“Devenir un modèle de production industrielle durable”
Hans Elbers et sa fille, Ann Elbers-Angenendt, ont créé une entreprise reposant entièrement sur les concepts de production durable et de rationalisation du travail. Direction Kevelaer, en Allemagne...
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Le Bas-Rhin est une des principales zones horticoles d'Allemagne. L'entreprise Hans Elbers Gartenbau y produit des éricacées depuis plus de trente ans. Après avoir mis en place une structure commerciale à même de distribuer les productions régionales dans toute l'Europe (voir l'encadré en page suivante), la famille Elbers souhaite « devenir un modèle de production industrielle durable ». Pour ce faire, elle a créé fin 2009 la société RheinMaasFlora KG située à Kevelaer-Twisteden. La jeune entreprise a reçu au mois d'août 2010 le Prix allemand de l'innovation horticole, décerné par le ministère allemand de l'Agriculture, récompensant sa démarche de protection de l'environnement et de rationalisation du travail, avec la mise en oeuvre d'outils de production automatisés. Elle a obtenu cette année la certification MPS-A (*).
Les quinze hectares de culture en circuit fermé permettent de recycler l'eau d'arrosage et de pluie. L'aire hors-sol est constituée d'une bâche imperméable protégée par un feutre, lui-même recouvert d'une couche de granulés de lave de 12 cm d'épaisseur, à la base de laquelle se trouvent les tuyaux de drainage. Une toile horssol perméable couvre l'ensemble. L'aire apparaît parfaitement propre et plane. Elle est nettoyée à l'aide d'une balayeuse Egholm. « Le terrain doit être parfaitement nivelé pour permettre la circulation des robots », précise Christine Elbers, épouse d'Hans et directrice d'Eurofleurs. « Chaque année, le fabricant – l'entreprise Knuiman BV – intervient pour le tasser. » RheinMaasFlora KG produit pour l'instant uniquement des Calluna. La production traditionnelle d'Erica gracilis et d'Erica hiemalis, en pots de terre enterrés à mi-hauteur en plein champ, continue d'être assurée par l'entreprise Hans Elbers Gartenbau. L'eau de ruissellement et l'eau de pluie qui tombent sur l'aire de culture sont récupérées et stockées dans un premier bassin d'eaux « sales » de 12 000 m3 et 5 m de profondeur. « Le bassin de stockage a été dimensionné pour pouvoir recevoir 80 l/m2/h (soit une pluie de 80 mm) », précise Christine Elbers.
L'eau « sale » issue du bassin est nettoyée par biofiltration lente. Deux filtres sont nécessaires pour traiter l'eau d'irrigation de l'ensemble du site. Dans un grand hangar, des cuves métalliques de 5 mètres de haut et 11 m de diamètre contiennent des couches de cailloux et graviers de différentes granulométries (de 2 à 32 mm) surmontées de sable. « La couche de sable ne doit pas être trop épaisse sinon l'eau ne passe pas », précise Christine Elbers. C'est dans ce sable que s'installe le biofilm composé de bactéries antagonistes capables de dégrader les polluants et de bloquer certains pathogènes. L'eau, injectée par le haut, traverse le filtre par gravité. Chaque cuve offre une capacité de filtration de 220 l/h/m2. Les deux filtres permettent ainsi de traiter 42 m3 d'eau par heure. Cette eau est stockée dans un bassin extérieur de 3 000 m3 (5 m de profondeur). Elle passe par la station de fertilisation avant d'être réutilisée pour l'irrigation.
« La première année de mise en place, des algues se sont développées dans les bassins extérieurs », raconte Norbert Gröger, ingénieur-conseil basé à Kleve. « Nous avons résolu le problème en couvrant la surface de l'eau avec des bâches opaques. » Hormis cette prolifération d'algues, l'entreprise n'a pas eu à souffrir de problèmes phytosanitaires liés au recyclage de l'eau. Côté prix, « deux filtres de ce type coûtent environ 25 000 euros HT », précise Werner van Mullekom, responsable commercial chez BE De Lier BV, qui a installé la biofiltration. « S'il avait fallu mettre en place un système ultraviolet (80 lampes), l'entreprise aurait dû débourser dans les 70 000 euros HT. »
Le recyclage de l'eau permet à l'entreprise de réduire de moitié sa consommation d'engrais. Les nutriments en excès ainsi que les produits phytosanitaires ne polluent pas les eaux souterraines. L'entreprise n'utilise par ailleurs aucun herbicide. La consommation d'eau a aussi été considérablement réduite. « De mai à octobre 2010 – les six premiers mois de production –, RheinMaasFlora KG a économisé 72 millions de litres d'eau pour une superficie de 8 hectares, par rapport à un système ouvert, ce qui correspond à la consommation journalière d'eau d'une ville de 500 000 habitants comme Essen », précise Christine Elbers.
