“Une gestion informatisée pour avoir du temps pour vivre...”
Alexandre et Maxence Desrumaux, respectivement responsable production et responsable commercial au Gaec Les serres Desrumaux, dans le Nord, ont informatisé en 2010 la gestion de leurs services : une étape indispensable pour poursuivre le développement de l'entreprise tout en bénéficiant de temps libre.
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Tout commence par le nerf de la guerre : « Nos parents nous ont laissé une bonne trésorerie », introduit Alexandre Desrumaux, à la fois responsable de production, du personnel et des achats en plants et fournitures horticoles. Avec Maxence, directeur commercial, ils forment la troisième génération d'horticulteurs de la famille Desrumaux. « En 2002, nous avons créé un Gaec avec nos parents et avons pu lancer de gros investissements que les banques ont suivis. » En faisant évoluer l'entreprise, les deux frères ont progressivement vu augmenter les charges de gestion.
Une gestion informatisée est apparue de plus en plus indispensable. « Depuis 1998, l'entreprise connaît une progression à deux chiffres - hormis en 2010 - », affirme Alexandre. En 1998, son père, Jean-Claude Desrumaux, s'installe à Lompret avec 4 000 m² de serres et 1 000 m² de tunnels en plastique. Alexandre arrive en 1999, à 21 ans, suivi de Maxence l'année suivante à 20 ans. En 2002, après plusieurs investissements, l'établissement se compose de 5 000 m² de serres en verre et 4 000 m² de tunnels en plastique. Le site de Lompret, géré aujourd'hui par Marie-José Desrumaux, la mère, subit la pression immobilière et ne suffit plus à assurer le développement de la production. Le Gaec achète un terrain à Houplines en 2002, situé à proximité de l'autoroute et de Lompret. La première phase de construction se déroule en 2003 : 2 200 m² de serre chaude avec bacs mobiles, 6 600 m² de serre froide et 1 200 m² de hall. Le site s'agrandit encore entre 2008 et 2009 avec 2 000 m² de hall, 1 800 m² de serre chaude, une chambre d'enracinement de 1 300 m², une chambre de germination de 100 m² et un bitunnel de 3 000 m². En parallèle, la main-d'oeuvre progresse, passant de deux salariés à temps plein en 1998 à quatre en 1999. Chaque année, un CDI est créé. L'activité « composition florale » et l'étiquetage nécessitent beaucoup de main-d'oeuvre. En 2011, le Gaec compte vingt-cinq salariés et de quinze à vingt saisonniers du 1er mars au 1er novembre. La SARL, créée en décembre 2009 pour commercialiser toute la production du Gaec, compte neuf salariés (commerciaux, chauffeurs, dispatcheurs), Jean-Claude Desrumaux s'occupant de la partie administrative des deux entreprises.
« La gestion du personnel et des commandes devenait de plus en plus compliquée », raconte Alexandre Desrumaux. « L'équipe commerciale nous passait les commandes de ses clients à midi et demi lorsque tout était saisi dans sa base. Nous ne pouvions les préparer réellement qu'à partir de 13 heures. Les différents produits (bulbes, fleurs, coupes florales, légumes...) étaient dispatchés par client jusqu'à 17 h, puis regroupés par chariot. Ensuite, les commandes étaient vérifiées. Ce qui nous amenait jusqu'à 22 h ! Suivait l'étiquetage, spécifique pour certains clients. En cas d'erreurs, nous n'étions pas partis avant minuit : c'était ingérable. Le personnel était fatigué et nous avons commencé à avoir des remontrances des clients (erreur de gencodage...). » Les contraintes ne se limitaient pas aux horaires. « Toutes les instructions se donnaient à l'oral, sans partage de savoir. La gestion de production n'était que dans ma tête et dans celle de quelques responsables de culture. Et puis, j'ai lu l'année dernière un article dans le Lien horticole (*) qui m'a donné envie de me doter d'un outil de gestion informatique perfectionné, en particulier pour la préparation des commandes et l'expédition. » Les frères Desrumaux décident donc de faire appel aux sociétés Hesperid (53) et ACI informatique (49) respectivement pour installer le logiciel de production Florane et le logiciel de commercialisation Fly.
