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" La relance de la sélection variétale est stratégique pour l'entreprise ! "

Patrick Chassagne (à gauche) et Dominique Audy, repreneurs de Desmartis, ont créé une SARL pour racheter les parts détenues par la SAS Jardiland.

Deux salariés de l'entreprise, Patrick Chassagne et Dominique Audy, ont repris en 2014 les pépinières Desmartis, installées depuis 1874 à Bergerac (24). Ce nouveau démarrage a été l'occasion d'une réorganisation de la société, d'un recadrage de la production et d'une nouvelle impulsion pour la spécialité de cet établissement : le Lagerstroemia, rebaptisé Lager's.

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En août 2014, Dominique Audy et Patrick Chassagne, tous deux cadres des pépinières Desmartis, créent une SARL pour racheter les parts de la SAS Pépinières Desmartis, détenues à cette date par la SAS Jardiland. « Cette entreprise a un fort potentiel, en matière de capital humain avec une équipe compétente et motivée, en termes de terroirs très favorables, avec un stock de plantes de qualité et un porte-drapeau de première importance, le Lagerstroemia », commente Patrick Chassagne.

- Une reprise fortement appuyée localement. Dominique Audy est dans l'entreprise depuis 20 ans. Il est entré comme préparateur de commandes, a évolué dans la pépinière jusqu'à en devenir le directeur commercial. Patrick Chassagne est arrivé dans l'établissement en 2012 comme directeur d'exploitation. « Nous n'étions pas destinés à ça, explique Patrick Chassagne. Quand Jardiland a mis la pépinière en vente et que nous avons vu qu'aucun repreneur ne se présentait, nous avons réfléchi à un plan de reprise en interne. Ce dernier a été accepté par Jardiland. Nous avons établi un plan de financement avec l'aide du conseil régional d'Aquitaine et du conseil général de Dordogne, sous forme d'avances remboursables. Nous avons rencontré beaucoup de personnes proactives pour nous aider, communauté d'agglomération, chambre de commerce, commune de Bergerac. L'entreprise est un élément important du tissu économique local, nous avons donc été largement aidés. Enfin, nous avons établi deux prêts personnels auprès d'Initiatives Périgord, pour équilibrer le plan de financement. Et nous avons apporté notre savoir-faire,notre volonté et notre sueur ! »

- Réorganisation de l'entreprise. Le business plan mis au point prévoyait une diminution de la production de 30 % et une baisse des effectifs dans la même proportion. L'entreprise est passée de 116 à 72 salariés, soit 44 départs dont 35 ont été volontaires. Tous les départs ont été accompagnés : « Nous avons pris du temps pour que les conditions soient les meilleures possibles », indique Patrick Chassagne. « Puis nous avons réorganisé les bureaux et les lieux de travail pour rassembler les personnes et recréer de la proximité et du lien. Nous sommes une PME agricole, nous ne sommes pas une entreprise riche. Nous avons des moyens à la hauteur d'une pépinière, et nous avons voulu adopter la politique du bien plutôt que celle du mieux. » Le chiffre d'affaires prévu sur les deux années du plan prévisionnel est de 9 millions d'euros, ce qui correspond au chiffre que faisait la pépinière avant,avec une forte diminution de l'activité de négoce.

« Notre objectif est une gestion drastique, efficace, à la fois pour regarder près et loin, être prêt pour la prochaine saison et mettre en culture pour dans quinze ans. Nous souhaitons que les règles soient strictes mais simples. Nous avons élaboré des outils de reporting à tous les niveaux : préparation de commandes, logistique, production. Ils facilitent le partage de l'information et fluidifient le travail », explique Patrick Chassagne. « Notre but est que l'entreprise tienne, qu'elle conserve sa place sur le marché. Nous avons une taille critique, assez importante pour correspondre au marché national et satisfaire des acheteurs qui s'approvisionnent en gros. Nous voulons conserver cette position, donner confiance à nos clients et répondre aux besoins du marché. »

Les clients sont essentiellement des distributeurs spécialisés, jardineries et grandes surfaces de bricolage, ainsi que des collectivités, des paysagistes et des producteurs revendeurs. L'export correspond à 3 % du chiffre d'affaires, en diminution car la volonté est de se recentrer sur le marché national. Dominique Audy s'est consacré à la réorganisation de la commercialisation, avec quatre commerciaux itinérants. « Il s'agit d'aller voir les clients, de reprendre notre place sur les marchés et de donner envie en proposant de nombreux produits. Nous pouvons répondre aux divers besoins des clients et disposons d'une organisation logistique appropriée. » L'entreprise travaille avec deux sociétés de transport qui assurent une livraison dans toute la France en 24 à 48 heures.

- Recadrage de la production. Les quantités mises en culture ont été réduites, notamment sur les conteneurs. Le niveau de stock a été revu à la baisse, vendu ou détruit pour repartir avec un stock adapté au marché. La prestation de service pour les portails de vente sur internet a été réduite le plus possible.

