" Faire constamment évoluer nos méthodes de gestion "
Élue en 2014, la nouvelle municipalité de Grenoble (38) affiche une politique environnementale et sociale ambitieuse. Végétalisation, biodiversité, pollutions : ses objectifs viennent confirmer et renforcer les orientations prises ces vingt dernières années par le service des espaces verts comme la gestion différenciée, la suppression des produits phytosanitaires, la volonté de limiter l'empreinte carbone liée à l'entretien.
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Depuis vingt ans, la démarche environnementale de la ville de Grenoble s'accompagnait déjà très largement d'une dimension sociale : bien-être des habitants et santé des agents. Dès la fin des années 1990, ces derniers ont suivi des formations spécifiques en vue d'une meilleure utilisation et d'une réduction progressive des produits phytosanitaires (demande d'agrément d'applicateur phytosanitaire dès la mise en place de la réglementation). La démarche « zéro phyto », adoptée en 2006 et aujourd'hui effective sur l'ensemble des espaces verts, voiries et les deux cimetières gérés par le service des espaces verts, s'est mise en place parallèlement à la gestion différenciée. Celle-ci distingue quatre niveaux d'entretien : ornemental, classique, semi-naturel et naturel. La ville a souhaité ne pas privilégier ou délaisser certains quartiers. Chacun des six secteurs administratifs est géré en respectant ces différents niveaux d'entretien. Ainsi, les zones « naturelles ou semi naturelles » ne se retrouvent pas uniquement en périphérie. Le parc Mistral, en plein centre, comprend aussi des zones fauchées une à deux fois par an. De même, les zones ornementales sont présentes sur tous les secteurs, y compris dans les quartiers défavorisés et périphériques à partir desquels le fleurissement s'était développé à la fin des années 80.
L'herbe est mieux acceptée
« Si les habitants se sont posés beaucoup de questions au départ, cette gestion est à présent relativement bien comprise, explique Jean-Claude Rebuffet, directeur du service des espaces verts (SEV). La présence d'herbe sur les sols stabilisés ou au pied des arbres est acceptée sauf dans les cimetières. Des cimetières où on laisse se développer des espaces enherbés, cela est assimilé par beaucoup à un manque de respect pour les défunts. L'information et la communication sont encore insuffisantes, car beaucoup pensent que la ville veut faire des économies alors que la mise en oeuvre des techniques alternatives, avec beaucoup d'interventions manuelles et mécaniques, coûte beaucoup plus cher que le chimique et nécessite le recours à des équipes d'insertion en soutien. Sur les deux cimetières gérés par le service des espaces verts, les allées représentent des surfaces importantes, près de 4 hectares en stabilisé et 4,5 en enrobé. Nous avons obtenu une aide financière de l'Agence de l'eau pour l'achat de matériel spécifique (1), le désherbage mécanique, à eau chaude, des balayeuses, ainsi que pour la reprise et l'aménagement des concessions abandonnées. » Celles-ci, autrefois traitées chimiquement en même temps que les allées, sont végétalisées : plantations sur paillage ou prairies fleuries. Les élus ont confirmé ces orientations et assument pleinement ces choix. Pour les cimetières, un diagnostic confié à un bureau d'études comprenant urbaniste et paysagiste, est en cours pour mieux cerner les attentes, améliorer l'information et proposer des aménagements.
Une progression de la biodiversité
L'approche de la biodiversité peut être mise en avant, des observations ayant montré une nette progression des populations de papillons. « Ces éléments nous encouragent à faire constamment évoluer nos méthodes de gestion, poursuit Jean-Claude Rebuffet. Aujourd'hui, en zones naturelles et semi-naturelles, les prairies ne sont plus broyées mais fauchées en préservant des refuges pour respecter au mieux la faune. Nous avons investi dans une barre de coupe et du matériel de fenaison, mais cela nous laisse une grande quantité de fourrage à gérer ; seule une partie est compostée. Le développement de l'écopâturage, voulu par les élus et testé dès l'an passé, peut s'avérer, à terme, complémentaire au fauchage des prairies : moins de surfaces à faucher, nourrissage des animaux en hiver. » Depuis cette année, huit moutons Thônes et Marthod et cinq ânes loués auprès d'agriculteurs, assurent l'entretien, sur trois sites en périphérie et centre-ville. La collecte hippotractée des poubelles publiques est en phase de test, en intégrant un tri sélectif sur les espaces publics. L'étude en cours est menée conjointement avec des étudiants de l'Institut polytechnique et une association de traction hippomobile pour une mise en place dans les prochaines années.
Des arbres à la place des panneaux publicitaires
La volonté de végétaliser la ville (engagement n° 41, voir l'encadré) se traduit par différentes actions entreprises dès l'automne 2014 : plantations sur la voirie, création de jardins de proximité, de jardins partagés, 373 arbres plantés, en grande partie en régie, ce qui est encore loin de l'objectif annuel affiché. « Installer cinq mille nouveaux arbres en six ans est un projet ambitieux. Nous ne pouvons qu'adhérer à une telle perspective, d'autant que le budget prévu semble à la hauteur de ces ambitions : un arbre sur la voirie coûte en moyenne 4 500 euros. Toutefois, techniquement, ce n'est pas si simple de trouver des endroits pour de nouvelles plantations dans une ville aussi dense (la troisième de France) aux sous-sols saturés de réseaux. Il est déjà difficile de maintenir le patrimoine existant. Celui-ci avait même tendance à diminuer de par la densification des constructions, mais aussi parce que le renouvellement des alignements s'opère en réservant souvent des espaces plus importants entre les arbres pour maintenir les appareils d'éclairage de voirie dégagés, et limiter les tailles d'entretien (2). On a vu dès l'hiver dernier la difficulté de trouver de nouveaux espaces sur la voirie, la présence de réseaux souterrains limitant les possibilités de plantation.
