Login

“Un groupe électrogène à gaz pour éclairer mes serres”

Francis Fourmillier, rosiériste varois, a mis en place une cogénération qui assure une bonne partie de ses besoins en chauffage et éclairage, indépendamment des tarifs EDF. Dans le cadre d'un investissement global, ce projet comptait également une serre Venlo et une nouvelle variété de rose, 'Testa Rossa'.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Francis Fourmillier, installé à Hyères, dans le Var, a équipé son entreprise d'un groupe électrogène à gaz pour éclairer ses cultures hors-sol de roses en fleurs coupées. Ce projet a fait partie d'un investissement global, comprenant également la construction d'une serre et la plantation d'une nouvelle variété de rose, 'Testa Rossa'.

« J'ai raisonné et dimensionné le projet dans son ensemble », raconte Francis Fourmillier. « Mon objectif était de pouvoir éclairer les serres sans contraintes et de les chauffer. » Avant 2011, près de la moitié de l'exploitation (6 000 m2) bénéficiait d'un éclairage photosynthétique. Éclairer l'ensemble de l'exploitation nécessite environ 800 kW et, sans le groupe électrogène, Francis Fourmillier aurait été obligé de passer en tarif vert et d'acquérir un transformateur privatif : soit environ 80 000 euros d'installation et des frais d'abonnement relativement élevés. Autre donnée du problème : l'option EJP (effacement des jours de pointe), qui oblige l'horticulteur à être complètement autonome en énergie vingt-deux jours par an (en jours courts de novembre à mars), durant 18 heures par jour (de 7 heures du matin à une heure le lendemain). « Or, c'est en jours courts que les besoins en lumière sont les plus importants. »

« Je ne voulais pas subir ces contraintes, d'où la mise en place du groupe électrogène pour éclairer mes serres avec souplesse. Même s'il est moins performant qu'une chaudière ou qu'une pompe à chaleur. » Le producteur a reçu les conseils de son technicien Philaflor (groupement de producteurs), Christophe Massel, de la chambre d'agriculture du Var, et de son technicien Priva. Il a par ailleurs visité deux entreprises horticoles : « Les dirigeants ont été très transparents et m'ont communiqué leurs chiffres. » Christophe Massel a ensuite réalisé une étude prévisionnelle qui a conclu à un investissement « légèrement rentable ».

Le groupe électrogène de 580 kVA – alimenté par le gaz du réseau – a été installé en juin 2011 à l'occasion du remplacement d'une vieille serre à châssis vitrés Abran par une nouvelle structure de type Venlo de 3 200 m2. L'électricité produite permet l'éclairage photosynthétique d'une partie des serres (8 000 m²), tandis que l'eau chaude générée en parallèle sert pour le chauffage de l'ensemble des structures. Le dispositif (Guascor, groupe Fauché Électro Diesel) fonctionne comme une cogénération privée, non reliée au réseau EDF (pas de revente d'électricité). Environ 80 % des besoins en chauffage de l'exploitation sont satisfaits par la cogénération. Les 20 % restants sont comblés par une chaudière équipée d'un récupérateur de chaleur et de CO2 sur les fumées. Celle-ci tourne en journée pour la production de CO2 qui est destiné à être injecté dans les serres. Une seconde chaudière centrale de moindre puissance est utilisée en secours, en cas de panne de la chaudière principale. Les deux brûleurs sont alimentés par le gaz réseau et marchent le plus souvent à basse allure, ce qui permet d'optimiser le rendement thermique des chaudières. Ces dernières assurent, par ailleurs, la production d'eau chaude pour la déshumidification (en l'absence d'éclairage), de septembre jusqu'à la fête des Mères. Le chauffage « pur » est nécessaire de novembre à mi-avril. L'eau chaude, qu'elle soit issue de la chaudière ou de la cogénération, est systématiquement stockée dans deux bâches tampon d'un volume respectif de 100 et 120 m3 selon le système open buffer (*), à une température d'environ 85 °C. La chaleur est utilisée selon les besoins, à l'aide d'un réseau de tuyaux de chauffage haute température, mis en place autour des banquettes : la température de fonctionnement des tuyaux est comprise généralement entre 35 et 50 °C, mais le réseau permet de monter jusqu'à 65 °C si nécessaire.

