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" Optimiser la conception et la gestion des massifs d'arbustes "

Pierre Héry : « Pour optimiser la charge d'entretien, limiter les risques phytosanitaires et favoriser la biodiversité, nous avons souhaité restreindre l'usage des massifs monospécifiques. »PHOTO : YAËL HADDAD

Pierre Héry, coordonnateur du pôle expertise et référent plantation au sein du service Ingénierie de l'espace public de la métropole et de la ville d'Orléans (45), a contribué à la formalisation de documents visant la cohérence des aménagements et l'optimisation de leur gestion. Zoom sur le volet des arbustes, trop souvent négligés alors qu'ils constituent une lourde charge d'entretien pour les collectivités.

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À Orléans, comme dans la plupart des collectivités, l'entretien des massifs arbustifs impacte fortement le planning des équipes de jardiniers, mais ces espaces diversifient et enrichissent la présence végétale. « La gestion des arbustes représente un tiers de la charge de travail global des espaces paysagers, sans compter l'élimination des rémanents de taille dont les volumes constituent 75 % des déchets ligneux et 37 % des produits végétaux (feuilles, tontes, tailles arbres et arbustes). Planter la bonne espèce au bon endroit, associer les plantes dans un massif avec des densités adaptées permet de réduire la fréquence, le type et la durée des interventions, et d'offrir un rendu esthétique supérieur. Les végétaux peuvent exprimer toutes leurs qualités (floraison, fructification, architecture des rameaux...) », souligne Pierre Héry, référent plantation et coordonnateur du pôle expertise au sein du service ingénierie de l'espace public de la métropole et de la ville d'Orléans, l'un des trois services de la direction de l'espace public.

Cette dernière regroupe les compétences voirie, propreté, réseaux et espaces verts depuis 2010, avec une mutualisation ville-agglomération depuis 2015. « Cette réorganisation s'est notamment appuyée sur la volonté d'apporter une plus grande cohérence dans la conception et la gestion des projets. Une nécessité pour parvenir à des aménagements durables et cohérents avec l'image de la ville, adaptés aux usages, conformes aux réglementations et normes en vigueur et pouvant être entretenus dans le respect du code de gestion différenciée », précise Pierre Héry. Partant du constat qu'une implication en phase de conception était indispensable pour répondre à ces ambitions, la direction s'est dotée d'un pôle expertise au sein du service ingénierie de l'espace public. Il permet aux quatre référents techniques (voirie, plantation, réseaux et éclairage) de suivre et d'évaluer la pertinence des projets. Aux différents stades d'une étude, ces derniers valident ou font évoluer le projet, en collaboration avec les responsables du service gestion et en concertation avec les chargés d'opération du service et les aménageurs (maîtrise d'oeuvre externe). Leur avis est incontournable car, pour les plantations, ils auront la charge de l'entretien des aménagements après la période de garantie.

Des cahiers techniques pour guider les aménageurs. Orléans s'est dotée d'un ensemble de cahiers techniques (voirie, éclairage, plantations, réseaux...) qui définissent les prescriptions générales nécessaires à la réalisation des ouvrages en s'appuyant sur l'analyse des réalisations récentes et en intégrant les innovations techniques et environnementales. Ils offrent un cadre pour répondre au plus juste aux attentes de la maîtrise d'ouvrage. L'objectif du cahier dédié aux plantations est de parvenir à des aménagements durables, en lien avec les tendances paysagères présentes dans les divers quartiers, adaptés à l'environnement, aux usages et à l'entretien ultérieur.

Les petits devant, les grands derrière. Concernant plus spécifiquement la composition des massifs d'arbustes - choix et association d'espèces, densité de plantation, modalités de gestion envisagée -, elle doit prendre en compte de multiples paramètres pour permettre un maintien de toutes les qualités paysagères et fonctionnelles de l'aménagement, sans demander un surinvestissement en entretien. Cela implique une analyse des critères environnementaux du site d'implantation (sol, climat, exposition, alimentation hydrique), des contraintes présentes (pression humaine, risque de vandalisme, présence de pollution), du rôle du massif (agrément, écran visuel ou physique, biodiversité...), sans oublier les contraintes pour l'entretien futur (accessibilité, cohabitation avec le stationnement, la circulation des piétons, cyclistes et véhicules...)... « Pour optimiser la charge d'entretien, limiter les risques phytosanitaires, et favoriser la biodiversité, nous avons souhaité restreindre l'usage des massifs monospécifiques ou très structurés, comme les tables de buis, au profit de massifs plurispécifiques et sur plusieurs strates, arbustes bas au premier plan, arbustes hauts derrière, cépées, arbres au coeur du massif. L'utilisation de plantes couvre-sol comme le lierre 'Algerian Bellecour ', le géranium macrorrhizum ou la pervenche acutiloba permet de limiter le développement des plantes spontanées indésirables » en assurant très rapidement une couverture complète du sol dès la fin de la période d'entretien garantie. Autre point qui a son importance pour le rendu esthétique et le respect du massif par les usagers de l'espace public, le soin apporté aux bordures. L'utilisation de plantes basses à feuillage persistant assure au massif un aspect vert toute l'année. Les densités de plantations doivent être définies avec soin : ni trop faibles pour éviter la colonisation des aménagements récents par des adventices, ni trop denses pour limiter les problèmes de concurrence et obliger à des tailles de cohabitation.