La ville ayant décidé de ne pas renouveler les contrats publicitaires avec la société JC Decaux, 291 panneaux ont été démontés. Les élus ont souhaité les remplacer le plus possible par des arbres. Seuls 34 emplacements ont pu être aménagés et pas toujours avec le volume de mélange terre-pierres idéal. De nouvelles plantations sur la voirie, - désormais compétence de la métropole depuis janvier 2015 -, ne pourront se faire qu'en réaménageant ou en supprimant un certain nombre de places de stationnement. »
Co-construire les projets avec les habitants
La volonté de faire participer les habitants à l'aménagement et à l'entretien des espaces verts par le développement des jardins partagés et espaces verts de proximité est un des points forts. « Les projets seront désormais initiés en étroite concertation. Auparavant, on recueillait les attentes des riverains puis nos services ou un bureau d'études extérieur travaillaient pour présenter un dossier cohérent. Aujourd'hui, nous travaillons avec les habitants tout au long du processus d'élaboration, de la conception à la réalisation. Cela demande du temps, à commencer par beaucoup de réunions en soirée. Mais il faut caler les plannings avec les élus si on veut voir aboutir les projets dans l'année. » Il est, entre autres, prévu d'augmenter, sur plusieurs secteurs, l'offre ludique au travers notamment des jeux d'enfants dont le nombre se réduisait progressivement pour des raisons de coût d'entretien (mise aux normes, suivi journalier, dégradations).
La création en 2014-2015 du premier verger collectif sur un espace mis à disposition par la ville va encore plus loin dans l'implication des concitoyens puisque les services techniques ne participent qu'en accompagnement. Les premières réunions ont fait émerger une vingtaine de volontaires chargés de mener le plan d'aménagement, le choix des essences (variétés locales de fruitiers et petits fruits, vivaces), la plantation des arbres, arbustes, plantes condimentaires, légumes, fleurs d'accompagnement, l'entretien. Les services de la ville sont intervenus uniquement sur des parties très techniques (analyse de sol, changement de terre sur des zones polluées, semis de prairies fleuries) et en accompagnement (conseils techniques, visites des pépinières locales, planification des journées de plantation dont une en décembre 2014 suivie par douze bénévoles et une en mars 2015, journée inaugurale en juin). Un technicien du SEV est spécifiquement affecté à ces relations, conseils de jardinage, suivi dans le temps. Le but est de laisser une grande autonomie aux bénévoles qui ont bénéficié de formations sur la taille, en collaboration avec le centre écologique Terre vivante de Mens (38). Sur le même modèle, cinq autres vergers (un par secteur) devraient voir le jour d'ici 2020, trois lieux ont déjà été validés par les élus.
Autre initiative de proximité, l'opération « Jardinons nos rues ». Elle vise à donner aux habitants la possibilité de créer des jardins de rue par des plantations sur la voie publique : au pied des bâtiments, sur les trottoirs ou au pied des arbres en veillant à respecter les normes d'accessibilité (encombrement de la voirie par rapport aux personnes à mobilité réduite). La démarche est entièrement à l'initiative des habitants. Toute personne, groupe d'amis ou de voisins souhaitant entretenir un espace à proximité de son lieu de résidence ou d'activité peut en faire la demande auprès des services de la mairie. Les délais d'instruction sont d'environ trois mois. Un technicien « environnement cadre de vie » centralise les demandes puis fait appel aux services techniques qui étudient la faisabilité, programment les travaux et gèrent les relations avec les jardiniers bénévoles. La ville prend en charge l'aménagement des fosses de plantation ou des jardinières et soutient financièrement les copropriétés pour les travaux sur les façades. L'achat des végétaux reste à la charge des demandeurs.
Claude Thiery
(1) La convention passée avec l'Agence de l'eau portait sur un plan de financement de 3 ans de près de 250 000 euros d'investissement dont 165 000 de subvention. Ont été réalisés : la réfection de 2 500 m² d'allées dégradées, l'acquisition de deux machines de désherbage alternatif pour 80 600 euros, le paillage de 30 concessions.(2) Le choix du « bon arbre au bon endroit » implique que le rayon de son houppier à taille adulte soit inférieur à sa distance de plantation aux façades. Une fois cette dimension déterminée, l'entre-axe est choisi, soit environ 1,3 fois le diamètre.
La ville affiche sa volonté de co-contruire ses projets avec les habitants. Ici, des volontaires plantent des arbustes à petits fruits dans le verger collectif Vallier. PHOTO : CLAUDE THIERY
Les tombes abandonnées étaient auparavant désherbées chimiquement en même temps que les allées. Aujourd'hui, elles sont végétalisées. PHOTO : VILLE DE GRENOBLE
Le développement de l'écopâturage, voulu par la nouvelle municipalité et testé dès l'an passé, peut s'avérer, à terme, complémentaire au fauchage des prairies. PHOTO : VILLE DE GRENOBLE
Sur les 291 panneaux publicitaires qui ont été supprimés sur les trottoirs, seuls 34 ont aujourd'hui pu être remplacés par des arbres. Si la ville veut tenir ses engagements, des places de stationnement vont devoir être sacrifiées. PHOTO : VILLE DE GRENOBLE
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