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"La PBI sur arbres en extérieur, ça marche à Roubaix !"

Isabelle Chansellé-Bécue, responsable du service espaces verts, a recours, depuis cinq ans, à Adalia et Exochomus pour lutter contre pucerons et cochenilles dans certains quartiers.

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« Nous avons commencé la protection biologique intégrée dans les serres municipales en 2005, avec de bons résultats, voire meilleurs qu'avec la protection conventionnelle », introduit Isabelle Chansellé-Bécue, responsable du service espaces verts (SEV) de Roubaix. L'année suivante, la jeune femme a décidé de tester la PBI en extérieur. « Tous les ans, nous avions des réclamations de riverains à cause des dommages causés par les pullulations de pucerons – Periphyllus sp. et Eucallipterus tiliae – dans les arbres, du miellat et de la fumagine sur les voitures, les tombes... » Les traitements insecticides réalisés de nuit en été et complétés en hiver par des pulvérisations d'huile végétale ne suffisaient pas à enrayer les nuisances.

Pour ses essais en extérieur, le SEV a gardé les partenaires impliqués dans la PBI sous serre : la Fredon (*) Nord-Pas-de-Calais, chargée des formations, et l'entreprise Koppert, fournisseur d'auxiliaires. Les premiers lâchers d'Adalia bipunctata contre le puceron ont été réalisés au printemps 2006 sur les trois secteurs posant le plus de problèmes : un parking planté de soixante Acer saccharinum ; une parcelle du cimetière (trente-deux Tilia platyphyllos) ; un alignement de soixante Acer saccharinum dans une rue résidentielle. Deux à trois sachets ont été positionnés sur chaque arbre, la deuxième quinzaine de mai. Vincent Coomans, responsable du patrimoine arboré, et son équipe ont bénéficié de l'aide d'une stagiaire de la Fredon pour les observations des populations de pucerons la première année. Aucun traitement phytosanitaire n'a été réalisé.

« Il n'y a eu aucune réclamation cet été-là », raconte Isabelle Chansellé-Bécue. Ce constat a constitué un argument choc, avancé auprès des élus, en faveur de cette méthode de lutte. Les relevés effectués durant l'été par Vincent Coomans ont confirmé la diminution des populations de pucerons. Autres arguments forts : le respect de l'environnement et le confort de travail des agents. Certes, les observations et les lâchers interviennent en pleine période de plantation, mais « personne ne veut revenir en arrière ». Dès la deuxième année, le service a ciblé la cochenille pulvinaire avec des lâchers de coccinelles Exochomus quadripustulatus, avec les mêmes résultats positifs.

Parallèlement, le SEV a réalisé un gros travail de communication. Les riverains ont été informés par des campagnes d'affichage dans les halls d'immeuble et des communiqués de presse dans les journaux de quartier. Objectif : leur faire comprendre la méthode employée et ses limites. « Il a fallu expliquer la présence des grosses bandes gluantes jaunes antifourmis sur les troncs, dont l'impact visuel était important... » La communication vise également les collectivités (plates-formes d'information, participation à des colloques...) : « Cela ne sert à rien de faire de la PBI en extérieur si les villes voisines traitent. » La jeune femme aimerait que d'autres communes appliquent ce mode de gestion pour partager leurs expériences et finaliser une méthode fiable et moins chère. Sur le secteur, seule Croix s'est pour l'instant engagée.Le SEV a peu à peu ajusté la technique. Premier constat : le décalage entre la nécessaire réactivité sur le terrain et les délais commerciaux. « Les lâchers sont efficaces s'ils sont réalisés à un moment précis du développement des ravageurs, qui dépend notamment des conditions climatiques », explique Isabelle Chansellé-Bécue. « Or les auxiliaires n'étaient livrés que les semaines paires, avec obligation de passer la commande en février, soit deux mois et demi à trois mois avant les lâchers ! » Dans de telles conditions, il ne reste plus qu'à espérer que l'invasion s'effectuera bien au moment prévu, car une fois réceptionnés, les oeufs de coccinelle ne peuvent se conserver que quelques jours au frais. Un premier ajustement avec Koppert a consisté à réduire à un mois le délai entre la commande et la livraison. Par ailleurs, les sachets kraft à punaiser sur les arbres ne résistaient pas à la pluie et les larves peinaient à en sortir. Elles n'avaient pas non plus envie de quitter un logement leur assurant le couvert (oeufs de teigne)... Le papier a donc été remplacé par du nylon blanc, la quantité de nourriture à l'intérieur des sachets a été diminuée, et les punaises, responsables de minilésions, ont été remplacées par des cordelettes.

Le SEV continue d'utiliser cette méthode de lutte. Certes, le coût des premiers lâchers s'avère supérieur à celui des traitements phytosanitaires (hormis si l'on compte le surcoût lié au travail de nuit). Il faut compter 15 euros HT le sachet de vingt à trente oeufs d'Adalia – soit 2 700 euros pour un alignement de soixante arbres avec trois sachets par arbre – et le double pour un sachet d'Exochomus. Par ailleurs, « il faut réaliser des lâchers sur les mêmes sites pendant trois ou quatre ans avant de stabiliser la population au seuil de tolérance ». Mais une fois passées ces premières années et l'équilibre naturel auxiliaires/ravageurs instauré, les lâchers ne sont plus nécessaires. Les techniciens Koppert viennent plusieurs fois par an pour un suivi technique gratuit : ils apportent recommandations, avertissements, précisions sur l'évolution des méthodes... La Fredon continue d'intervenir en conseil.

Les lâchers ont cessé en 2009, les trois sites ne posant plus de problème. « La PBI sur arbres en extérieur, ça marche à Roubaix ! », souligne Isabelle Chansellé-Bécue. Un alignement de soixante-quatre arbres est aujourd'hui traité, ainsi qu'une zone du cimetière. Ce dernier représente un vaste chantier, et les lâchers y sont effectués parcelle par parcelle. Quelques zones engazonnées ont été semées avec des mélanges fleuris pour auxiliaires Nova Flore. Les pucerons ne sont plus un problème. Depuis deux ans, la ville « bénéficie » bien malgré elle d'une aide peu recommandable : la coccinelle asiatique Harmonia axyridis et ses milliers de larves qui envahissent les façades.

Valérie Vidril

(*) Fédération régionale de défense contre les organismes nuisibles.

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