“Changer les méthodes de culture pour les clients”
Rémi Bret dirige, aux côtés de son père, les pépinières Roux à Montvendre, dans la Drôme. Depuis trois ans, il a amorcé une évolution vers des méthodes de culture plus respectueuses de l'environnement, par conviction personnelle, mais aussi par stratégie commerciale et pour anticiper des mesures comme le plan Écophyto 2018.
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Les pépinières Roux produisent chaque année plus de 15 000 arbres fruitiers formés et cultivés en conteneur pour le marché de la jardinerie, le libre service agricole et la vente au détail au sein de l'entreprise. Jusqu'en 2008, les arbres étaient empotés dans un substrat à base d'écorce et de tourbe, fabriqué localement (Ardèche), auquel le fournisseur incorporait un engrais à libération programmée. Cette fertilisation était complétée en cours de culture par un engrais soluble en ferti-irrigation et, si besoin, par un surfaçage en cours d'été (voir l'encadré). Si cette méthode de culture donnait entière satisfaction au pépiniériste au niveau de la croissance des plantes, elle présentait toutefois quelques points négatifs d'un point de vue environnemental et commercial. « Ce substrat très drainant obligeait à un suivi régulier de l'arrosage », précise Rémi Bret, qui a rejoint son père, Bernard, à la direction de l'entreprise en 2005. « Si cela ne posait pas de problème en pépinière, ce suivi était plus difficile sur les points de vente. Nos clients nous ont demandé de tester d'autres substrats avec une meilleure rétention en eau. » D'autre part, la fertilisation soluble en arrosage provoque la perte de nombreux éléments fertilisants, notamment sur les aires arrosées par aspersion, mais aussi en arrosage localisé, par lessivage, du fait de la porosité du substrat.
La sélection d'un nouveau substrat et l'arrêt de la ferti-irrigation ont constitué logiquement la première étape de la démarche de changement de l'entreprise. « Après quelques tests, nous avons choisi de travailler avec un substrat composé de tourbe blonde, tourbe noire + fibre de coco et fibre de bois. Il a une bonne rétention en eau et semble moins mobiliser d'éléments fertilisants car, parallèlement, nous avons complètement arrêté la ferti-irrigation sans constater de diminution de croissance. Toutefois, ce nouveau substrat, fabriqué en Allemagne, nous contraint, pour limiter les coûts, à commander par grands volumes. Les premiers rempotages commençant en novembre, il faut être très attentif au stockage du substrat pour éviter qu'il ne s'échauffe et que l'engrais à libération programmée, incorporé par le fournisseur, ne commence à se libérer », précise Rémi Bret.
L'introduction d'une fertilisation organique a constitué la seconde étape de la démarche. « En 2008, la firme BHS nous a proposé de faire des essais d'une fertilisation 100 % organique sur nos cultures en conteneur. Cet essai, réalisé sur les arbustes d'ornement pendant deux ans, a été concluant (pas de différence au niveau croissance). Au vu de ces résultats, nous avons décidé d'introduire progressivement une fertilisation organique dans toutes nos cultures en conteneur en commençant par les arbres fruitiers. »
Ainsi, en 2010-2011, les fruitiers ont reçu une fumure de fond mixte mi-minérale à libération programmée 9 mois (4 kg/m3), mi-organique naturelle (3 kg/m3, voir l'encadré). « Pour ne pas prendre de risques en fin de culture, nous avons décidé cette année encore de compléter cette fertilisation par un surfaçage, en juillet, avec un engrais organique. Avec ce type d'engrais, il est nécessaire d'anticiper les besoins de la plante car il faut tenir compte du délai de solubilisation des éléments fertilisants. À l'avenir, avec plus de recul, nous espérons pouvoir supprimer cet apport estival si les résultats obtenus cette année se confirment. Nous observons, en effet, des pousses de plus d'un mètre vingt sur les cerisiers par exemple », poursuit le chef d'entreprise. Autre aspect en défaveur du surfaçage, la pépinière a adopté les collerettes coco sur l'ensemble de ses conteneurs pour éviter les herbicides chimiques et cette collerette gène quelque peu l'épandage et la dissolution de l'engrais.
Autre objectif affiché, dans le même temps, par l'entreprise : la volonté de réduire l'utilisation de produits phytosanitaires, particulièrement les herbicides et insecticides. « Le groupement d'intérêt économique (GIE) Dauphiné Savoie nous sensibilise beaucoup sur cet aspect au cours de ses journées techniques, tout comme le réseau HPF (Horticulteurs pépiniéristes de France), auprès duquel nous avons suivi une formation sur les extraits naturels de végétaux. Depuis quelques années, nous mettons en oeuvre ces nouvelles techniques progressivement », explique Rémi Bret. Sur les cultures en conteneur, les collerettes coco permettent de supprimer les deux traitements d'herbicides antigermatifs réalisés jusque-là. Ces collerettes tiennent bien dans le temps et restent très esthétiques sur les points de vente. Par ailleurs, des essais de plantes hôtes ont été réalisés cette année. Les potentilles en fleurs attirent les syrphes dont les larves sont prédatrices des pucerons. Ces plantes hôtes sont dispersées dans les aires de culture, de préférence à des emplacements ensoleillés pour une floraison plus importante. Enfin, l'incorporation en ferti-irrigation d'extraits naturels composés d'ortie, de prêle, de fougère et de consoude a été testée. Cet extrait est mélangé à l'eau d'arrosage à une proportion de 0,2 %. Résultats encourageants puisque, cette année, un seul traitement phytosanitaire contre les pucerons a été nécessaire.
Plus anecdotique, en parcourant la plate-forme de vente au détail, on peut apercevoir quelques tests mis en place par le responsable de ce secteur. Par exemple, des sachets ajourés remplis de coquilles d'oeufs accrochés aux branches des pêchers pour prévenir l'apparition de la cloque.
Le respect de l'environnement est aujourd'hui un argument commercial incontournable. Tous les clients professionnels ont été informés, par courrier, de ces nouvelles méthodes de culture. Au niveau de la vente au détail, le réseau HPF, auquel adhère la pépinière, communique sur ces thèmes depuis plusieurs années. « Il était urgent de suivre cette évolution, de changer les méthodes de culture pour les clients », conclut Rémi Bret.
Claude Thiery
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