“ L'écopâturage, un moyen de désherbage non polluant et à vocation sociale ”
Hervé Leroy, responsable du patrimoine bâti et des services techniques de Marquette-lez-Lille, met en place une gestion écologique des espaces verts. Avec l'appui des services développement durable et communication de la ville, il a désormais recours à l'écopâturage, un système aux multiples avantages et qui apporte entière satisfaction.
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La ville de Marquette-lez-Lille (59) affiche une réelle volonté d'aller de l'avant en termes de développement durable. Le recrutement d'Hervé Leroy au service du patrimoine bâti et des services techniques en 2011 a donné un coup d'accélérateur aux démarches environnementales, notamment concernant le désherbage. Le service espaces verts n'utilise plus que des produits biologiques (espaces sportifs), et teste – avec des résultats satisfaisants en 2012 –le procédé Waipuna (*) proposé par son prestataire ISS pour désherber les allées. D'autres techniques viennent en complément : la binette (cimetière…) ; le paillage systématique des massifs de plantes annuelles et bisannuelles avec du BRF (bois raméal fragmenté) ; le désherbage thermique à flamme (sur un petit diable à roulettes) pour les caniveaux et les chemins. Mis en place dès 2010, l'écopâturage, qui consiste à faire paître des animaux sur des surfaces à entretenir, apparaît comme « un moyen de désherbage non polluant et à vocation sociale », souligne Hervé Leroy.
« Certains terrains acquis par la ville sont petits ou ne se prêtent pas aux techniques habituelles de désherbage (en pente, caillouteux, difficiles d'accès…), explique Philippe Cousin, directeur de cabinet en charge du développement durable. Ces parcelles étaient difficilement entretenues et nous recevions des plaintes. » Alexandra Duterne, adjointe déléguée au développement durable, a donc décidé de faire appel à l'écopâturage : « La condition était de trouver une entreprise qui gère tout : la sélection des espèces, leur transport, les repas, les soins vétérinaires, la sécurité, l'assurance… » Le choix s'est porté sur Ecozoone (voir Parole d'expert). Trois sites en bord des berges de la Marque et la Deûle ont été confiés à l'entreprise. « Nous nous sommes aperçus que le fait d'y placer des animaux avait un fort impact social. Les habitants se sont vraiment “approprié” les bêtes, continue Philippe Cousin. À tel point que sur un des sites, Ecozoone leur a délégué l'entretien. Aujourd'hui, si nous décidions de retirer ces animaux, les gens seraient vraiment mécontents ! » L'entreprise choisit les espèces selon les spécificités du terrain (végétation, configuration…), calcule la charge pastorale de chaque parcelle et y déploie ses animaux : vaches, ânes, chèvres, moutons, poneys… Si besoin, les espèces sont changées en cours d'année.
En plus de son efficacité, la solution proposée par Ecozoone permet de gérer le rythme de tonte. Une surface doit être « nettoyée » rapidement ? Il suffit d'y augmenter le nombre de bêtes. « Du coup, en 2011, nous avons pointé tous les espaces appropriés à l'écopâturage, explique Philippe Cousin. Nous en avons ajouté deux nouveaux : la zone Pasteur, ancien site industriel de 9 ha, et celle de fouille archéologique de l'abbaye cistercienne (4,5 ha), non entretenues depuis plusieurs années et au sol pollué. » Au final, la ville a pu ouvrir le site en 2011 à l'occasion des journées du patrimoine. La commune est passée de 1 hectare en écopâturage en 2010 à 14,5 ha en 2012. Les animaux vivent à demeure sur les sites de mars à octobre. La prestation annuelle 2012 a coûté près de 30 000 euros. Hervé Leroy n'a aucun doute quant au retour sur investissement. Il met sur la balance les dépenses en main-d'oeuvre nécessaire pour passer le rotofil et « la casse » inévitable sur les terrains accidentés pris en charge. « Avec un coût de 0,40 à 0,60 €/m2 tondu (toutes charges confondues), la dépense pour 14,5 ha dépasse largement l'investissement en écopâturage. » Il pointe les autres avantages de l'écopâturage : efficacité, pas de pollution visuelle ou sonore, outil pédagogique sur la biodiversité, respect de l'environnement…