« Désormais, de mon bureau, je peux contrôler chaque secteur : la composition florale, le frigo, les achats, les productions d'Houplines et de Lompret », se félicite le responsable de production, en consultant sur son ordinateur le tableau affiché par Florane. « La nouvelle organisation nous permet d'être plus réactifs. » Dès 8 heures, chaque équipe peut préparer les commandes enregistrées sur Fly par l'équipe commerciale. Elles arrivent au fur et à mesure sur le poste de commande (un clavier vert et une imprimante) disposé dans chacun des sept secteurs de production. Elles sont classées par priorités - données par exemple à celles récupérées sur place par le client, ou celles nécessitant un transporteur ou un gros travail d'étiquetage - et ensuite par ordre d'arrivée. « Je sais exactement qui a préparé telle commande et à quel endroit. Ce suivi permet de valoriser les bons employés, de remobiliser ceux qui travaillaient “à la louche”. En cas de problème de qualité sur une préparation, il est possible d'en comprendre la cause et de résoudre le problème. » Ce peut être une formation insuffisante donnée à un saisonnier ou une « erreur de bonne foi » d'un salarié : « Il faut pouvoir expliquer à ce dernier que la caisse de primevères blanches qu'il a estimé pouvoir remplacer par une caisse de primevères colorées, c'était ce qui avait déclenché l'acte d'achat d'un roll entier de plantes par le client. » Quand la commande est validée par chaque secteur, les dispatcheurs sortent les bons de vérification et préparent les étiquettes à poser en fonction de la clientèle. Après contrôle, le bon de livraison du client peut être édité. À 14 h, les commerciaux doivent stopper les prises de commandes, ou avertir Alexandre de toute commande tardive. En effet, les préparateurs se transforment en « étiqueteurs » et ne sont plus dans leur secteur lorsque ces commandes arrivent sur leur clavier.
Outre la gestion des commandes, l'objectif est d'évoluer vers une connaissance des coûts de production. Tous les employés - y compris les commerciaux et les chauffeurs - sont enregistrés dans Florane. Chacun pointe le matin sur le poste de commande, puis enregistre ses tâches au fur et à mesure de la journée. Autrefois, Alex Desrumaux notait sur papier les horaires des uns et des autres, puis patron et salariés comparaient leurs données. « Il n'y a plus d'erreur avec la machine », se félicite-t-il. Ces informations permettent pour l'instant la connaissance des temps de travaux passés dans chaque activité. L'enregistrement des séries (une série = une espèce, un contenant, une quantité), commencé en juin 2011, permettra courant 2012 d'évaluer et d'analyser les coûts de production. La connaissance fine des temps de travaux sera bientôt complétée par celle des autres charges : « Nous sommes en train de rentrer les quantités et les prix des fournitures (pots, terreau, caisses...), les frais de livraison, le chauffage facturé cet hiver, la consommation d'électricité, l'amortissement des serres... » Connaître les coûts de revient de ses produits permettra au jeune homme d'affiner avec son frère la stratégie commerciale et la communication interne. « Nous nous battons pour un centime : nous devons savoir si nous pouvons accepter de baisser notre prix de ce centime. Si ce n'est pas le cas, les commerciaux ont besoin de savoir pourquoi. Il en va de même pour les chefs de culture : ils doivent savoir pourquoi je râle si la cadence diminue ! Si on passe de 700 barquettes à l'heure à 550, le prix du produit augmente... »
L'informatisation de l'entreprise permettra également d'améliorer la gestion des stocks. Les intrants consommés lors de la production d'une série seront automatiquement déduits des stocks, ce qui permettra une gestion à flux tendu des approvisionnements. Reste à prendre en compte les achats de plantes (négoce). Une tâche ardue à laquelle s'attelle Maxence Desrumaux, qui nécessite d'intégrer plusieurs paramètres : le stock « négoce » réel, les commandes fournisseurs en cours, les réservations... « Si, dans les commandes fournisseurs, un produit n'est pas disponible, il faut qu'il y ait un retour vers le commercial afin qu'il l'indique au client », illustre Maxence. « Par ailleurs, le secteur composition florale deviendra un client à part entière. Actuellement, il se sert dans le stock de négoce sans que l'on sache ce qu'ils ont pris ! » Un module spécifique a été développé pour cette activité. Maxence prévoit d'utiliser des PDA (Personal digital assistant) : « Après leur paramétrage, ils permettront d'obtenir toutes les informations sur une série en scannant les Gencod correspondant et de transférer les données au service commercial (par exemple, des séries commercialisables validées par le responsable du secteur). »
Le logiciel Florane possède d'autres fonctionnalités comme le « Suivi sanitaire », qui permet de gérer les lâchers d'auxiliaires et les traitements... « Le gros souci, c'est quand ça beugue ! », souligne toutefois Alexandre Desrumaux. Mieux vaut avoir prévu des sauvegardes régulières et être capable de retravailler « comme à l'ancien temps » avec des préparations de commande à l'avance. « Des fois, je me demande à quoi je vais servir quand tout va marcher, et j'ai un coup de blues », plaisante-t-il. « Mais aujourd'hui, avec cette gestion informatisée nous avons du temps pour vivre, pour prendre du recul. Et à terme, ce sera exceptionnel ; il faut, d'ici là, prendre le temps d'enregistrer toutes les données et les contrôler. »
Valérie Vidril
(*) « Gestion de la production et gestion commerciale : intégration réussie à L'étang neuf », Lien horticole n° 698 du 25 mars 2010 pp. 10-12.
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