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“Atteindre le “zéro pesticide” en changeant le regard des habitants”

Michel Bugada, maire de Neuvy-sur-Barangeon (18), a banni les produits phytopharmaceutiques de sa commune. Un accompagnement et une communication ciblée ont été nécessaires...

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Aux portes de la Sologne, Neuvy-sur-Barangeon (Cher) n'utilise plus de pesticides ni d'engrais chimiques depuis 2008. Ce village de 1 300 habitants a revu du jour au lendemain ses pratiques, après l'élection de son maire, Michel Bugada. « Le “zéro pesticide”, c'est avant tout une volonté politique. C'est le respect de la faune, de la flore et des habitants », insiste celui-ci. Lorsqu'il impose cette mesure, le maire a aussi en tête de préserver la ressource en eau. « Toutes les zones pluviales se déversent directement dans le Barangeon. Nous sommes en prise directe avec la rivière. » Mais la démarche oblige à réfléchir l'enherbement. « Atteindre l'objectif “zéro pesticide”, ce n'est pas techniquement compliqué. Ce qu'il faut, c'est changer le regard des habitants, car lorsqu'ils voient une herbe, ils pensent que les employés communaux ont mal fait leur travail », explique le maire.

Il a donc fallu convaincre. Pour cela, Michel Bugada a fait appel à Sologne nature environnement. Cette association travaille en relation avec la Fredon Centre pour mettre en place l'accompagnement technique, et avec l'Association des jardiniers de France. Leur but est de sensibiliser les collectivités et les particuliers aux dangers des pesticides. Elles accompagnent les communes pendant deux ans.

En janvier 2010, Neuvy-sur-Barangeon est le premier village de Sologne à signer la charte « Objectif zéro pesticide dans nos villes et villages ». Sologne nature environnement organise une exposition sur la dangerosité des pesticides, une conférence-débat et distribue des brochures aux habitants. Des articles paraissent dans le bulletin municipal et des panneaux sont placés aux abords de points stratégiques (cimetière, trottoirs, étangs, terrain de foot...). L'association propose aussi des circuits « herbe folle » : les experts déambulent dans le village avec les habitants pour leur expliquer l'intérêt des espèces végétales. « Ce qui fonctionne bien, ce sont les animations dans les écoles. Nous intervenons dans chaque classe. Les enseignants apprécient », explique Lorraine Bourget, de Sologne nature environnement. Dernière astuce de séduction, les cadeaux. Dans plusieurs rues, les habitants ont reçu une binette et un sachet de graines de mélange fleuri à semer au pied de leur mur sur rue. « Dans l'ensemble, les gens comprennent et adhèrent à la démarche », juge Michel Bugada.

Du jour au lendemain, les sept employés municipaux ont rangé les pulvérisateurs et sorti les binettes. « Au début, nous attendions de nouveaux outils pour désherber. Mais on s'est vite rendu compte qu'il fallait le faire à la main », témoigne Pierre Brunet, le responsable du service technique. La commune recrute chaque année trois personnes pour la période de mai à octobre. « Ce sont des emplois aidés en contrat sur six mois », indique le maire. Ces trois employés s'occupent aussi de l'entretien du camping et s'assurent du paiement de la redevance de la pêche. « L'économie réalisée sur les produits phytosanitaires et les revenus liés au camping et à la pêche compensent une partie de la main-d'oeuvre supplémentaire », précise Michel Bugada. D'après les premiers calculs du service technique, le surcoût lié au « zéro pesticide » est d'environ 500 euros par mois, soit 6 000 euros par an.

L'organisation du travail a été entièrement revue. L'entretien du cimetière en est l'exemple. Auparavant, les agents passaient un désherbant total ou des herbicides à base de glyphosate, fin avril et fin août, nécessitant environ deux jours d'intervention, à deux personnes, soit huit jours par an. Aujourd'hui, ils désherbent d'avril à novembre, à la binette, environ quatre heures par semaine, soit seize jours par an. Entre les tombes, quelques herbes subsistent, mais la population semble les accepter. Un désherbeur thermique à gaz est utilisé pour les surfaces imperméables. Les employés communaux passent cinq fois par an dans la cour de l'école. Pour Pierre Brunet, cette organisation sera rentable sur le long terme. « La démarche est en cours d'amélioration. Nous travaillons les aspects préventifs de l'enherbement. La refonte de certains massifs et espaces verts génère des gains en temps et en énergie investis, non chiffrables à ce jour, mais qui vont finir par être intéressants. »

Anticiper l'entretien avant la réalisation est la clé de voûte de la démarche. Le gazon est privilégié sur certaines allées. Les agents communaux incorporent des vivaces dans les massifs fleuris et autour des arbres (gauras, géraniums, asters, phlox...). Ils utilisent du paillage (fèves de cacao, écorces de pin ou ardoises) et des plantes couvre-sol (pourpier, sedum, sauge...). Seul un amendement organique est ajouté. Tous les six mois, la municipalité fait le point avec les associations qui l'accompagnent. Pour Magali Gal, chargée d'étude environnement à la Fredon Centre, les mentalités doivent encore évoluer. Il ne faut pas lutter contre l'enherbement, mais l'accompagner. « Si un pissenlit pousse seul sur un trottoir, il accroche le regard. S'il est noyé au milieu des roses trémières, des pivoines ou d'un mélange fleuri, il passe mieux. » Pour le démontrer, la commune a laissé l'herbe sur plusieurs trottoirs revêtus de grave calcaire. Aucun désherbage n'est effectué. Les habitants sont incités à semer des mélanges fleuris au pied des murs. L'entretien se limite à une tonte régulière. Il est source d'économies pour la commune et contribue à enrichir la biodiversité.

Aude Richard

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