" Être réactif pour proposer d'autres modes de végétalisation aux villes "
Fabrice Boinard, dirigeant de Citéflor, située à Martillac, près de Bordeaux (33), fait évoluer son concept de végétalisation afin de répondre aux besoins des villes. Dernier-né de l'entreprise, le brevet CityMur®, qui permet de verdir des espaces minéralisés tout en limitant la fréquence d'arrosage, s'enrichit de nouvelles gammes végétales.
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Technicien chez un fournisseur de produits dédiés aux espaces verts pendant treize ans, Fabrice Boinard a vu, il y a une vingtaine d'années, l'essor du fleurissement et en particulier des suspensions. Cette tendance a « boosté » le marché de l'horticulture - avec en parallèle l'expansion des jardineries -, tant les villes ont joué un rôle moteur auprès des particuliers. Surfant sur ce dynamisme du fleurissement urbain, Fabrice Boinard et sa femme Christine ont créé Citéflor en 1999 : l'entreprise, spécialisée dans la végétalisation hors-sol, vend alors aux communes des jardinières et des vasques qu'elle fait fleurir par des horticulteurs. « Nous avons créé le métier de "fleurisseur" », raconte le dirigeant, qui a connu en quelques années une véritable explosion de ses ventes. De quoi créer son propre centre de production et l'agrandir progressivement. Confronté à un autre revirement du fleurissement, l'horticulteur a mis au point un nouveau concept de végétalisation.
« Les premières secousses sont arrivées en 2008-2009 avec les premiers discours sur le développement durable puis les changements de critères de sélection du jury du fleurissement », se rappelle Fabrice Boinard. Le « fleurisseur » qui réalisait 30 % de son chiffre d'affaires par la vente de vasques et jardinières (matériels) voit ce dernier tomber à zéro en deux ans. Il imagine alors les colonnes fleuries : posées au sol, elles ne requièrent qu'un seul arrosage par semaine, soit une fréquence divisée par trois comparée à une suspension, car leur volume est plus important (300 litres). Leur mise en location sauve une première fois l'entreprise. « Il faut être réactif pour proposer de nouveaux modes de végétalisation aux villes qui veulent continuer à fleurir », souligne Fabrice Boinard. Une nécessité tout aussi impérieuse lorsque les effets de la crise économique et administrative se font sentir. « Les agglomérations, en pleine croissance pendant vingt ans, ont été obligées d'économiser 20 à 30 % sur leur budget, en diminuant les équipes, mais aussi les compétences. » En réponse à cette nouvelle donne - diminution des annuelles et des suspensions, hausse des plantes pérennes et de la pression environnementale -, le dirigeant conçoit le CityMur®.
Le CityMur® Urban, proposé depuis 2012, permet l'implantation verticale de plantes afin de créer des garde-corps, des murets et des murs, végétalisés sur les deux faces, sur les côtés et sur le dessus (L 100 x P 28 x H 100 cm). Déplaçable et interchangeable, il est installé pour plusieurs années avec des plantes vivaces, ou pour la saison estivale, hivernale ou printanière. Il peut être livré vide ou planté avec les variétés choisies par le client : annuelles, bisannuelles, vivaces, semi-arbustifs, aromatiques, graminées. « Ce service, qui implique notre responsabilité quant à la réussite du fleurissement, représente 80 % de la demande. » Avec une emprise sur le trottoir de seulement 0,3 m², le CityMur® offre un couvert végétal de 3 m², pour 312 € HT la structure nue. Entre des potelets, un collier antibasculement évite de le renverser. Ce produit peut être adossé à une barrière à l'aide de feuillards. Troisième configuration possible : avec des crochets autoportés pour bloquer la structure au sol. En fin de saison, l'entreprise récupère toutes les structures végétalisées d'annuelles ou de bisannuelles pour les refleurir. Mais si les annuelles représentaient l'essentiel des cultures il y a encore deux ans, la tendance s'est vite inversée, avec aujourd'hui 70 % de vivaces et 30 % d'annuelles en culture.
La société propose depuis 2012 une version « Home » (L 70 x P 15 x H 100 cm) du CityMur® pour jardins, balcons et terrasses, livré planté (350 euros TTC) ou à planter (180 euros TTC). Un site de vente en ligne facilitera prochainement sa commercialisation auprès des particuliers.