Les pots sont arrosés par un chariot d'arrosage automatisé dont la rampe déverse un filet d'eau pour chaque rangée de pots (à raison de 8-9 l/m2 par arrosage, soit 150 l/m2 en juin). Au total, vingt-huit chariots irriguent l'ensemble du site avec un débit de 300 m3/h. « En système ouvert, la consommation d'eau pompée serait de 0,6 à 0,8 m3/m2 (d'avril à octobre), alors qu'elle n'est que de 0,1 à 0,2 m3/m2 sur le site de RheinMaasFlora KG, précise Norbert Gröger. Soit une économie de 0,4 à 0,7 m3/m2 d'eau sur toute la durée de culture. »
Grâce à l'automatisation des tâches, seuls deux salariés sont nécessaires pour les quinze hectares de culture. Les machines sont équipées de chenilles, ce qui permet de diminuer la pression sur la couche de lave. RheinMaas-Flora KG a fait ses premiers pas dans la production industrielle avec un robot de distançage. Le Ter-A-Spacer du fabricant belge Degramec a reçu en janvier dernier le prix Indega récompensant la meilleure innovation technique au salon international horticole IPM à Essen. La machine peut placer jusqu'à 10 000 plantes au sol par heure (30 pots sur une largeur de 7,50 m). Le système GPS (Global Positionning System) joint, développé par l'entreprise néerlandaise SBG Innovatie, permet de disposer les pots de manière très précise sur l'aire de culture. Ce positionnement au millimètre près est indispensable pour un arrosage ciblé. La disposition en quinconce plutôt qu'en carré permet un gain de place et contribue également à réduire la consommation d'eau et d'engrais : l'espacement réduit entre les pots occasionne moins de perte lors du passage du filet de solution nutritive.
La taille, également automatisée, toujours grâce à un prototype Degramec, s'effectue en trois ou quatre jours pour l'ensemble du site. Deux à trois personnes seraient nécessaires pour tailler la même quantité en vingt-cinq jours. La machine permet une largeur de coupe de 4 m. Même si ses quatre capteurs lui permettent d'être autonome, la présence d'un opérateur est nécessaire pour des raisons de sécurité.
Les Calluna RheinMaasFlora KG seront commercialisés sous le label « Florifair ». Avec cette marque protégée, la société commerciale Eurofleurs Elbers GmbH entend distinguer certains produits : « Seules les plantes de qualité supérieure issues d'une production écologique et répondant aux normes quant à la forme, la couleur et la durabilité seront vendues sous la marque Florifair », précise Christine Elbers. L'étiquette en papier avec code à barres et flashcode met en avant le schéma de recyclage de l'eau mis en oeuvre par l'entreprise plutôt que la photo de la plante en gros plan. Au verso, le consommateur peut lire en quatre langues (allemand, anglais, français, italien) : « Production économe en eau, sans pot plastique, qualité de choix ». Tout un concept de vente a été élaboré pour les clients. Ainsi, le présentoir en carton pour la distribution est surmonté d'un panneau présentant le concept : « Florifair, naturellement un temps d'avance. Prolongez les couleurs de l'été tout en respectant l'environnement ». Le marketing repose sur un visuel naturel : quatre mottes serrées dans une barquette en bois dont le fond est recouvert d'un papier rappelant les exigences de qualité du produit. Ce papier tient à l'humidité et se dégrade au bout de cinq mois. Le concept sera commercialisé dès octobre sur le marché international. « C'est un produit haut de gamme pour une vente d'automne », précise Christine Elbers. « À cette période, les végétaux coûtent généralement plus cher qu'en été et le créneau d'acheteurs est différent. Le concept est destiné à ces consommateurs susceptibles de dépenser un peu plus pour l'environnement. »
En plus du respect de l'environnement, lafamille Elbers a associé l'engagement socialà sa marque Florifair. Pour chaque pot Florifair vendu, l'entreprise reversera deux centimes d'euros à la fondation allemande Haus der kleinen Forscher (Maison des petits chercheurs). « Cette fondation, sans trop de bureaucratie ni grands frais de fonctionnement, apprend de façon ludique aux jeunes enfants allemands à s'intéresser aux sciences de la nature et aux techniques, précise Christine Elbers. Nous recherchons le même type d'association dans les pays européens où la marque sera commercialisée, afin de poursuivre notre action auprès d'organismes connus des consommateurs. »
Valérie Vidril
(*) La qualification A du Milieu Programma Sierteelt, ou Programme environnemental pour l'horticulture, est le plus haut niveau de l'écolabel.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :