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“Le développement durable passe par le respect de l'identité régionale !”

Jean-Baptiste Pasquet a créé l'entreprise Adelfo, à Manas, pour mettre en pratique sa vision d'un jardin plus écologique.

Jean-Baptiste Pasquet est « éco-paysagiste » dans la Drôme. Il crée des jardins répondant à sa conception du développement durable : réduction, voire suppression des consommations d'eau, engrais ou autres produits chimiques, limitation des pollutions, préservation de la biodiversité, intégration d'espèces spontanées...

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Pendant près de vingt ans, Jean-Baptiste Pasquet a été enseignant en techniques horticoles et pépinières au lycée horticole de Romans (26). Fasciné par les plantes sauvages, il a toujours défendu la vision d'une horticulture plus écologique, malgré des programmes d'enseignement encore peu tournés vers cet aspect. Il est aussi, en grande partie, à l'origine des villages botaniques de la Drôme (voir l'encadré ci-dessous). En 2005, il a quitté son poste d'enseignant pour créer le bureau d'études Adelfo, spécialisé dans la conception de jardins en harmonie avec leur environnement et peu consommateurs d'intrants. Habitant le sud du département de la Drôme, il s'est naturellement orienté vers la conception de jardins secs, puis vers celle de piscines naturelles biologiques.

Le diagnostic paysager, démarche préliminaire au travail de conception proprement dit, est essentiel et permet de recenser tous les éléments qui forment l'identité et l'ambiance du lieu : matériaux, végétaux, topographie. Pour Jean-Baptiste Pasquet, « le développement durable passe par le respect de l'identité régionale ! Cet aspect est trop souvent négligé en paysage où l'on “plaque” des réalisations sans aucun rapport avec les impératifs du lieu... Il s'en suit une perte d'identité des jardins, qui finissent par se ressembler les uns les autres du nord au sud de la France. Le recours aisé aux arrosages automatiques et aux intrants divers favorise cette paresse dans la recherche de solutions mieux adaptées et plus sobres en ressources ».

Pour les végétaux, par exemple, l'observation de la végétation environnante donne une idée relativement précise du type de plantes adaptées à la fois au climat et au sol. On peut alors, sur ces bases, en déduire une liste de plantes plus « ornementales », qui complétera la palette végétale. « La dimension esthétique intervient après, par l'association des plantes, par des plantations aléatoires en nombres impairs pour conserver un aspect naturel, par un choix et une répartition des couleurs en harmonie avec la nature et l'habitat environnant, par des périodes de floraison étalées, qui, si on intègre des plantes bulbeuses, peuvent se prolonger jusqu'à dix mois dans l'année. Cette démarche oblige à imaginer, à sortir des sentiers battus et, au final, à créer des jardins originaux et personnalisés », explique celui qui se définit comme un « éco-paysagiste ».

Le choix des matériaux fait l'objet de la même réflexion : recherche d'éléments naturels, d'origine locale et peu ou pas transformés. « Le projet sera orienté en fonction de ce qui est disponible localement. Les enrochements, dalles, graviers... utilisés dans un jardin sont tous issus du même type de roche pour signer l'identité du lieu ; le bois est choisi parmi des essences naturellement résistantes : robinier, mélèze, Douglas...

Les végétaux sont sélectionnés en fonction des exigences qu'impose le milieu. Les plantes pour jardins secs sont choisies pour résister à des périodes de sécheresse prolongées. Elles ne sont arrosées que l'année de la plantation et ces arrosages sont espacés au minimum de dix à quinze jours. « Il faut laisser la plante tirer la langue quelque temps pour l'obliger à développer un système racinaire en profondeur. Si on arrose trop fréquemment, les racines resteront superficielles et la résistance sera moindre. » Au niveau des massifs, le choix du paillage influe sur l'évolution du jardin. Les paillages biodégradables disparaissent rapidement et permettent à une végétation spontanée de s'installer et à certaines plantes de se déplacer à leur guise. Au contraire, les paillages non dégradables, type Bidim® ou toile tissée, associés à un paillage minéral, seront plus adaptés pour des espaces que l'on désire plus « immuables ».

Pour Jean-Baptiste Pasquet, « le gazon est une totale aberration. Il réclame de l'eau, des fertilisants, un entretien permanent (tontes, traitements phytosanitaires divers, désherbants sélectifs antidicotylédones...) pour un résultat esthétique pour le moins discutable. Il fait partie de nos mauvaises habitudes dont il va bien falloir se passer si l'on veut économiser la ressource en eau, favoriser la biodiversité, limiter les pollutions chimiques de toutes sortes ». Dans ses jardins, les gazons se transforment en espaces on ne peut plus naturels, puisque les zones « gazonnées » ne sont pas semées. Il laisse simplement se développer la végétation spontanée. Si la terre a été remuée, la première année, le terrain est principalement envahi de plantes annuelles comme les amarantes ou les chénopodes, mais au bout d'une ou deux années, une flore vivace plus esthétique et adaptée au milieu se met en place progressivement. « Je préconise au maximum quatre tontes par an pour permettre aux plantes de fleurir, voire de monter à graine, favorisant ainsi le renouvellement. » Ce type de prairie ne nécessite évidemment pas d'arrosage ni d'apport d'engrais. Seules les plantes adaptées s'installent et se pérennisent, laissant apparaître une biodiversité étonnante (orchidées sauvages, par exemple).

