" Produire et innover avec passion po ur séduire les clients "

Les passions sont-elles inscrites dans les gènes ? On pourrait bien y croire. Et peut-être même que ce sont elles qui assurent la pérennité des entreprises. Quoiqu'il en soit, l'histoire des pépinières Travers, spécialiste français reconnu des clématites, n'en finit pas de raconter la saga des belles accrocheuses. Comme un enfant de la balle, Arnaud Travers, cinquième génération de pépiniéristes et actuel gérant, s'amuse dès son plus jeune âge dans l'exploitation de Saint-Cyr-en-Val (45), créée par son aïeul Alexandre Travers en 1870. Ce jardinier commerçant cultive alors vigne, légumes et quelques plants de clématites. Une curiosité à l'époque dont la production va prendre de l'ampleur, en 1902, avec l'arrivée d'Aristide, le fils. Il construit les premières serres de multiplication, développe la pépinière et ajoute des fruitiers et des rosiers à la palette des plantes grimpantes, déjà bien étoffée. Lorsqu'à son tour, son propre fils, Raymond, rejoint l'entreprise en 1924, il ne sait pas encore que la guerre le fera revenir au maraîchage. Toutefois, la collection de pieds-mères de clématites est soigneusement maintenue. Le conflit achevé, l'amour des fleurs reprend le dessus et Raymond se consacre entièrement à l'activité de pépiniériste. Il étend la production sur 10 ha et porte les ventes au niveau national. C'est son fils, Bernard, qui ouvre, à partir de 1965, la société sur l'export avec 23 ha de productions et 40 employés.

La passion des clématites. Quand Arnaud Travers rejoint son père en 1987, il n'a de cesse de développer sa propre collection. La passion le dévore ! Il faut dire que l'homme sait ce qu'il veut depuis qu'une conseillère d'orientation le destine à l'usine. Impensable. « J'ai fait un bac technique pour comprendre les choses mais pas pour être enfermé. Je veux travailler dehors, à la pépinière », s'exclame-t-il devant son père. À l'époque déjà, Arnaud est tout sauf raisonnable avec ses belles protégées. Il fait construire 11 000 m² de multi-chapelles avec aération et irrigation automatisées. Il y accueille ses trouvailles, venues de partout ou fruit de son travail d'obtenteur. En 2002, la collection est reconnue nationale par le Conservatoire des collections végétales spécialisées (CCVS). Trois ans après, il rajoute 5 000 m², puis de nouveau 5 000 m² quand, 1 ha de hors-sol et 18 tunnels plus tard, en 2011, il regroupe toute la production sur un seul site. La modeste liane confidentielle de 1870 est devenue la star incontestée. À tel point que l'entreprise cultive plus de 350 variétés et taxons, dont certaines, trop « spéciales », ne se vendent pas ! Il faut donc trouver une solution pour assurer la survie de cette collection. Poussé par les exigences du CCVS pour l'agrément de la collection, Arnaud noue un partenariat avec l'arboretum des Prés Culands, à Meung-sur-Loire (45). La collection de clématites y est désormais plantée en pleine terre et ouverte au public. Toutes les variétés, des plus anciennes, souvent réservées aux botanistes chevronnés, jusqu'aux nouvelles obtentions, sont à l'abri. Ainsi, avec une gamme variétale resserrée, les pépinières Travers se concentrent sur leurs performances commerciales, avec des produits innovants et rentables.

Une production organisée. Le site de production est donc rationalisé quand Mathieu Travers rejoint son père en 2013. Pour lui aussi, la pépinière est son terrain de jeu. Toutefois, Arnaud veille à ce que son fils reste libre de ses choix. Cependant, après des études de commerce et de management, pour lui aussi, l'appel du végétal est le plus fort. Aujourd'hui responsable commercial et comptes clés, Mathieu respecte, avec son équipe, des objectifs de vente mensuels très précis, par variété et par conditionnement. Le schéma de culture, lui, est généré par un tableau conçu en interne. Il calcule les différentes quantités à produire d'avril à juin. En effet, chez Travers, le mot d'ordre est : organisation. Car une grimpante trop jeune ou trop avancée n'est pas vendable ; elle doit s'épanouir chez les clients.

