“ Nous investissons dans la prévention de la pénibilité au travail ! ”
Claire Alix-Barrault, co-responsable des Ets Barrault Horticulture, à La Possonnière (49), a témoigné lors d'une journée organisée par la Mutualité sociale agricole du Maine-et-Loire sur les multiples façons dont s'implique son entreprise en matière de prévention du mal de dos en particulier, et de santé et sécurité au travail en général.
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Dans cette entreprise de production horticole du Maine-et-Loire, un plan mené sur plus de dix ans a permis d'aménager des allées enrobées afin de supprimer les vibrations, d'éviter les glissades sur boues, et d'apporter davantage de propreté. Pour ces aménagements, il a fallu compter en moyenne 16 euros par mètre carré. Par ailleurs, sur les planches de culture au sol, les caniveaux centraux d'évacuation des eaux d'arrosage, qui gênaient la circulation des rolls, ont été supprimés. Aujourd'hui, une double pente récupère les eaux au centre. « Nous investissons dans la prévention de la pénibilité », explique Claire Alix-Barrault, qui travaille avec ses parents, Danielle et Michel, et sa soeur Véronique.
Ces mesures concernent surtout la manipulation et le déplacement des plantes sur les aires de travail et vers les zones de culture ; des tâches effectuées par les manutentionnaires conducteurs de machines ou utilisateurs de rolls. Par exemple, la mise en place des barquettes de godets se faisait manuellement : les prendre, les distancer et les reposer au sol entraînait une grande fatigue pour le dos. Ce travail est maintenant assuré par un Space-Omat (robot placeur) qui peut fonctionner toute la journée (prix avec la fourche : environ 65 000 €). Autre situation : lors de la finalisation des commandes sur les rolls, il fallait porter, à bout de bras, jusqu'à 12 kg pour charger le niveau supérieur. Maintenant, c'est le roll qui descend dans une fosse au fur et à mesure. Une sorte d'ascenseur-étageur permet de charger en permanence sous la ligne des épaules et offre un réel soulagement (prix d'une plate-forme élévatrice : environ 6 000 €). Ainsi, le confort au travail fait naître une nouvelle envie de travailler : et ce n'est pas tabou chez Barrault Horticulture.
Comment sont réfléchis les investissements liés à la sécurité dans l'entreprise ? Claire Alix-Barrault répond sans hésiter : « Il faut un “bon printemps”. Ma mère donne le feu vert pour les investissements. Ces derniers ont été réfléchis. Certains sont prioritaires, d'autres moins. En 2012, l'entreprise a investi dans un robot de repiquage après dix-huit mois de réflexion. Nous avons lancé une étude et effectué un rapport de productivité. L'équipe et moi-même avons eu environ douze mois pour trouver une solution de remplacement à l'ancien robot, consulter documentations et fournisseurs. Une vraie réflexion, à laquelle ont été associés les responsables des robots de l'entreprise, a été menée sur ce qu'on voulait et ce qu'on ne voulait pas, les coûts et l'organisation. Avec un technicien de maintenance, nous sommes allés voir un modèle particulier en fonctionnement. C'est important : nous, dirigeants, nous signons le chèque, mais ce sont les techniciens qui travaillent toute la journée avec les outils. Signer pour une machine est une lourde charge. Le prix de la chaîne de repiquage hors chargeur de barquettes est de 115 000 €. Il est nécessaire d'impliquer les salariés et de tenir compte de leur avis pour un tel investissement. Ils ont, dans la pratique, des apports constructifs malgré certaines “utopies” qu'on ne peut pas satisfaire… Le robot qui a été acheté a déjà travaillé une saison depuis début juin 2012, et a manipulé environ quatre millions de plantes sur douze semaines ! Si nous avions fait une erreur, nous aurions repris le cahier des charges, et recherché d'où elle provenait et qui avait fait le mauvais choix ! »
Jocelyne Rabjeau-Burret, médecin conseil MSA 49, accompagne régulièrement la maison Barrault depuis quatre ans à l'occasion des commissions de sécurité, et pour toutes les actions d'amélioration des conditions de travail. « Ces dix dernières années, nous avons recensé soixante-quatre accidents du travail dont huit lumbagos (soit un taux de 12,5 % pour l'entreprise, contre +/- 16 % dans la filière horticole). Aucune maladie n'a été détectée concernant le dos. Il n'y a ni problèmes de vibrations, ni hernies… contre environ 7,2 % dans la filière. Nous n'avons pas eu d'inaptitude. Les pathologies constatées ont toujours trouvé une solution et permis un maintien dans l'emploi. C'est du retour sur investissement ! », a-t-elle constaté.