À chaque modèle de stationnement son aménagement. Une étude des massifs arbustifs conduite en 2015 par Thomas Schmutz, cabinet d'études Aubépine (Rennes - 35) et Pascal Prieur, BE Arbusticonseils (Allonnes - 72), ainsi que les échanges avec l'association Les Arbusticulteurs, à laquelle Pierre Héry appartient, ont permis d'aboutir à des préconisations précises pour chaque grande typologie. Par exemple, pour les plantations à proximité des cheminements piétons, cyclistes ou voitures, la création, lorsque cela est possible, d'une surlargeur de 0,8 à 1 m au niveau du cheminement facilite la circulation des usagers tout en offrant aux jardiniers la possibilité de laisser certains arbustes s'exprimer plus librement en bordure du passage. L'adaptation au contexte et aux usages s'illustre aussi par l'exemple des aménagements à proximité des zones de stationnement. La configuration de l'espace planté et le choix des espèces doivent permettre aux conducteurs d'ouvrir leur portière aisément et de ne pas abîmer le massif. « Pour les plantations installées en pied d'arbres sur des stationnements longitudinaux, nous avons constaté que la forme de fosse la plus adaptée est une configuration trapézoïdale, car elle limite le recul des véhicules sur la zone plantée. Pour les stationnements en épis ou en bataille, la surface réservée au pied d'arbre ou au massif d'arbustes doit être équivalente à une place de stationnement et être délimitée par une bordure haute. » Il faut également éviter la création de micro-massifs à proximité de voiries, cheminements ou places de stationnement, car ils sont souvent voués à l'échec du fait des risques de piétinements, de passages de véhicule et des volumes de terre limités.

Des principes de garantie des plantations incitatifs. Partant du constat que certaines entreprises considéraient le remplacement de végétaux avant la levée de garantie moins coûteux qu'un suivi soigné pendant toute la période de parachèvement, la ville a décidé de faire évoluer les garanties de reprise. Désormais les CCTP (cahiers des clauses techniques particulières) intègrent le principe du taux d'objectif des plantations. Ce principe consiste à exiger un taux de reprise minimum à la fin de la période d'entretien garantie (2 ans en général). Si ce taux n'est pas atteint (entre 80 et 85 % pour les massifs arbustifs et entre 90 et 95 % pour les arbres), ladite période est prolongée d'une année aux frais de l'entreprise jusqu'à ce que le taux de reprise soit atteint. En outre, les espaces plantés trop envahis par les adventices devront être entièrement repris par l'entreprise. Les constats de reprise réalisés en septembre de chaque année permettent de vérifier le bon développement des plantations. Enfin, le service gestion de la direction de l'espace public dispose des plannings mensuels d'intervention des entreprises durant la période d'entretien garantie et peut ainsi s'assurer d'une fréquence de huit passages par an minimum.

Le coût global pour sensibiliser les élus sur les coûts de gestion. « En phase d'arbitrage pour retenir un projet plutôt qu'un autre, il est parfois complexe d'argumenter auprès des élus sur l'impact de ce choix sur les coûts différés, et notamment ceux d'entretien. La mise en place d'une démarche de coût global constitue un bon moyen de sensibilisation, un outil pour réaliser des aménagements pérennes et maîtriser les budgets de fonctionnement dans un contexte contraint », souligne Pierre Héry. Le coût global correspond à l'ensemble des coûts engendrés durant la durée de vie d'un aménagement (estimée à 30 ans pour un espace public) par la conception (études), la réalisation (travaux de création), la maintenance et les réparations, l'entretien (y compris les moyens matériels), le fonctionnement (consommation, recyclage...), le renouvellement. Cette démarche s'intègre à tous les stades d'un projet, en phase de programmation pour préciser le niveau de gestion attendu, lors de l'avant-projet pour chiffrer les options proposées, à la remise de l'aménagement pour évaluer les coûts réels de l'entretien. Le calcul des coûts s'appuie sur des tableaux Excel qui contiennent des formules préétablies permettant de calculer automatiquement les coûts d'entretien en fonction du niveau de gestion et des surfaces.

« Auparavant, la direction de l'espace public récupérait la gestion d'aménagements qui n'étaient pas toujours bien adaptés au contexte et aux usages, avec pour conséquences des difficultés d'entretien et un réinvestissement pour les modifier après quelques années. La mise en place de ces différents outils, cahiers techniques, démarche coût global... a permis de limiter ces difficultés et de faciliter le dialogue entre concepteurs et futurs gestionnaires bien en amont de la réalisation des travaux d'aménagement », conclut Pierre Héry.

Yaël Haddad

L'aménagement récent de ce square illustre à la fois l'usage de couvre-sol pour limiter l'apparition des adventices, l'intérêt d'une diversification des espèces arbustives et le principe « petits devant et grands derrière ».

PHOTO : YAËL HADDAD

Pour éviter le piétinement des pieds d'arbustes au sein des zones de stationnement, la création d'un espace « passe-pieds » offre une solution efficace.

PHOTO : P. HÉRY, ORLÉANS

Cet aménagement souligne l'inadaptation de la conception du massif au contexte. Preuve en est, le piétinement des arbustes devant l'accès au bâtiment.

PHOTO : P. HÉRY, ORLÉANS

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