" Nous recherchons une vision globale et cohérente des espaces verts "
Responsable du service des espaces verts de Boé, qui fait partie de l'agglomération d'Agen (47), Stéphane Château a dû adapter la gestion à un contexte particulier : axe routier traversant, urbanisation anarchique... Mais il est surtout intervenu afin que la qualité d'entretien entre les espaces de Boé et ceux de l'agglomération soit la même. Une convention a permis de solutionner le problème.
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La commune de Boé s'est développée dans un contexte urbain particulier. Jouxtant Agen, elle est située sur l'axe routier reliant Toulouse (31) à Bordeaux (33), en bordure de la Garonne et elle bénéficiait des terrains agricoles investis par l'urbanisation. Développement de l'axe routier, création de zones commerciales : l'extension de l'agglomération agenaise s'est faite ici.
Un contexte particulier de développement urbain. Membre de l'agglomération d'Agen avec 30 autres communes, Boé accueille environ 80 % des surfaces en espaces verts de l'agglomération pour à peine plus de 5 % des habitants (5 500 sur 100 000). Elle est coupée en deux par un axe routier traversant, déviation du centre-ville d'Agen, qui occupe 30 ha du territoire communal. Elle a connu un développement urbanistique non concerté et décousu : création de zones d'activités commerciales, de lotissements. Dépourvue de coeur de village, de centre historique, de patrimoine remarquable, elle s'est développée en quatre pôles bien différenciés, avec 70 % de la population dans un des quatre et une zone inondable rendue non constructible par le nouveau plan de protection des risques, dans le coude de la Garonne au sud.
Attaché à l'embellissement quotidien. Dans ce contexte, le service des espaces verts (SEV) s'est depuis longtemps attaché au cadre de vie, en privilégiant l'embellissement des espaces ordinaires de manière équivalente sur les 4 pôles et en cherchant à créer des liens entre ces 4 quartiers, distants les uns des autres de 5 km au maximum. Cependant, les espaces verts dévolus à l'organisation de l'agglomération - abords de voirie, de zones commerciales -, étaient soumis à un entretien basique, peu valorisant, qui ne correspondait pas à ce qui était pratiqué sur le reste de la commune. Les espaces verts communautaires représentent 126 ha, quand ceux de la commune en couvrent 36. Les espaces sous gestion de l'agglomération ont donc un fort impact visuel. Ainsi Stéphane Château, responsable du service des espaces verts de la ville de Boé, en est venu à proposer à l'agglomération une convention de service partagé, pour l'entretien d'une partie des aménagements paysagers, d'accompagnement des infrastructures communautaires.
La commune a contractualisé avec l'agglomération. En 2015, une convention a donc été signée entre Boé et l'agglomération d'Agen, pour une durée de trois ans. Elle précise les espaces spécifiques entretenus par Boé et en définit les modes de gestion selon 3 classes (voir encadré). « La négociation n'a pas été facile avec l'agglomération, explique Stéphane Château, les élus ne comprenaient pas forcément ce que nous leur proposions. » Cette convention rémunère le temps passé par les agents, le matériel nécessaire pour les surfaces prises en compte, notamment l'outillage de fauchage en gestion annuelle des surfaces de classe 3.
L'agglomération fait travailler des entreprises : l'entretien avait donc déjà un coût. Pour convaincre les élus, la convention est restée dans la même enveloppe financière, avec l'avantage pour l'agglomération d'avoir l'assurance d'un service suivi et homogène et ne pas avoir besoin de gérer une équipe en propre. Néanmoins, elle a souhaité conserver une part de marché pour le privé et une part réalisée par le SEV d'Agen, notamment pour tout ce qui concerne les terrains de sport. C'est seulement une petite partie de l'emprise communautaire sur la commune qui relève de cette convention. « Nous essayons d'avoir un même niveau d'entretien pour tous les espaces, précise Stéphane Château, qu'ils soient communaux ou du ressort de l'agglomération. Nous recherchons une vision globale et cohérente. Cette première convention, qui est une bonne alternative et a bien fonctionné, nous a permis de travailler ensemble, avec une certaine souplesse. Par exemple, si je remarque un écosystème intéressant à conserver, j'indique mon souhait afin de pouvoir m'en charger et de le gérer. Les échanges sont intéressants et constructifs. »
La convention pourrait être reconduite, le SEV y travaille et fera des propositions, cependant « beaucoup de paramètres nous échappent pour nous assurer la reconduction, constate Stéphane Château. Nous allons valoriser le travail effectué, mettre en avant que c'est une bonne solution pour pérenniser ces espaces communautaires. Et les administrés nous aident en nous signalant les dysfonctionnements mais, malgré tout, leur niveau d'exigence a baissé... »