Mais comment quantifier un retour sur investissement, par exemple pour l'enrobé sur les aires de circulation et les sites de production ? « Cela reste difficile, mais néanmoins visible au niveau de la qualité de la production. » Lors des déplacements sur sols mal conçus, les plantes transportées sur machines pâtissent des vibrations. Un enrobé bien plat évite cela, permet de rouler plus vite et donc de gagner du temps.
Finir l'aménagement de l'une des allées est l'une des priorités 2013 des établissements Barrault. Par ailleurs, un enrobé sur planche de culture assure une distribution homogène de l'eau d'arrosage pour chaque plante, où qu'elle se situe. Il y a quinze ans, les sols recouverts de toiles tissées laissaient des zones où les racines restaient dans l'eau ou se trouvaient trop sèches… La régularité et la qualité ont été améliorées.
Une autre question se pose. L'achat de diverses machines représente-t-il un danger pour les employés, et cela nuit-il aux embauches éventuelles ? « L'achat d'un robot placeur a permis en 2003 de constituer une chaîne complète de transport et de manipulation des plantes, du terreau jusqu'au distançage et au plaçage. Depuis, le chiffre d'affaires et la masse salariale ont évolué favorablement. La mécanisation a réduit les étapes pénibles. Mais nous n'embauchons pas moins de saisonniers, ni de stagiaires et étudiants pour la période estivale : ils contribuent davantage à des opérations plus épanouissantes comme les préparations de commandes. Nos employés permanents redeviennent quant à eux des techniciens de la plante. Ils sont moins manutentionnaires. Notre objectif de qualité est compatible avec la productivité : nous travaillons sur des rotations plus rapides… Par exemple, pour les pots de 2 l sur 6 ha, nous pouvions placer au maximum 600 000 pots en trois à quatre rotations annuelles. Maintenant, c'est d'abord placé à touche-touche directement au rempotage, puis repris mécaniquement pour une mise en place à l'extérieur. Nous gagnons environ six semaines sur deux à trois rotations, avec 1 million de pots vendus pour la même surface », répond Claire Alix-Barrault.
« Depuis quelques années, les établissements Barrault Horticulture changent progressivement de mains », explique Jocelyne Rabjeau-Burret. « Les deux soeurs, Claire et Véronique, ont repris les rênes. Un comité de pilotage a été instauré pour le management en général. Un esprit participatif s'est mis en place avec de véritables échanges. Au fil de ces trois générations familiales, le contexte a changé. La touche féminine s'est imposée. Il y a davantage de jeunes femmes ; elles ont souvent l'oeil pour faciliter les tâches. Je ne note par ailleurs pas d'arrêt de travail en situation de grossesse. L'entreprise doit rester viable. Ses choix stratégiques de base doivent lui assurer un chiffre d'affaires et des marges suffisantes. On peut illustrer l'évolution notoire menée au coeur de cette société en matière de santé, de sécurité et de conditions de travail en suivant, par exemple, le parcours de Pascal. Cet employé, qui conduisait le tracteur et emmenait les plantes sur roll dans le champ, est passé à la conduite du robot placeur. Il n'existe pas de formation spécifique pour s'adapter à cette machine, mais il faut beaucoup de doigté : on la sent ou pas. Pascal a appris progressivement à l'utiliser. La machine est arrivée en début de première petite saison (décembre-janvier). Il a eu six mois de montée en puissance pour arriver fin prêt en juin à la forte période. »
Pour 2013, une formation à la conduite des engins est prévue chez Barrault Horticulture. « Tous les risques liés à la santé doivent être considérés et réduits au sein de notre structure », conclut Claire Alix-Barrault. « Chaque problème particulier fait l'objet d'une réflexion afin d'y apporter la meilleure solution. »
Odile Maillard
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