" Le succès des variétés anciennes "
En Normandie, Julien Mercher et Lucie Lécuyer ont choisi de valoriser ce qui fait la spécificité historique de leur pépinière, sa riche collection de fruitiers anciens, qu'ils complètent d'une gamme de végétaux rustiques et favorables à la biodiversité, produits de manière écoresponsable.
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«Nous passons en agriculture biologique (AB) », introduit Julien Mercher. Il dirige avec sa compagne Lucie Lécuyer les pépinières éponymes, qu'ils ont rachetées aux parents de la jeune femme en 2011 après huit années de collaboration. Niché dans un coin de campagne d'Héricourt-en-Caux (76), le site est discret et pourtant les clients savent le trouver. Car il offre à qui le connaît le choix parmi une vaste collection de fruitiers anciens et rustiques.
La conversion en AB engage peu de changements de la part de l'entreprise, qui a toujours eu des pratiques écologiques et n'effectue aucun traitement phytosanitaire. La configuration du site s'y prête : il se décompose en plusieurs petites unités dispersées, séparées de haies, jachères fleuries ou zones boisées, qui constituent autant de zones tampons. Malgré tout, la tâche n'est pas facile, ce qui explique peut-être qu'il n'y ait pas d'autre pépinière AB en Normandie : « Le désherbage exige quatre fois plus de temps qu'avec un traitement phytosanitaire », précise Julien Mercher. Les pépiniéristes utilisent la binette, un désherbeur rotatif équipé d'un palpeur - « qui n'est toutefois pas assez sensible pour les très jeunes plants » - et enherbent certains pieds d'arbres avec des végétaux fixateurs d'azote. L'herbe broyée des allées est laissée sur place. Les sujets anciens sont conservés pour servir de réservoir de biodiversité. « Ils constituent aussi une sorte d'arboretum montrant les arbres adultes, et offrent un cadre agréable au visiteur. »
Cette façon de produire reflète l'esprit des deux producteurs, soucieux de laisser une empreinte minimale sur leur environnement, tout en proposant des végétaux de qualité à des prix accessibles. « Nous ne vendons pas seulement une esthétique mais surtout des plantes solides, bien ramifiées qui supporteront les conditions du jardin. Nous prenons le temps d'expliquer cela, d'apporter nos conseils. »
Le passage au label bio répond à une attente, en particulier des agriculteurs souhaitant convertir leurs vergers en AB. « Ils sont de plus en plus nombreux. Mais les particuliers composent notre clientèle majoritaire, et beaucoup sont soucieux des conditions de production. » Ceux-là ne sont pas que d'anciens habitués, mais aussi un nombre croissant de jeunes attirés par le bio. Et de plus en plus de collectivités, qui se posent la question de l'origine de leur fournisseur, se tournent vers la pépinière pour mettre en place un jardin pédagogique par exemple.
« Depuis une dizaine d'années et particulièrement deux-trois ans, nous constatons une vraie demande pour les variétés anciennes, rustiques et locales de fruitiers. Certains clients font trois-quatre heures de route après avoir découvert notre offre sur Internet : quelques variétés de pommiers à cidre par exemple n'existent que chez nous. Ils veulent produire leurs fruits, et si possible des fruits qu'ils ne trouveront pas dans le commerce. Beaucoup pensent que plus la variété est ancienne, plus elle est rustique : ce n'est pas forcément vrai mais, en tout cas, elle ne nécessite pas de traitement phyto. »
Les deux jeunes gens expérimentent sur leurs terrains les différentes variétés de fruitiers qu'ils se procurent auprès de conservatoires botaniques ou des associations pomologiques. Ils y testent divers porte-greffes créés par l'Institut national de recherche agronomique (Inra), vérifient les effets de la mycorhization, du paillage... Ils travaillent avec le Groupe de recherche en agriculture biologique (Grab) et avec la Ferme biologique du Bec-Hellouin (27) qui produit selon des pratiques agricoles naturelles, en particulier la permaculture. Ils explorent le concept de « jardin-forêt », qui fait appel aux différentes strates de végétation. Le site sera bientôt refuge LPO (Ligue de protection des oiseaux) et a produit son premier miel l'année dernière. La pépinière souhaite également s'ouvrir aux réseaux professionnels HPF-Les artisans du végétal et Florysage (Astredhor Seine-Manche).
« La production de plantes à massif se vendait bien (géraniums...) toutefois nous avons arrêté pour nous consacrer à des productions plus pérennes. » Ainsi, depuis 2011, les pépiniéristes ont augmenté leurs cultures de vivaces, plantes dites « mellifères » (nectarifères et pollinifères), arbustes à baies comestibles... Dans un souci grandissant de qualité de production, ils cessent également les plantations dans les jardins, pourtant très recherchées, encore aujourd'hui, pour les déléguer à des paysagistes. « Nous sommes moins dans le "purement décoratif" et davantage dans la proposition de plantes offrant de multiples fonctions, comme nourrir les abeilles ou les oiseaux, abriter la biodiversité... : la demande est importante. »
Le site internet a permis d'attirer une nouvelle clientèle, ainsi que la création de « journées d'automne » au mois d'octobre, au cours desquelles sont rassemblés des artisans et des producteurs. Une autre animation est également très sollicitée : les cours de taille, donnés en hiver. Les relations avec les associations pomologiques, les agriculteurs, les apiculteurs et les passionnés entretiennent le bouche-à-oreille.
Valérie Vidril
La pépinière est riche de ses collections de pommiers à couteau, à cidre, de poiriers, conservées de génération en génération. Ces variétés anciennes sont recherchées par sa clientèle.
Toutes les tailles sont proposées, du jeune plant aux gros sujets transplantés.
Outre ses fruitiers, la pépinière produit des arbres, arbustes et vivaces rustiques...
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