Le CityMur® permet de créer un décor instantané, dans un espace minéralisé, avec un entretien réduit. Un géotextile issu du recyclage de l'industrie textile est disposé sur toute la surface verticale (3 m2). Sa combinaison avec un socle réservoir d'eau (28 litres) et un substrat (écorce de pin des landes compostée) pourvu d'agent mouillant et de rétenteur d'eau (280 litres) permet de limiter l'arrosage. Le feutre hydrophile de 5 mm d'épaisseur agit comme une éponge se gorgeant d'eau par l'arrosage ou par les pluies, et la restituant au fur et à mesure du besoin de la plante. « Il offre également une isolation thermique, en réduisant de quelques degrés les écarts de température, en été comme en hiver, et évitant les déperditions d'eau par évaporation durant les fortes chaleurs », ajoute Fabrice Boinard. « Par rapport aux traditionnelles jardinières d'annuelles, les frais d'entretien d'un CityMur® de vivaces sont divisés par 5, et par 10 pour la version dédiée aux plantes de pépinière. » Outre la diminution du nombre d'arrosages, le dirigeant met en avant la baisse de la consommation de carburant, de l'usure des véhicules, de la gêne de la circulation occasionnée, des risques d'accident et de la main-d'oeuvre. « Aucune pollution du sol n'est à noter car le concept reste hors-sol et la fertilisation qui serait lessivée est recueillie dans la réserve d'eau et remonte par le feutre. » Selon Fabrice Boinard, les CityMurs® de vivaces durent cinq à dix ans.
L'entreprise développe une collection, testée en ville depuis deux ans, à Urrugne (64) et Châtillon (92), et qui sera lancée en 2016. Ce modèle, qui ne s'arrose qu'une fois par mois, contient des plantes de pépinière (Hedera, Euonymus, Sedum, graminées, Vinca, Helichrysum...). Autres évolutions : une sélection de plantes dépolluantes, des modules avec des bulbes, des Juniperus, des plants potagers et aromatiques. Côté technique, Citéflor proposera bientôt le CityMur® Urban Box constitué de trois parties intégrées à un même socle, chacun des compartiments (grille + feutre) pouvant être changé (par exemple pour remplacer un compartiment d'annuelles placé entre deux compartiments de vivaces).
« Le CityMur® est un produit 100 % français, y compris les jeunes plants (Mallot, SEG, Graines Voltz », se félicite Fabrice Boinard, qui a reçu en 2012 deux prix de l'innovation (SalonVert, Paysalia). Les ventes de cette innovation, aujourd'hui industrialisée en France, ont été multipliées par quatre entre 2014 et 2015. Elles représentent 30 % du chiffre d'affaires de l'entreprise, le reste étant majoritairement apporté par le fleurissement des jardinières. « Nous espérons inverser la tendance dans les deux ou trois ans. Les villes vont vite prendre conscience que la végétalisation est un enjeu vital de santé publique », soutient Fabrice Boinard, citant en exemple la Ville de Paris et le programme d'Anne Hidalgo de créer d'ici à cinq ans plus de 100 ha de toits et murs végétalisés. Face aux enjeux - réchauffement climatique, pollution de l'air, perte de biodiversité -, l'horticulteur se veut optimiste. « Dans la lutte contre le réchauffement des villes et la pollution, véritable conséquence de l'hyper-urbanisation, l'utilisation du CityMur® contre les garde-corps et les potelets constitue une réponse astucieuse et esthétique. »
Valérie Vidril
Le CityMur® (modèle Urban : L 100 x P 28 x H 100 cm) est constitué de grilles en acier galvanisé à chaud de maille 10 x 10 cm en fil de 5 mm, fixées à un socle étanche en aluminium jouant le rôle de réserve d'eau. Un feutre absorbant se place à l'intérieur. Les quatre pieds permettent le passage d'un transpalette. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
L'entreprise assure la conception des projets (étude, photos de simulation, choix des supports et des végétaux appropriés), la mise en culture, la livraison d'un produit « prêt à fleurir », puis les conseils nécessaires à l'entretien. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
Citéflor développe une nouvelle collection, testée en ville depuis deux ans, à Urrugne (64) et à Châtillon (92), et qui sera lancée en 2016. Il s'agit d'une version végétalisée avec des plantes de pépinière qui n'ont besoin que d'un seul arrosage par mois. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
Bientôt sur le marché, le CityMur® Urban Box est constitué de trois compartiments en feutre pouvant être changés. PHOTO : VALÉRIE VIDRIL
Des murets fleuris ont été installés place d'Erlon à Reims (51). PHOTO : CITÉFLOR
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