’acquisition de jours de congés.
Autrement dit, selon la loi française, le compteur de congés payés acquis s’interrompait lorsque le salarié était en arrêt maladie. Ce qui là encore semblait cohérent.
Le Lien horticole : Qu’était-il prévu dans les cas particuliers des accidents du travail et des maladies professionnelles ?
Muriel Vandevelde : La règle légale était en revanche différente s’agissant des accidents du travail et des maladies d’origine professionnelle puisque le code du travail assimilait ces périodes à du temps de travail, et seulement dans la limite d’une période ininterrompue d’un an. La loi considérait que l’employeur étant « responsable » de la situation, le salarié conservait des droits à congés payés dans la limite d’un an.
Ces règles légales en vigueur depuis de nombreuses années en France sont bien connues des employeurs et des salariés. Or ce sont précisément ces règles qui sont bouleversées par la Cour de cassation dans les quatre arrêts rendus le 13 septembre 2023.
Le Lien horticole : Désormais, que se passe-t-il en cas de problème de santé ?
Muriel Vandevelde : Dans le premier arrêt, la Cour de cassation opère un revirement de sa jurisprudence antérieure en affirmant que les salariés dont l’exécution du contrat est suspendue en raison d’une maladie non professionnelle ont désormais le droit de réclamer des jours de congés payés acquis durant cette période.
Autrement dit, la Cour de cassation fixe une nouvelle règle consistant à intégrer la période non travaillée pour cause de maladie non professionnelle comme une période travaillée, ouvrant ainsi droit à des congés payés.
Ce revirement notable se base sur le droit européen selon lequel l’absence due à un problème de santé ne doit pas affecter les droits à congés payés du salarié.
Le Lien horticole : Que devient la limite d’un an maximum d’arrêt pour le calcul des congés payés ?
Muriel Vandevelde : Dans le deuxième arrêt, la Cour de cassation écarte la limitation d’un an imposée par le droit français pour l’acquisition de jours de congés payés en cas d'accident du travail ou de maladie professionnelle.
La haute juridiction – dont la décision fait autorité – reconnaît que les salariés victimes de tels accidents génèrent des jours de congés payés non plus seulement durant un an mais bien durant toute la période de leur arrêt de travail.
En conséquence, donc, la suppression de la limite d’un an s’applique aussi bien pour les maladies et accidents professionnels et non professionnels.
Le Lien horticole : Y a-t-il des congés payés avec le congé parental ?
Muriel Vandevelde : Le troisième arrêt, moins impactant, concerne le congé parental d'éducation.
Jusqu’au 13 septembre 2023, les salariés ne pouvaient pas prétendre à une indemnité compensatrice de congés payés au retour de leur congé parental. Le législateur considérait en effet que ce congé parental, pris à leur initiative, ne permettait pas l'exercice du droit à congé payé classique.
La Cour de cassation juge, là encore, cette règle contraire au droit social européen et affirme que les salariés doivent pouvoir reporter les congés payés non pris après leur congé parental.
Par ces arrêts, la Cour de cassation se positionne – sous couvert du droit européen – contre les textes du code du travail français pour garantir une meilleure protection des droits à congés payés des salariés.
Mais ces décisions ne sont pas sans risques pour les entreprises, dont les exploitations horticoles et entreprises du paysage, lorsque les arrêts de travail sont fréquents.
Le Lien horticole : Des assouplissements sont-ils possibles ?
Muriel Vandevelde : En l’état actuel du droit, ni la loi nationale ni les accords collectifs de branche ou d’entreprise ne peuvent aller à l’encontre des principes posés par ces quatre arrêts de la Cour de cassation. Notamment, aucune nouvelle loi ne pourra s’écarter de la position concernant l’acquisition des congés payés pendant les arrêts maladie car la directive européenne 2003/88 du 4 novembre 2003* impose de garantir des congés payés, que le travailleur ait effectivement travaillé ou non pendant la période de référence.
Des assouplissements peuvent cependant être envisagés sur le nombre de semaines garanties puisque la directive précitée ne garantit que quatre semaines de congés payés et non pas cinq. Mais seule une nouvelle loi pourrait limiter l’acquisition des congés payés pendant un arrêt de travail à ces quatre semaines par an étant précisé qu’il existe d’autres obstacles juridiques.
Le Lien horticole : Sur quels points est-il possible d’envisager des aménagements ?
Muriel Vandevelde : Deux aspects sont susceptibles d’évolution :
- a) une loi pour le report des congés. La loi pourrait encadrer et limiter la durée possible du report de congés. Des textes sont attendus dans les prochains mois ;
- b) des recours via les accords d’entreprise. Des réflexions pourraient enfin être envisagées. S’il est encore un peu tôt pour en connaître le contour précis, les entreprises ont tout intérêt à se saisir de la question dans les prochains mois avec leurs conseillers juridiques.
Dans tous les cas, les entreprises vont devoir s’emparer rapidement de ce sujet des arrêts maladie et des congés payés dans leurs analyses économiques.
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