“Sceaux recrée des broderies en hommage à Le Nôtre !”
Christian Lemoing, chef du service territorial sud de la direction des parcs, jardins et paysages des Hauts-de-Seine, a suivi la réalisation du chantier de restauration des terrasses du château du parc de Sceaux (92). Objectif : redessiner des broderies de buis et d'ifs pour redonner au site son lustre d'antan...
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André Le Nôtre a vu le jour le 12 mars 1613, à Paris : 400 ans après sa naissance, le paysagiste royal reste très « présent » au domaine de Sceaux, l'une de ses réalisations majeures. L'organisation des jardins, autour du château, est comparable à celle du passé : les trois niveaux (le parterre haut, le parterre bas et la plaine des quatre statues) s'étendent toujours de part et d'autre de la demi-lune et du grand canal. Mais si « la qualité paysagère d'ensemble de cette grande perspective ouest/est est encore bien établie, elle ne bénéficie plus d'une organisation hiérarchisée », estime le conseil général des Hauts-de-Seine, gestionnaire du site.
Au fil du temps, les broderies ont laissé place à de grands compartiments de pelouse uniforme, faciles à entretenir mais qui n'ont plus la magnificence du passé. Pour la retrouver et pour apporter sa pierre à l'édifice des célébrations de l'année Le Nôtre, le conseil général a décidé de procéder au réaménagement du site. Un chantier de grande ampleur qui a débuté en octobre dernier et qui est en cours d'achèvement. Deux broderies de buis ont été redessinées sur le parterre haut et quatre compartiments de gazon et allées de stabilisé ont été créés sur le parterre bas. L'idée étant que plus on se situe près du château, plus le tracé doit être fin.
L'objectif n'était toutefois pas de restaurer les lieux pour retrouver des jardins identiques à ceux de l'époque de la conception. « Il aurait fallu enlever les magnifiques ifs, vieux d'une bonne centaine d'années, qui structurent le parterre haut », explique Christian Lemoing, chef du service territorial sud de la direction des parcs, jardins et paysages du département des Hauts-de-Seine et qui, à ce titre, assure la maîtrise d'ouvrage du chantier. Pour le maître d'oeuvre Pierre-André Lablaude, architecte en chef des Monuments historiques, ce projet cherchait « à valoriser l'histoire des lieux, en soulignant cette perspective paysagère majeure et en jouant sur la hiérarchie des parterres, fidèle en cela aux jardins réguliers des XVIIe et XVIIIe siècles, tout en tenant compte des usages actuels et envisagés pour le parc ». « Nous avons fait le choix de recréer des broderies en hommage à Le Nôtre, mais de travailler entre le passé et ce que l'on fait aujourd'hui », ajoute Christian Lemoing. Du moins ce qui se fait dans le haut de gamme, car il a fallu planter 250 nouveaux ifs et près de 45 000 buis à bordure pour former de nouvelles broderies dignes du paysagiste.
En matière d'organisation, les 4 hectares du chantier ont été clôturés pour que le public ne puisse pas y pénétrer, mais la transparence a été conservée de manière à ce que chacun puisse observer les travaux et juger de leur avancée. L'hiver, particulièrement chaotique, a donné bien des sueurs froides aux responsables : « Les pluies abondantes, le froid et la neige qui se sont succédés nous ont fait prendre du retard, que ce soit pour les terrassements ou les plantations, mais nous avons réussi à tenir les délais en organisant, à certains moments, des opérations de grande envergure. Le 6 avril, par exemple, 50 jardiniers étaient présents pour finaliser l'ensemble des plantations de buis sur le parterre haut ! », relate Christian Lemoing.
Réaliser des aménagements de buis en plaçant un pied tous les 20 cm relève de la précision. L'entreprise Robert, à qui les travaux ont été confiés, a afin de régler l'emplacement et l'altimétrie des 5 000 piquets nécessaires aux deux broderies du parterre haut. « Un exercice pharaonique qui a duré deux mois », précise Christian Lemoing. Et a permis de se plonger plus de 300 ans en arrière, quand le paysagiste dirigeait les travaux en utilisant quadrillages et cordeaux ! Une action similaire a dû être menée au sein du parterre bas pour installer non pas des buis mais des voliges métalliques (4 km linéaires en tout) permettant de figer 5 km linéaires de séparation entre volutes de gazon et allées de stabilisé.
La détection d'une maladie propre aux buis a perturbé la fourniture des végétaux. Il était prévu d'en acheter 70 000, des sujets de quatre ans en provenance des Pays-Bas. Mais à deux semaines de la livraison, les services sanitaires néerlandais ont interdit au producteur d'expédier ses plantes, porteuses de Cylindrocladium buxicola. « En quinze jours, nous avons dû chercher un autre fournisseur, plus au nord, là où ce champignon parasite n'est pas présent », raconte Thierry Martin, chef du service du patrimoine végétal. « Nous avons trouvé, auprès des pépinières Van den Berk, des sujets plus âgés. Du coup, nous n'en avons mis que cinq au mètre linéaire au lieu de sept. » Les problèmes sanitaires restent d'ailleurs préoccupants pour le gestionnaire du site : « Nous n'avons jamais été confrontés à cette maladie ici, mais il n'est pas exclu qu'elle survienne. Nous surveillerons donc attentivement les bordures et ferons faire une expertise tous les deux ou trois ans. D'autant que le parc est en gestion écologique, labellisé par Ecocert, et que nous ne pouvons pas intervenir chimiquement. Aujourd'hui, l'ensemble des buis est sous haute surveillance. La Fredon procède à des prélèvements réguliers », poursuit Christian Lemoing. Par contre, aucun problème n'a été rencontré pour les ifs. Produits par les Pépinières charentaises, pas moins de 250 sujets mono-axés, destinés à être taillés selon trois ou quatre formes différentes, ont été livrés en 150/175.
Quinze personnes travaillent sur le site, mais quid de l'avenir de son entretien ? « Notre objectif consiste à ne pas augmenter les dépenses par rapport à ce qui se pratiquait. À savoir une large part de fleurissement (achat et plantation de 70 000 plantes comprenant bulbes, bisannuelles et annuelles), de la taille de buis, et beaucoup de tonte de pelouse. Cela générait des coûts d'achat de végétaux et d'entretien pour les massifs. Désormais, il y aura les buis et les ifs à tailler une fois par an (les jardiniers utiliseront des gabarits en aluminium pour ces opérations), du gazon à tondre et des travaux de désherbage. Le budget devrait être équilibré », indique le maître d'ouvrage.
Sur le chantier, un cheval a été utilisé, en particulier pour transporter les plantes. Un second animal est arrivé à la fin du mois de juin. Attelé à une tondeuse hélicoïdale, il intervient sur une grande partie du parc. Une manière supplémentaire de se mettre en phase avec les attentes du public et de replacer le site dans sa dimension historique.
Pascal Fayolle
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