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DOSSIER - Le sol, un allié invisible encore méconnu Concevoir un sol adapté aux plantations urbaines

Cartographier les besoins urbains permettra aux sols perméables (gestion de l'eau, plantations...) et sols portants (circulation des voitures, à pied...) de coexister (comme ici à Montrouge, dans les Hauts-de-Seine).

Frédéric Ségur, ingénieur paysagiste, prône l’importance de connaître le sol pour garantir un avenir aux arbres en ville. Il donne aussi des pistes concrètes pour faire face à la baisse de l’offre de terre alors que les besoins augmentent.

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«Je fais très souvent le constat de jeunes plan­tations sans avenir à cause d’un blocage au niveau du sol », a lancé Frédéric Ségur, ingénieur paysagiste et directeur d’Arbre, ville & paysage*, lors de la journée « Racines du futur, substrat sur mesure – Quels enjeux pour les sols de plantation ? » organisée par le conseil d’architecture, d’urbanisme et de l’environnement (CAUE) 92 à Courbevoie, dans les Hauts-de-Seine, le 19 juin dernier.

Le programme Amares, coordonné par Plante & Cité de 2023 à 2027, va justement s’attacher à apprendre de la mortalité des arbres en ville. « Les problèmes de reprise proviennent d’une chaîne de responsabilités, estime-t-il. L’attente, c’est “le beau tout de suite”, alors que la première motivation doit être la qualité de la plantation. Pour un projet d’avenir, il faut investir dans l’invisible : le sol. »

> Lire également : "Le sol : un allié invisible encore méconnu" dossier du Lien horticole n°1148 de septembre 2025.

Le sol, un milieu « vivant »

L’enjeu pour l’ingénieur est donc de « comprendre le sol pour mieux réaliser les plantations ». La terre végétale est issue de la transformation de la terre minérale en une terre vivante (pédogenèse). « Pour fabriquer 30 cm de sol, il faut entre 3 000 et 5 000 ans. C’est un processus très long qui peut, en revanche, être vite dégradé, rappelle-t-il. Il faut donc y prêter attention. »

Pour cela, il est impératif de le con­naître mieux. Sa fertilité repose sur trois composantes : physique, biologique et chimique (ions, pH...). La fertilité physique comprend entre autres la porosité et l’oxygène, qui permettent la circulation de l’eau et du vivant.

« En cas de compaction, la porosité est réduite et le développement des racines est altéré », précise-t-il. La fertilité biologique comprend les micro-organismes (bactéries, cham­pignons...), la microfaune (tels les nématodes...), la mésofaune (acariens, collemboles...), la macrofaune (vers de terre, fourmis, coléoptères...) et la mégafaune (vertébrés).

« C’est la vie biologique du sol qui crée sa structuration, sa porosité, sa fertilité, appuie Frédéric Ségur. Dans une cuillère à café de terre, le nombre de micro-organismes équi­vaut au nombre d’habitants sur la planète. Toute cette vie est à l’interface des plantes. Il est donc très important d’avoir des analyses du sol en place mais aussi des terres apportées. C’est un réflexe à systématiser pour caractériser les sols, les matériaux et éviter de monter des projets de plantation à l’aveugle. On ne peut pas choisir une palette végétale et monter un projet d’aménagement sans connaître le sol (lire l'encadré ci-dessous). »

Pour Frédéric Ségur, « il est très important d'avoir des analyses du sol en place mais aussi des terres apportées » pour un projet de plantation d'arbres en ville. (© F. Mélix)

Trois types de terre autour de l’arbre

Par ailleurs, « la ville est un milieu artificiel, donc c’est une question de volonté si on veut y intégrer des arbres, rappelle Frédéric Ségur. Il faut un diagnostic de l’existant au lieu d’avoir recours à des références ».

Il existe trois types de terre autour de l’arbre. La terre de la motte provient directement du sol de la pépinière d’origine du sujet. Ses caractéristiques peuvent être extrêmement différentes de celles du sol de plantation. La fosse doit conférer à l’arbre un milieu propice à son développement. Elle est constituée de terre ou d’un mélange terre-pierre. Son volume et sa nature sont variables selon le type d’essence plantée et la nature du sol encaissant. Celui-ci, situé au-delà de la fosse de plantation, conditionne les capacités de croissance à long terme du ligneux. Selon qu’il est plus ou moins propice au développement racinaire, ce potentiel doit être intégré au dimensionnement de la fosse de plantation.

« Ces trois types de terre sont à articuler pour favoriser la pousse de l’arbre. Parfois, même avec une petite fosse, l’arbre se développe bien, donc cela dépend du sol encaissant. Par ailleurs, le système racinaire s’étend en surface, donc si on souhaite 8 m³ par arbre, il vaut mieux mutualiser les fosses de plantation avec les zones de gestion des eaux pluviales, par exemple. Effectuer une cartographie des besoins en ville permettra aux sols perméables (gestion de l’eau, plantations...) et sols portants (circulation des voitures, à pied...) de coexister. »

Terre végétale en sursis

La ville, en s’étendant, consomme de la terre agricole dont une partie devient de la terre végétale. L’objectif du gouvernement d’atteindre zéro artificialisation nette (ZAN) des sols en 2050 vise à protéger les sols agricoles, notamment.

« En ZAN, il n’y aura plus de terre végétale, constate Frédéric Ségur. Pour autant, si on intensifie la ville, il faut la végétaliser pour la rendre vivable. Donc comment fait-on pour renaturer les communes sans terre végétale ? »

Le paysagiste propose de travailler sur quatre axes stratégiques :
1. améliorer la connaissance des sols pour valoriser les matériaux fertiles et ainsi limiter le gaspillage de terre par : le diagnostic des sols en place, l’intégration de la préservation des sols aux objectifs des projets, la récupération et le stockage de ces matériaux en attendant le réaménagement, de même que le développement des stratégies de réutilisation ;
2. imaginer des techniques d’amé­lioration des sols en place et ainsi limiter les mouvements de terre ;
3. créer une bourse aux matériaux fertiles à l’échelle de la collectivité et ainsi mutualiser les opérations. Pour que cela fonctionne, il faut définir la nature des matériaux, les volumes mobilisables, la localisation des chantiers et le timing des réalisations ;
4. mettre au point des techniques de reconstitution de substrats fertiles (lire l’encadré ci-dessus) et ainsi valoriser les terres excavées lors d’opérations de construction ou de réalisation de bassins d’infiltration, par exemple.

« Le plus dur pour ces deux derniers points, note Frédéric Ségur, c’est l’organisation, la coordination entre les projets, la logistique et l’anticipation des besoins en terre. »
Ensuite, même si la terre est de bonne qualité, il faut avant tout la rendre vivante.

« Un substrat fertile, ce n’est pas juste un mélange de matériaux. Il faut le rendre vivant et le structurer grâce à la végétalisation. »

*Entreprise d’ingénierie, conseils et formations sur les stratégies et techniques de renaturation des villes.

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Le sol : un allié invisible encore méconnu

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