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Des stratégies vertes pour une ville en voie de densification

À Rotterdam, la végétalisation est un outil d'amélioration de la qualité de vie dans un contexte de densification. Non seulement en termes de cadre de vie, mais aussi de renforcement des liens sociaux, d'autonomie alimentaire, de compétitivité, d'identité (ville européenne), voire de nouveaux rapports entre les services municipaux et les habitants.

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Rotterdam veut densifier son centre-ville. Quand les autres grandes villes néerlandaises comptent 10 % de leurs habitants vivant en centre-ville, Rotterdam n'en dénombre que 5 %. La municipalité souhaite y faire passer de 30 000 à 60 000 le nombre d'habitants en trente ans, d'ici à 2040. Une politique de densification qu'elle associe étroitement au développement des espaces verts, en une formule : « densification + greenification = sustainable city ». Ainsi, 1 47,7 hectares d'espaces verts supplémentaires devraient être créés. Malgré cela, la surface verte dévolue par habitant devrait passer de 37 à 34,9 m². Une diminution quantitative que la Ville espère compenser par un aménagement plus qualitatif : meilleure répartition et proximité des espaces verts, diversité de leurs usages (habitation, loisir, trafic...), fréquentation accrue... Dans ce contexte, elle reconsidère ses espaces publics, avec une tendance marquée : l'implication croissante des citoyens.

Le centre-ville est en plein essor. « Le processus de densification qui a commencé dans les années 80 va s'accélérer et se renforcer », explique Annemieke Fontein, directrice du service architecture paysagère de la municipalité. Dans son « City Centre Plan » qui vise à dynamiser le centre-ville, les espaces verts ont leur place – notamment les façades et toits verts –, au même titre que la gestion du trafic et les équipements culturels. Instaurer une « identité » est primordial ; ainsi, dans les prochaines années, un certain nombre de sites importants seront réaménagés selon le « Rotterdam Style », synonyme d'un mobilier urbain durable, distinctif, d'un pavement de qualité et d'espaces verts supplémentaires. Un exemple de ce travail de réhabilitation est celui du quartier de Lijnbaan, reconstruit dès 1949 pour devenir un quartier commercial piétonnier, ce qui était nouveau à l'époque. La Ville essaie d'y augmenter la qualité de vie, par de nouveaux aménagements, de nouvelles plantations d'arbres. Par ailleurs, les Lijnbaanhoven, ces squares à l'usage des résidents et des visiteurs entourés d'immeubles, sont également en projet de rénovation. Bien que végétalisés, ils ne correspondent plus aux attentes des habitants, qui souhaitent des espaces plus modernes accompagnant le développement de commerces. Ce projet s'inscrit dans une tendance forte : l'implication des citoyens dans l'aménagement des espaces publics ; ici, non seulement pour la conception, mais également pour le financement de la rénovation.

De nouvelles synergies se créent ainsi entre la collectivité et les citoyens. Le « trésor de Schoonderloo » illustre cette évolution. Il y a une quinzaine d'années, il s'agissait d'une parcelle de 40 mètres sur 30, à l'abandon, dans le quartier de Delfshaven. L'emplacement était destiné à la construction d'appartements. En attendant, s'y accumulaient débris et crottes de chien... Quelques résidents ont décidé d'y créer une belle place à vivre. La municipalité leur a finalement apporté son soutien financier. Les habitants initiateurs du projet ont créé une association pour gérer les fonds obtenus (subvention de la Ville, prix obtenu suite à un concours, recettes issues de l'organisation de fêtes). Ils ont construit un mur pour protéger l'aire des déprédations, puis les travaux ont commencé : jardin d'herbes aromatiques, sous-bois, roseraie, tonnelle de lierre, ruisseau, fontaine... Au fil des années, le « trou » s'est transformé en « trésor » (« Schat van Schoonderloo »). Environ quatre-vingts personnes volontaires se passent le relais pour entretenir au quotidien le jardin. Et trois ou quatre fois par an, tout le monde se met au travail pour creuser, planter, désherber... Le jardin est ouvert à tous, sous la surveillance d'un résident. « Au départ, les visiteurs venaient uniquement du quartier, mais la fréquentation s'élargit, car le parc devient connu », annoncent avec fierté Jan van den Enk et Margriet Bootsma, deux des principaux protagonistes de l'aventure.