« Toutefois, ce type d'approche réclame une parfaite adhésion des clients et il est nécessaire de bien expliquer la démarche, car on est loin de l'aspect traditionnel des gazons, prévient Jean-Baptiste Pasquet. Ce sacrifice esthétique de la première année est largement compensé par la réduction d'entretien les années suivantes... On est gagnant sur la durée. La clientèle qui adhère à cette nouvelle vision s'élargit chaque jour. Mais pour ne pas rompre totalement avec des habitudes bien ancrées, l'objectif est de repérer dans la végétation spontanée des espèces de graminées bien adaptées, du type chiendent cespiteux, non envahissant, très sobre, peu poussant, de texture fine, peu concurrencé, et en observation actuellement. Il peut, à terme, être sélectionné et multiplié pour servir de gazon et sur des zones bien définies. »

Le chef d'entreprise est venu aux piscines écologiques presque par hasard. « Mon voisin voulait créer un bassin de baignade sans chlore au sein d'un étang existant. Peu satisfait des modèles de piscines biologiques proposés sur le marché, il m'a demandé si, par mes connaissances théoriques et mon expérience, je pouvais lui concevoir un tel bassin. Ainsi est née la piscine naturelle Aquadelfo®, aujourd'hui brevetée. » Avec ce procédé, le bassin de baignade est séparé des parties de décantation, régénération et filtration pour lever certaines réticences de clients qui, s'ils sont séduits par la piscine biologique, ne sont pas prêts à se baigner à proximité des plantes, grenouilles et autres batraciens. Ici, la partie baignade en béton banché (ou en bois) se nettoie, comme dans n'importe quel bassin classique, à l'aide d'un robot et l'eau est parfaitement limpide et d'une couleur vert mentholé se fondant dans l'environnement. Le système de filtration est composé, d'une part, de minéraux comme la pouzzolane et les zéolites de Bulgarie, qui composent la partie filtrante proprement dite et, d'autre part, de plantes aquatiques et semi-aquatiques qui captent les éléments minéraux contenus dans l'eau. L'interaction entre les minéraux et le système racinaire des plantes crée un milieu favorable au développement des micro-organismes responsables de la transformation des matières organiques en éléments minéraux assimilables par les plantes. Cette partie filtration est essentielle, puisque la circulation de l'eau oblige le système racinaire des plantes aquatiques à consommer les nutriments (sorte de « gavage » des plantes) avant le renvoi de l'eau dans la partie baignade. L'oxygénation de l'eau est indispensable pour parfaire un bon équilibre et éviter le développement d'algues. Les chutes d'eau, cascades et autres plantes flottantes oxygénantes assurent cette fonction.

Le concept Aquadelfo® est particulièrement adapté aux petites surfaces et permet de proposer des piscines écologiques pour tous types de jardins, urbains ou ruraux. Le bassin de baignade à filtration biologique présenté au siège de l'entreprise est un exemple de piscine pour très petits jardins avec un espace hors sol (7 x 3 m) trouvant sa place sur une surface totale de 35 m² (bassin de baignade, de décantation, régénération et système de filtration compris). Le système de récupération des eaux de pluies limite fortement la consommation d'eau du réseau. Une seule pompe de 300 watts fonctionnant environ 1 800 heures/an (soit 540 kW, ce qui représente un peu plus de 50 euros par an) suffit pour faire fonctionner l'ensemble. Le seul frein reste le prix, qui oscille pour un tel bassin entre 30 000 et 35 000 euros.

Pour une piscine plus grande, le prix grimpe jusqu'à 50 000 euros, et davantage selon les dimensions. « Il est difficile de comparer avec un bassin classique, car pour ce prix, en plus du bassin de baignade, on crée un véritable jardin aquatique, très vivant, agréable en toutes saisons et en perpétuel renouvellement. La mise en oeuvre, afin d'assurer un bon fonctionnement du système, est assez complexe », précise Jean-Baptiste Pasquet. Elle est assurée par des artisans locaux (maçons, piscinistes, paysagistes...), qui facturent directement leur prestation aux clients. Adelfo réalise les plans techniques et prend en charge le suivi du chantier jusqu'à la réception des travaux. Les artisans sont parfois apporteurs de clientèle et, dans ce cas, ils effectuent pour partie ou en totalité le travail, avec un suivi technique d'Adelfo pour la mise en oeuvre du procédé Aquadelfo®. Adelfo développe son procédé en facturant directement au client ses prestations de bureau d'études comme n'importe quel architecte.

Claude Thiery

Les plantes ne sont arrosées que l'année de la plantation, tous les dix à quinze jours pour faire descendre le système racinaire en profondeur.

Le diagnostic paysager, préalable à la conception proprement dite, permet de recenser les éléments qui forment l'identité du lieu.

Les plantes pour jardins secs sont choisies pour résister à des périodes de sécheresse prolongées.

Le concept de piscine biologique Aquadelfo® est basé sur une filtration à partir d'éléments minéraux et de plantes. Le bassin de baignade est bien séparé de cet espace filtration, car nombre de clients sont réticents à se baigner au milieu des plantes et des grenouilles.

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