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“Grâce à la pluie, nous sommes autonomes en eau”

Pierre-Jean Gaussens, horticulteur dans les Pyrénées-Atlantiques, a profité de la création d'un nouveau site de production pour mettre en oeuvre une exploitation autonome en eau compte tenu d'une pluviométrie moyenne annuelle de 1 133 mm.

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« Notre site d'Abos a été installé en 2004- 2005 sur un espace vierge, racont e Pierre-Jean Gaussens, dirigeant de la SCEA Fanfelle-Gaussens (64). Nous avons cherché à intégrer tous les aspects à l'amont du projet. Nous avons réfléchi sur les questions environnementales – notamment la consommation d'eau – et la production, en nous basant sur des échanges avec le GIE Fleurs et plantes du Sud-Ouest. La logistique et l'ergonomie ont été étudiées avec la direction départementale du Travail et la Mutualité sociale agricole (MSA). À l'époque, il y avait dans la région peu de projets tels que celui-ci, associant récupération des eaux de pluie et surface goudronnée. »

Pour ses besoins en arrosage, le site n'utilise que de l'eau de pluie. « Nous collectons toute l'eau du toit des serres et, compte tenu de la pluviométrie moyenne annuelle de 1 133 mm, nous sommes autonomes en eau », précise l'horticulteur. L'eau de pluie est directement recueillie dans un bassin de stockage d'environ 1 900 m3 (25 m x 25 m et 3,5 m de profondeur). Ce dernier est rempli tout l'hiver ; le trop plein – suite à un orage, par exemple – est évacué par deux gros puisards : « La phase critique se situe fin septembre, avec des pluies de 50-60 mm. » Pierre-Jean Gaussens a dimensionné le bassin de stockage en se basant sur les expérimentations du GIE FPSO, « qui possède sur son site un bassin de 600 m3 pour 7 000 m² de toiture ». Il a installé un premier bassin de 600 m3 en 2004, puis un deuxième en 2008, lors de l'agrandissement du site par ajout d'une nouvelle parcelle couverte de 7 000 m². Les deux bassins ont été fusionnés en un seul en 2009. La surface de récupération d'eau de pluie est égale à la surface projetée de toit au sol, soit 1,4 ha : une pluie de 1 mm donnerait théoriquement 14 m3 d'eau, mais la quantité collectée dans le bassin est légèrement inférieure (évaporation, ruissellement de toiture...). Cette année, une troisième parcelle de 7 000 m² est en cours de finalisation.

« Le revêtement de la nouvelle unité de production d'Abos résulte d'un consensus au sein de l'entreprise, souligne l'horticulteur. Personne ne voulait travailler avec des tablettes. Elles obligent à tendre les bras pour manipuler les plantes, sont trop basses pour certains salariés, nécessitent de tirer les barquettes sur 30 m... La surface goudronnée permet d'amener tous les chariots au pied des plantes et de gagner du temps. » La totalité de l'aire de production est donc recouverte d'un enrobé imperméable, qui permet par ailleurs de récupérer les eaux de ruissellement. Une entreprise de travaux publics locale a réalisé le terrassement (3-4 € HT/m²) et le goudronnage (18 € HT/m²), en maintenant une pente de 1 à 2 % dans les deux sens. Une serre multichapelle Filclair a ensuite été montée dessus. La surface goudronnée est balayée une fois par an et passée au karcher tous les deux ans. Le site de production historique et siège de la société, à Gelos (64), a été goudronné en 2006. Bien que situé en zone de captage d'eau potable de la nappe de Pau, il n'a pas été aménagé pour la récupération de l'eau de pluie, « faute de subvention », indique Pierre-Jean Gaussens (par manque de fonds FranceAgriMer).

L'entreprise Fanfelle-Gaussens travaille en circuit fermé sur son site d'Abos et recycle les solutions nutritives. L'irrigation s'effectue « à vue » en jouant sur la vitesse d'avancement du chariot, entre 22-23 h et 4-5 h du matin ; les plantes sont disposées serrées de sorte que seuls 15 % de l'irrigation sont « perdus ». En été, les cultures de chrysanthèmes en place sont irriguées au goutte-à-goutte et ne génèrent aucun drainage. La pompe fonctionne avec un débit de 3 m3/h à 15-18 m3/h maximum par temps chaud. « Notre site est très peu gourmand en eau, précise Pierre-Jean Gaussens. Les cultures sont gérées à sec pour limiter le drainage, et les plantes récupèrent une partie de l'eau de ruissellement par capillarité. » Un caniveau grille au centre de l'aire goudronnée récolte l'eau résiduelle grâce à la double pente mise en place. Il la dirige dans un bassin de décantation de 50 m3 (5 m x 10 m, et 1,50 m de profondeur au centre), qui sépare en premier lieu les excès de terreau de l'eau. Sur les bords aménagés en terrasse, à 70 cm de profondeur, poussent des roseaux et des jacinthes d'eau dont le rôle est de consommer les résidus des solutions nutritives. « Le roseau fixe tout. Ce procédé de traitement par les plantes aquatiques est utilisé par les stations d'épuration des collectivités de montagne. » Le bassin de décantation est toujours rempli. L'eau en excès s'écoule par débordement dans un bassin de stockage, où elle est diluée avec l'eau de pluie. Côté entretien, il faut arracher une partie des roseaux chaque hiver. « Ça se fait sans trop de difficultés, car les roseaux sont ancrés dans le sable qui recouvre la bâche du bassin, explique l'horticulteur. Nous évitons d'intervenir en été, à cause des serpents... »

Le pH et la conductivité de l'eau du bassin de stockage n'ont jusqu'alors nécessité aucune correction. Aucune désinfection n'est mise en oeuvre. L'eau est pompée en profondeur et, après passage par la station de fertilisation, elle est réutilisée pour irriguer les cultures. Pour éliminer les algues qui pourraient boucher les filtres, l'horticulteur place quatre ou cinq balles d'orge d'environ 100 litres chacune dans le bassin de stockage. La décomposition de l'orge dans l'eau libère des composés algistatiques, qui empêchent la croissance des algues. Les effets varient selon les cas. Pierre-Jean Gaussens, pour sa part, est satisfait de cette solution. La première année, il avait installé une circulation d'air pour éviter la prolifération des algues, mais le procédé s'était révélé inefficace. L'horticulteur place la paille d'orge dans de grands filets, qui sont laissés dans l'eau pendant environ un mois et demi. « Quand la balle commence à couler, il faut la remplacer », indique-t-il. La paille doit en effet être retirée avant sa décomposition, qui introduirait de la matière organique, de l'azote et du phosphore dans l'eau du bassin. La filtration préalable par les roseaux des solutions de ruissellement issues des serres optimise certainement le procédé, en évitant de rejeter dans le bassin de stockage une eau trop riche en nutriments, favorable au développement des algues.

Le coût total pour les deux surfaces goudronnées et pour les bassins s'élève à 316 000 euros HT. Les deux bassins de stockage – construits en 2004 et 2008 avant d'être fusionnés – et celui de décantation ont coûté 15 000 € HT et 7 000 € HT de bâche. Grâce à la circulaire serre, l'entreprise a bénéficié d'une subvention d'environ 20 % (10 % de FranceAgriMer et 10 % du conseil régional) du coût total d'aménagement (bassins + goudron), soit une aide de 63 200 euros.

Valérie Vidril

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