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“Pépiniériste, je participe au choix variétal des murs végétaux !”

Installée en Isère, l'entreprise Sports et Paysages a choisi de travailler avec les pépinières Sarreil-Baron pour précultiver des murs végétaux mis en place dans un lycée de Grenoble. L'expérience du producteur et celle du professionnel du paysage, croisées avec les contraintes liées au chantier, ont permis de définir une palette végétale durable et évolutive...

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L'entreprise Sports et Paysages, basée à Sassenage, à proximité de Grenoble (38), a réalisé récemment plusieurs murs végétalisés au lycée des Eaux Claires, à Grenoble. Elle a choisi le système Vertiflore de la société Tracer. Auparavant, elle avait développé son propre concept à base de gabions (voir l'encadré) sur d'autres chantiers. Dans un cas comme dans l'autre, la composition et le volume du substrat, le choix des espèces végétales et la gestion de l'arrosage ont été des éléments déterminants quant à la pérennité de l'ouvrage.

Le système Vertiflore se compose d'une ossature en acier sur laquelle viennent se positionner des modules destinés à recevoir les plantes. Ces derniers sont remplis d'un substrat de type organo-minéral (70 % de minéral comme la pouzzolane, 20 % de compost, et 10 % d'éléments divers dont un hydrorétendeur). Un module humide pèse près de 50 kg. Le substrat est maintenu constamment humide par un système d'irrigation par goutte-à-goutte. Riche en nutriments, il ne nécessite pas de fertilisation complémentaire.

Les murs végétalisés du lycée des Eaux Claires couvrent une surface totale de 500 m² exposée au Nord, – pour la plus grande partie –, et au Sud. L'installation a été fixée sur un mur en béton armé, à une hauteur de 1,5 m pour les premiers modules. Pour le prix de vente, il a fallu compter de 550 à 750 €/m² (contrat de maintenance de cinq ans non compris) suivant les conditions de mise en oeuvre. Le choix des végétaux a pris en compte plusieurs critères : le climat car la région de Grenoble se caractérise par des périodes chaudes et sèches l'été, et froides, voire très froides, en hiver. Il fallait donc éviter les plantes gélives ; l'exposition en prenant garde à la sensibilité des feuillages au soleil pour la partie exposée au Sud ; le substrat, constamment humide, a orienté le choix vers des plantes de sol frais et riche ; les préconisations de l'architecte qui demandait un maximum de plantes persistantes et une disposition sans grandes taches de couleur, mais un rendu plutôt impressionniste. Il recherchait un mélange tout en restant méthodique pour faciliter les plantations. Pour respecter une unité, quelques variétés se répètent à chaque module (densité de vingt-deux plantes au mètre carré).

Cette dernière caractéristique a fait l'objet de nombreuses réflexions. « Les végétaux poussant naturellement dans des milieux verticaux humides sont rares sous nos climats et ne sont jamais produits en pépinière. Il faut donc sélectionner, année après année, une gamme “horticole” susceptible de s'adapter à ce milieu », explique Pierre Ballèvre, chargé d'études à Sports et Paysages. Pour optimiser et faciliter ce choix, l'entreprise travaille depuis quelques années en collaboration avec les pépinières Sarreil-Baron, producteurs de vivaces à Saint-Vérand (38). Les connaissances du pépiniériste (trente ans d'expérience dans la culture des vivaces) et celles du paysagiste, qui connaît ce milieu particulier qu'est le mur végétal, sont ainsi confrontées. « Nous avons proposé une liste de plantes choisies selon nos connaissances botaniques et en tenant compte des critères définis précédemment, explique Joseph Sarreil-Baron. Le paysagiste a ensuite validé nos choix par rapport à son expérience sur ce type de structure. Expérience récente, mais qui permet néanmoins d'entrevoir un certain nombre d'espèces adaptées ou non, avec des surprises, comme l'Euphorbia characias. Plante pour terrains secs, elle s'épanouit dans ce substrat constamment irrigué. Certains végétaux peuvent aussi trop s'étoffer. Leur poids pose problème et peut provoquer le déracinement. »

L'entreprise a déjà utilisé le même procédé il y a deux ans à la mairie de Seyssinet (communauté urbaine de Grenoble). Sur vingt-six espèces implantées, il en reste seize, ce qui est globalement positif, étant donné que les restantes ont, à quelques exceptions près, largement pris la place de celles qui ont disparu. Globalement, les graminées s'adaptent difficilement au concept de mur. Par contre, des plantes comme les Nepeta, Centranthus, Euphorbia characias, Delosperma, Campanula portenschiagana, Hypericum olympicum ou Geranium macrorhizum prospèrent très bien tout comme certains arbustes tels que Lonicera pileata ou Cotoneaster dammeri. « Les arbustes présentent à mon avis une piste intéressante. Le feuillage de nombreuses espèces de vivaces disparaissant entièrement pendant l'hiver. Cela limite le choix dans cette catégorie. Il est déjà délicat de pérenniser un massif de vivaces en pleine terre, alors que dire dans les conditions particulières d'un mur végétal. La période de l'année la plus complexe à gérer est la fin d'une période de gel où les végétaux sont en état de sécheresse et il est difficile d'optimiser l'arrosage. On a eu cette année 30 % de perte à ce moment-là », poursuit Pierre Ballèvre. La demande évolue aussi très vite. La tentation du « tapis fleuri vertical » s'estompe au profit d'un aspect plus « naturel » où le fleurissement devient secondaire.

Sur le chantier du lycée des Eaux Claires, le choix a été fait de mettre en place des modules prévégétalisés. Ils ont pour principal avantage un rendu immédiat dès la mise en place du mur. Plantées dans le substrat en mai 2012 pour une installation définitive des modules en décembre dernier, les plantes ont eu le temps de bien s'enraciner et de se développer en volume. La collaboration avec le pépiniériste est, là aussi, essentielle puisque cette préculture a été réalisée sur le site de la pépinière qui en a assuré la maintenance (arrosage, désherbage, taille). Les modules restant plus de six mois chez le producteur, celui-ci se sent davantage impliqué quant au choix des espèces et au devenir de la plantation que s'il s'agissait d'une simple fourniture de plantes. Cela lui permet de noter immédiatement les espèces non adaptées et de prévoir le remplacement de celles qui dépérissent, essentiellement celles dont le système racinaire ou le collet ne supportent pas l'humidité constante du substrat, comme l'Iberis, Iris pumila, Euphorbia myrsinites ou Waldsteinia ternata.

Toutefois, cette solution occasionne des déplacements (l'entreprise du paysage a assuré la plantation et le remplacement), des frais importants au niveau des transports, du chargement et du déchargement (Sarreil-Baron et Sports et Paysages sont éloignés de près de 50 km). En hiver, le retour des modules végétalisés est délicat pour ne pas abîmer les végétaux. Pour le transport, ces modules sont placés verticalement sur des supports métalliques fixés sur palettes : vingt-quatre modules par palette, soit cent soixante-huit par trajet. Pour chaque trajet effectué il faut compter, avec la préparation des palettes, près d'une journée de travail à trois personnes. Autre point à vérifier dans les prochains mois, l'adaptation des plantes à la verticalité : en pépinière, les modules ne sont pas positionnés verticalement mais à 45° environ pour faciliter un arrosage par aspersion. Il sera intéressant d'observer comment les plantes supportent ce changement de position.

Claude Thiery

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