L'écopâturage favorise le maintien d'une biodiversité au sein des sites ainsi gérés, contrairement aux engins mécaniques qui éliminent d'un coup toute la végétation. Les Marquettois sont d'autant plus sensibles à la préservation de cette biodiversité, qu'elle leur est nécessaire pour lutter contre un fléau qui empoisonne leur existence depuis une dizaine d'années : le chironome Riparius. Le passé industriel de Marquette se solde par un canal pollué, et le Riparius, un diptère, prolifère dans les boues de la Marque, sans aucun prédateur pour réguler sa population. Si le chironome ne vit que 72 heures et ne pique pas, sa prolifération occasionne d'autres nuisances : « En été, d'énormes nuages de Riparius peuvent s'élever dans le ciel de Marquette : les gens ne peuvent plus faire de barbecues sans attirer cet insecte », décrit Philippe Cousin. Toutefois, la ville a su faire de cette contrainte une force : « Nous nous sommes servis du chironome pour sensibiliser la population à la problématique de la biodiversité, précise le directeur de cabinet. Une lutte efficace contre cet insecte passe par la consommation des larves et des nymphes par les sangsues et les poissons, et des adultes par les chauves-souris, les martinets et les mouettes » : une faune que seules les mesures en faveur de la biodiversité de la commune vont permettre de rétablir peu à peu : écopâturage, mais aussi nichoirs, abris à chauve-souris…
« Marquette-lez-Lille ne tire de l'écopâturage que du positif : économies d'entretien, image d'une ville dynamique et innovante renvoyée au public, retours enthousiastes de la part de la population, souligne Julie Bain, chargée de communication à la mairie. Il n'est pas rare de voir des Marquettois venir caresser les animaux, les regarder, les nourrir en famille. Cette démarche conviviale permet, en plus, de créer du lien entre les habitants, d'accélérer les changements de comportement en matière de préservation de l'environnement. » Pour communiquer sur l'écopâturage et le chironome, la ville a organisé une transhumance, invité un expert de l'insecte à dispenser des cours au collège et installé ponctuellement des mini-fermes dans les haltesgarderies. Toutes les actions de la municipalité en faveur de l'environnement sont relayées dans divers supports papier (journal municipal, tracts spécifiques…) et les habitants sont impliqués au travers d'événements festifs et pédagogiques. Les différents services se sont par ailleurs investis dans la préparation de dossiers de concours, et la ville a remporté plusieurs prix qui ont permis de marquer les esprits de ses habitants : prix national du développement durable Évillementiel en 2010, prix Chloro'Villes 2012, ville écocitoyenne 2012, Villes et villages fleuris mention « excellent » en 2012, deux libellules au concours Capitale française de la biodiversité en 2012.
Zéro pesticide et écopâturage s'inscrivent dans une démarche cohérente visant à protéger l'environnement. Outre les fauchages tardifs et l'installation de prairies fleuries mellifères, Hervé Leroy a diminué le recours aux annuelles et bisannuelles, et aujourd'hui, 70-80 % du fleurissement est composé de vivaces. « C'est un investissement financier. Mais l'installation de vivaces dure deux à trois ans, puis nous déplantons et replantons les plantules. » Autre axe de travail pour le responsable du patrimoine bâti et des services techniques : la gestion de l'eau. Marquette est arrosé à 100 % avec de l'eau de pluie. « Les services techniques disposent de quatre cuves, soit au total 50-60 m3 leur permettant d'être autonomes et de répondre aux besoins estivaux (tunnels, massifs et parc Vert-Bois). Quatre autres cuves de 10 m3 permettent d'arroser le parc de la mairie. Sur certains sites (terrain de foot…), des systèmes de goutte-à-goutte avec programmeurs et sondes hygrométriques ont été installés. Hervé Leroy a fait adapter des têtes volumétriques sur les cannes d'arrosage, pour éviter d'arroser « jusqu'à ce que ça déborde » : économies d'eau assurées, selon lui. Les arbres de la ville sont suivis grâce à un logiciel spécial après leur recensement et diagnostic par l'Office national des forêts en 2012. Quand un abattage est nécessaire, parfois seul un étêtage est réalisé et le tronçon laissé sur place pour la faune. Les produits de taille sont laissés en vrac, envoyés en recyclage ou utilisés pour le mulchage des massifs. Le service achète du paillage à base de matières premières naturelles à des représentants locaux favorisant les circuits courts (résidus de scierie, chanvre…).
Hervé Leroy est en recherche permanente de solutions. Il se penche actuellement sur les espaces partagés (espaces potagers…) et l'implication de la population dans l'entretien. « Il faut toujours aller de l'avant », affirme cet adepte de la veille professionnelle.
Valérie Vidril
(*) Désherbage par application de mousse 100 % végétale légèrement chauffée (30-35 °C).
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