Pas de forçage, mais au contraire de l'endurcissement. Le process démarre dans les serres de multiplication. Les plantes sont mises en couveuse sous voile, puis rempotées pour s'endurcir dans les seize chapelles autonomes en aération, irrigation, chauffage, ventilation et brumisation. À ce stade, pour gagner en efficacité, les plantes ne bougent pas, mais les équipes oui. Ensuite, elles passent en pépinière de production, au sol entièrement étanchéifié. « Les serres de production sont automatisées, non chauffées et s'ouvrent à partir de - 2 °C. Elles protègent du vent et de la pluie et permettent aux végétaux de se "coriacer". Il n'y a pas de forçage, mais de l'endurcissement », explique Arnaud Travers.

En hiver, c'est la saison des préparations sous tunnels, tous dotés d'allées en plaques de ciment afin de faciliter la manutention et la circulation des transpalettes. Les plantes y sont triées, standardisées et rangées en fonction de leur degré de finition jusqu'à la salle de « picking » où n'arrivent que celles qui sont prêtes pour l'expédition des commandes.

Des innovations variétales primées. Désormais, 650 variétés figurent au catalogue. Clématites, bien sûr, mais aussi grimpantes fruitières, petits fruits et fruitiers, disponibles à la vente au meilleur moment pour les professionnels. Si les pépinières Travers participent à nombre de foires aux plantes, c'est surtout pour présenter les nouveautés. L'entreprise garde ainsi un lien direct avec les consommateurs et reste au plus près des dernières tendances. Ainsi sont nés des innovations marketing, des concepts marchands et de nouveaux axes de recherches pour les introductions variétales.

Mais la commercialisation reste, avant tout, tournée vers les professionnels. Afin de répondre aux besoins des jardineries ou des pépiniéristes revendeurs, avec des plantes de présentation horticoles mais très endurcies, les clématites sont cultivées de 18 à 24 mois. Soit deux rempotages en moyenne depuis la bouture jusqu'à la plante finie. Pas moins de 350 variétés sont proposées du conteneur classique jusqu'à la gamme pour potée fleurie Clématites Success®, dont la dernière, Bleu de Loire 'Tra 39-45' est sortie cet automne. Il en est de même pour les petits fruits, avec la variété de framboisier compact 'Ruby Beauty®' pour balcon ou encore les énormes mûres de Rubus fruticosus 'Black Butte' sur le marché depuis 2015. La même année, le Podium Mobile©, meuble de présentation éco-conçu, voit le jour en même temps que des chromos accompagnés de signalétiques par familles de produits. Pendant ce temps, sont récompensés d'un Innovert d'Or au Salon du végétal, à Angers (49), Campsis Orangeade® 'Tracamp', d'un mérite de Courson, à Courson-Monteloup (91), la clématite Fond Memories® puis, à Chantilly (60), la clématite Octopus® 'Zooct'.

L'avenir se joue en hauteur. En 2016, c'est au tour du Trachelospermum asiaticum 'Pink Showers®' aux fleurs roses parfumées de remporter un Innovert d'Or, un mérite à Chantilly et, pour 2017, le prix Élu par les femmes pour les femmes dans la catégorie innovation végétale tandis que la collection de trois variétés de clématites 'Black Edition' rafle le nouveau Grand prix du jury hommes, tous deux décernés par le Women's Garden Executive Club. Les pépinières Travers mettent également sur le marché le nouvel Hydrangea petiolaris 'Silver Lining®' au feuillage argenté panaché et la clématite 'Kaiser®' (Empereur) aux fleurs mauve toujours doubles. Avec l'augmentation des capacités de production, les choix stratégiques de l'entreprise s'articulent aussi autour du développement des ventes à l'export et du marché du paysage. Grâce à une technique de culture bien rodée, les lierres ou les glycines, par exemple, sont conduits jusqu'à 8 m de hauteur et disponibles en conteneurs de 60 l. Selon les demandes des clients, un nombre exact de branches et des sujets homogènes sont garantis. L'assurance d'un effet immédiat !

Isabelle Cordier