À Lloydpier aussi, les habitants ont pris en main leur jardin. Lloydpier est un espace résidentiel en bord de rivière offrant une mixité sociale, avec une école, des magasins, des bureaux, etc. Dans ce quartier se trouve une zone de 3 000 m² autrefois réservée aux activités portuaires. Il s'agit d'un espace « de transition », dans l'attente de nouvelles constructions. Les résidents ont demandé à utiliser une parcelle pour y créer des jardins, ce que la municipalité a accepté. Ils conçoivent l'aménagement et organisent les activités eux-mêmes : haies, plantations de légumes et de fleurs, coin détente, organisation de repas de résidents... Les jardins partagés oeuvrent ainsi à la cohésion sociale, de la terre à l'assiette !

Rotterdam a souhaité reconnecter son centre avec les bords de rivière, qui font partie de son identité et, autant que possible, de son attrait. C'est dans ce but que trois kilomètres de quais ont été réaménagés dès 2009 afin d'augmenter leur usage par les promeneurs. Autrefois dévolu aux places de stationnement, l'endroit est aujourd'hui planté de pelouses et d'arbres, avec bancs et pistes cyclables. Une dénivellation, première défense contre la montée de l'eau due aux marées, a été prévue. Elle est devenue un espace dédié aux cyclistes, piétons, skaters... De nombreux événements y sont organisés. La Ville a énormément investi pour restaurer son front de rivière. Ainsi, la place Leuvehoofdt, agrémentée de massifs de graminées et de vivaces, au bout du quai Boomjeskade, est l'aire la plus coûteuse de Rotterdam, avec 200 €/m² d'investissement, y compris la chaussée.

Aux Pays-Bas, où les espaces naturels se raréfient, un lieu comme Speeldernis, au nord de Rotterdam, constitue un vrai paradis pour les enfants. D'ailleurs, ce sont eux, avec les parents et le service des sports et loisirs de Rotterdam qui ont imaginé cette aire de jeux, concrétisée grâce à l'architecte paysagiste Sigrun Lobst et le travail de bénévoles entre 2001 et 2002. Sur ce terrain d'aventure d'un hectare, les enfants de tous âges évoluent dans et avec la nature. Sous la houlette d'animateurs, ils jouent avec l'eau, la terre, le vent et le feu. Des programmes éducatifs sont proposés aux écoles. Pour 0,50 € les 2 heures dans la journée ou 30 € par an, les enfants ont accès à un espace où tout ou presque leur est permis : se rouler dans la boue, jouer avec l'eau, construire une cabane, cuire du pain sur un feu de camp, grimper aux arbres... Le parc, fort de 35 000 visiteurs par an, est essentiellement financé par des sponsors et une subvention de la municipalité (65 à 70 % des fonds).

La stratégie de végétalisation reflète les grandes évolutions en cours dans la façon de concevoir la ville verte : recours aux toitures et façades végétalisées, utilisation des espaces « en transition » (par exemple, avant un projet de construction), nouvelles synergies entre la municipalité et les citoyens, espaces verts aux usages différenciés... Pour Rotterdam, l'agriculture urbaine (« urban farming »), au fort impact social, apparaît comme une alternative à l'agriculture périurbaine, source de difficultés logistiques pour l'approvisionnement. En centre-ville, le service des espaces verts s'oriente vers un fleurissement des quatre saisons, « pour que l'habitant ait l'impression de se promener au fil de l'année ». La municipalité agit dans ces différentes directions, tout en ouvrant la porte aux initiatives privées. Objectif : augmenter les stratégies de travail en commun avec les entreprises locales pour cofinancer certains projets.

Valérie Vidril

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