La production s'est depuis longtemps investie dans des démarches de respect de la santé des salariés et de l'environnement. Pour la certification internationale MPS (certification environnementale des productions ornementales), Desmartis a fait partie des premiers adhérents en 2001, l'entreprise ayant été retenue pour établir le référentiel pour la France. La certification est régulièrement renouvelée avec la meilleure note, soit « A ». L'établissement est également entré dans la certification nationale Plante Bleue depuis mai 2012 et son certificat a été renouvelé pour trois ans. Enfin, la pépinière a intégré la démarche Ecophyto depuis 2012, elle est membre du réseau Dephy Ferme et Expe, intégré à Ecophyto 2018 et qui produit des références de production économe en produits phytosanitaires. « Dans ce cadre, par exemple, les allées des surfaces pour la production hors-sol sont enherbées, explique Patrick Chassagne. Nous mettons en place la protection biologique intégrée et le positionnement de plantes relais et de plantes hôtes. » Il s'agit bien là de répondre aux multiples pressions qui s'appliquent sur une société de production : une pression sociétale et environnementale, qui vient à la fois de l'intérieur et de l'extérieur ; une pression des applicateurs de produits phytosanitaires ; une pression de l'État qui diminue les produits homologués ; et une pression économique par le coût des produits et la nécessité de contraindre les coûts de revient. « La démarchedans laquelle nous sommes peut satisfaire tous ces critères, reconnaît Patrick Chassagne. Nous cherchons à réaliser des projets collaboratifs, des partages d'expériences et des échanges de pratiques. Tout cela nous enrichit. »

La pépinière propose une très large gamme : des plantes d'extérieur, des vivaces aux sapins coupés, des plantes de haies aux oliviers. « Nous avons fait le choix d'une entreprise généraliste, de faire de tout, et bien. Mais lorsque nous ne maîtrisons pas certains produits, nous allons les chercher sur le marché, » ajoute Patrick Chassagne. Ainsi les rosiers sont achetés chez les pépiniéristes de Doué-la-Fontaine (49), et les fruitiers viennent du sud-ouest ou de pays européens.

Les gammes mises en culture vont être encore élargies et approfondies, en étoffant les actuelles, notamment sur les différentes tailles de conditionnement (de 1,5 l à 350 l). « La taille de notre entreprise permet la prise de risques, on peut investir et investiguer. Nous faisons des essais en pépinière, souvent par l'intermédiaire de stagiaires que nous accueillons et qui apportent de nouvelles idées. » Cette profondeur de gamme permet notamment une adaptation à divers secteurs de marché, les gros conteneurs étant par exemple adaptés aux paysagistes et aux collectivités. De même, pour les sujets de grande taille en pleine terre, « ils sont faits pour les paysagistes qui travaillent avec des particuliers, c'est un marché en expansion, détaille Patrick Chassagne. Ces professionnels achètent des racines et savent reconnaître la qualité. »

- Lager's : une nouvelle impulsion pour la spécialité de la pépinière. Reconnues au niveau européen comme le spécialiste de la culture du Lagerstroemia, les pépinières Desmartis n'avaient pas demandé de COV (certificat d'obtention végétale) depuis 1996. « La relance de la sélection variétale est stratégique pour l'entreprise. C'était important pour nous de le faire très rapidement après la reprise, relate Patrick Chassagne. Nous disposons d'un potentiel génétique énorme et nous devons l'utiliser. Les distributeurs, nos clients, ont besoin de créations, de renouvellement. La sélection variétale est un facteur de nouveauté et de communication efficace pour l'entreprise. » La première nouveauté concerne le baptême du Lagerstroemia : « Ce nom est impossible pour le consommateur. Comment s'en souvenir ? Le Lilas des Indes n'était pas non plus significatif pour le jardinier. Nous avons donc choisi une démarche de simplification. Le nom retenu est le Lager's, qui devient l'appellation commune de cette plante, pour une meilleure communication. »

De nouvelles variétés vont ensuite être introduites à partir d'un portefeuille actuel de marques déposées et de la relance de la sélection à partir de semis. Ainsi, une gamme « Terrasse » est proposée dès cette année. Des gammes éphémères suivront pour créer de l'animation sur les points de vente. Enfin, la plante est proposée sous de multiples formats et tailles, de l'arbuste à l'arbre tige, du conteneur de 3 l au 90 l, de la touffe à la tige cinq fois contre-plantée. La culture du Lagerstroemia est sous maîtrise technique complète, elle demande des opérations de taille et de contre-plantation très précises. Les arbres tiges sont conduits sous tunnel plastique pendant cinq à sept ans, pour éviter le risque de gel des bourgeons. Trois années minimum sont requises pour la production d'une touffe en conteneur de 3 l. Les tiges, pouvant aller jusqu'au 20/25, ont au moins quinze ans de culture comprenant cinq contre-plantations.

« Une entreprise est un véritable couteau suisse, analyse Patrick Chassagne en arborant un sourire. Nous avons tout ce qu'il nous faut pour réagir vite et bien : le savoir-faire humain, l'adaptabilité, la veille technique, la recherche végétale, le patrimoine génétique, le terroir... À nous à présent de savoir les utiliser au mieux afin de pérenniser nos atouts. »

Cécile Claveirole

L'entreprise compte 65 hectares de pépinière hors-sol et 125 hectares de pleine terre. Elle reste généraliste même si elle parie fortement sur le Lagerstroemia, qui fait partie de son identité.

Le Lagerstroemia « Terrasse » est proposé dès cette année. Des gammes éphémères viendront ensuite pour créer de l'animation sur les points de vente.

Les arbres tiges sont conduits sous tunnel plastique pendant cinq à sept ans pour éviter le risque de gel des bourgeons.

Les tiges, pouvant aller jusqu'au 20/25, ont au moins quinze ans de culture comprenant cinq contreplantations.

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