Cohabiter avec la nature en ville. Stéphane Château constate la juxtaposition actuelle de deux publics, entre lesquels le fossé se creuse : ceux qui sont passionnés de nature, motivés par la biodiversité et leur environnement en général, et ceux qui n'y trouvent aucun intérêt. « Et nos dirigeants, au milieu, vont un peu au gré du vent, pense Stéphane Château, cela dépend des influences, des pétitions par exemple. Je vais souvent à contre-courant avec mes convictions personnelles... » Comme dans beaucoup de services des espaces verts, la personnalité du responsable est en effet prépondérante dans les choix techniques. « La passion de mon métier passe par la biodiversité, l'amour du végétal, le respect de la vie sous toutes ses formes. Je suis souvent en conflit avec mes collègues de la voirie qui veulent du macadam partout pour "faire propre". Nous ne nous comprenons pas ! »
Le gestionnaire souligne la nécessité d'être tolérant pour que la cohabitation soit possible. En ville, la nature est parfois à peine tolérée. Elle salit. Elle est considérée comme envahissante. « La nature fait peur, je crois que nous cherchons à la maîtriser. Mais si nous voulons conserver des arbres, il faut tolérer les radicelles, les feuilles mortes. Si nous ne voulons plus de pesticides, il faut supporter quelques herbes folles et quelques pucerons ! » Depuis 1997, la commune n'utilise plus de produits phytosanitaires : « Il a fallu 3 ou 4 années pour trouver un nouvel équilibre en favorisant la biodiversité, en paillant les massifs et en introduisant des auxiliaires. Nous n'avons rien inventé, nous sommes juste revenus à une gestion naturelle, nous intervenons moins. Les déchets verts sont broyés et servent de paillage, les végétaux sont diversifiés, avec l'utilisation de beaucoup de plantes vivaces et arbustives, notamment mellifères.
Sensibiliser, faire découvrir. Pour convaincre les concitoyens de la commune de Boé du bien-fondé de ces démarches, Stéphane Château multiplie les actions de sensibilisation et de partage, dans les écoles, les maisons de retraite, avec les personnes en situations de handicap. Ainsi, un jardin hortithérapeutique, entièrement aménagé avec ces dernières et le concours des enfants et des personnes plus âgées, propose des cheminements autour des 5 sens. Il abrite aussi les 4 ruches entretenues par le service et qui font la joie des enfants quand il s'agit de goûter le miel. Le responsable du service des espaces verts intervient une heure par semaine, dans le cadre du temps périscolaire, en alternance dans les 5 écoles de la commune. Des sorties botaniques et consacrées à la biodiversité sont organisées avec les enfants, à la découverte de la flore ordinaire spontanée, de la vie du sol, à l'écoute des oiseaux. « Il s'agit d'essayer d'enlever la peur de la nature, la crainte du vers de terre, en faisant découvrir aux plus jeunes la magie de la plante qui pousse et de la vie du sol. »
Depuis 25 ans, une action forte est menée : planter un arbre à chaque naissance, étiqueté au nom de l'enfant, soit une cinquantaine par an ce qui donne lieu à une fête champêtre en novembre, ce qui est devenu au fil des ans un moment privilégié de rencontre. Dans le même ordre d'idée, des formations sont dispensées au personnel communal, en complémentarité avec le CNFPT, afin de les sensibiliser à cette approche écologique de l'entretien des espaces végétalisés.
Les 3 Fleurs en signe de reconnaissance. La récompense de l'ensemble de ces actions et de cette gestion, c'est l'obtention du label 3 Fleurs du concours des villes et villages fleuris. « Nous créons également cette biodiversité, par la plantation de vivaces, d'arbres. Nous avons quand même besoin de la flamboyance des annuelles, mais les nouveaux massifs qui sont créés le sont avec des plantes vivaces, raconte Stéphane Château. Notre volonté affichée est de proposer des espaces "gérés" avec nos compétences et notre autonomie en régie, et nous sommes attachés à conserver et à valoriser le label "ville fleurie". »
« Notre avenir, c'est d'aller au-delà de notre coeur de métier. Je nous vois comme des animateurs nature, explique Stéphane Château. La communication a pris une place importante dans notre travail. Il faut être sur le terrain avec les gens, proposer des actes concrets, réussir à faire passer nos messages de respect du vivant et de la beauté que nous créons et que nous entretenons par les plantes. J'aime mon métier, nous avons le coeur à l'ouvrage, et nous voulons le partager avec toutes les personnes qui vivent autour de nous. »
Cécile Claveirole
Depuis 1997 la commune de Boé n'utilise plus de produits phytosanitaires. Un nouvel équilibre a été trouvé en favorisant la biodiversité, en paillant les massifs et en introduisant des auxiliaires.
Le jardin hortithérapeutique a été entièrement créé avec les usagers.
À Boé, les espaces verts s'insèrent dans des infrastructures fortes, comme ici la déviation de la ville d'Agen.
Pour convaincre les concitoyens du bien-fondé des démarches mises en oeuvre, les actions de sensibilisation et de partage, dans les écoles, les maisons de retraite, avec les personnes en situations de handicap se multiplient.
La communication a pris une place importante dans le travail du service des espaces verts de la ville.
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