Les 11 200 m2 de serres sont éclairés en période de nuit principalement, et occasionnellement par temps nuageux (4 500 à 5 500 lux). La puissance électrique installée est comprise entre 50 et 60 W/m2. Par exemple, la saison 2012-2013, du 21 octobre au 7 mars, a nécessité 1 300 heures de durée d'éclairage (principalement en jours courts et jours couverts). Si les deux tiers sont éclairés grâce au groupe électrogène, un groupe de serres de 3 300 m2 reste éclairé volontairement avec l'électricité du réseau EDF, pour permettre d'optimiser la cogénération ; en période EJP, ce groupe n'est éclairé qu'entre 1 heure et 7 heures du matin. « Si la cogénération avait été installée pour l'ensemble de l'exploitation, elle aurait fourni trop d'eau chaude », explique l'horticulteur. « Un groupe électrogène de 800 kVA aurait fourni un tiers d'eau chaude en plus : plus que mes besoins actuels en chauffage. Cela aurait entraîné la nécessité de déstocker cette eau chaude et n'aurait pas permis de rentabiliser l'investissement. »

En période de chauffe, Francis Fourmillier essaie de garder les serres fermées, ce qui lui permet d'appliquer l'intégration des températures en journée et d'enrichir l'air de la serre en CO2 (entre 400 ppm et 1 500 ppm). Dans sa gestion climatique, les consignes de chauffage sont fixées à 15 °C de minimum et les températures de ventilation sont voisines des 26-27 °C maximum. « Nous travaillons avec des moyennes sur 24 heures d'environ 18,5-19,5 °C maximum, maintenues grâce à l'eau chaude stockée, à l'énergie apportée par le rayonnement solaire, mais aussi à l'éclairage photosynthétique qui apporte 2,5 à 3 °C supplémentaires. » La totalité des serres possède des écrans thermiques et d'ombrage.

« Tout est géré informatiquement à l'aide d'un logiciel Priva, avec un contrôle à distance possible par PC ou par téléphone. L'ensemble de la gestion climatique est sous alarme : une alerte bénigne est levée à distance. En cas d'alerte grave – par exemple, la cogénération qui se met en sécurité –, il faut intervenir rapidement. » C'est pourquoi la proximité des techniciens a conditionné le choix des matériels par l'horticulteur : à Aix-en-Provence pour la cogénération, à Toulon pour Priva... « Cet hiver, il y a eu une coupure d'électricité de 6 heures. Heureusement que j'avais le groupe électrogène au gaz et aussi le groupe Diesel. »

En effet, un second groupe électrogène au fioul de 60 kW sert à satisfaire les besoins quotidiens des 3 300 m2 alimentés par le réseau EDF de l'entreprise en période EJP. Il constitue également une alimentation de secours pour les moteurs, machines et l'éclairage des locaux.

« Grâce au groupe électrogène à gaz, j'éclaire plus longtemps, je travaille plus facilement et avec plus de souplesse », résume Francis Fourmillier. La gestion du climat de ses serres permet à l'horticulteur d'obtenir une production plus linéaire (autant en hiver qu'au printemps), donc une charge de travail mieux répartie. Les employés ont un contrat à 35 heures avec un temps de travail annualisé (le matin en été avec 31 heures par semaine). Les inconvénients que le rosiériste peut citer : les soucis mécaniques (rodage la première année) et les frais de maintenance (5 000 euros par an) ; l'installation n'offre pas le confort du réseau EDF.

L'ensemble du projet a coûté environ 600 000 euros (serres amorties sur dix ans ; matériel amorti sur cinq ans). L'horticulteur a bénéficié de subventions (circulaire serre FranceAgriMer, conseil général et conseil régional) à hauteur de 30 % de l'investissement pour la serre Venlo, le groupe électrogène (160 000 euros d'investissement) et une petite partie de l'éclairage. Les plantations ont été subventionnées dans le cadre du plan de relance pour la fleur coupée.

Aujourd'hui, les dépenses annuelles de Francis Fourmillier s'élèvent à :

– environ 1 760 euros pour 2 200 litres de fioul domestique en moyenne pour le groupe électrogène (100 litres par jour sur vingt-deux jours EJP) ;

– environ 15 000 euros de frais EDF permettant d'éclairer la serre de 3 300 m2 pendant 1 200 heures ;

– 114 000 euros, de septembre 2011 à mai 2012, de frais de gaz pour la cogénération (1,7 GWh) et les chaudières ;

– et environ 8 000 euros par an de facture d'électricité pour l'exploitation (moteurs, éclairage des locaux...).

« Si j'avais fait le choix du réseau électrique pour l'éclairage photosynthétique, cela m'aurait coûté environ 7,50 euros par mètre carré en consommation de gaz pour le chauffage et 4,50 euros par mètre carré pour l'éclairage, soit 12 euros par mètre carré (134 400 euros pour les 11 200 m2). Avec la cogénération, les frais s'élèvent à 129 000 euros (114 000 + 15 000), soit à peu près le même chiffre, mais pour une durée d'éclairage plus longue (+ 100 heures) et optimisée en termes d'accompagnement du cycle végétatif. »

Valérie Vidril

(*) Gestion de chaufferie permettant de découpler la production de chaleur de la chaudière et les besoins de chaleur des serres, satisfaits par la distribution d'eau chaude issue du ballon de stockage.

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement