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“Offrir aux habitants des espaces végétalisés dont ils prennent soin”

Angers bénéficie d'atouts considérables. Mais « il y a le patrimoine à la base et ce qu'on en fait ensuite », remarque Fanny Maujean, responsable de la direction parcs, jardins et paysages Ville d'Angers et Angers Loire Métropole.

Fanny Maujean, responsable de la direction parcs, jardins et paysages Ville d'Angers et Angers Loire Métropole, conçoit les espaces verts comme des lieux de vie, indispensables au bien-être des habitants, avec le soutien de la municipalité. Petit tour de quelques réalisations de la ville classée par l'Unep (les entreprises du paysage) la plus verte de France.

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Angers a été classé par l'Unep à la première place du palmarès des villes les plus vertes de France. L'évaluation des entreprises du paysage s'appuie sur des critères allant de la part du budget communal dédiée aux aménagements paysagers, à la surface verte dévolue à chaque habitant, en passant par l'existence d'un plan biodiversité ou encore la sensibilisation à l'environnement. Dotée d'un patrimoine horticole important, au sein d'un panorama maillé de cours d'eau et de zones humides, la ville bénéficie d'atouts de valeur. Loin de se cantonner à ces acquis, elle maintient son positionnement au prix d'efforts budgétaires, mais aussi d'une volonté politique affichée et d'une recherche constante d'innovation dans la végétalisation urbaine. Car pour Fanny Maujean, les espaces verts ne sont pas que décoratifs, ce sont des biens publics, facteurs de bien-être, de lien social, indispensables au confort de vie des habitants. « Les nouveaux usages entraînent de nouveaux paysages », souligne-t-elle. Cet objectif de gestion des aménagements paysagers pour répondre aux attentes des Angevins, elle doit le réaliser dans un souci de préservation de l'environnement et... d'économie.

De nouveaux espaces végétalisés - façades, toitures, trames vertes, pied des murs... - s'ajoutent aux traditionnels parcs et jardins, alignements d'arbres et massifs fleuris, et ce, quitte à grignoter un peu le bitume ! La ville d'Angers propose ainsi la mise à disposition de petits espaces du domaine public au droit des murs. La direction parcs, jardins et paysages d'Angers attribue l'autorisation de plantation au demandeur après une étude de faisabilité (passage minimum de 1,40 m sur trottoir, réseaux...). La ville aide l'habitant à réaliser son mini-jardin, en découpant l'enrobé, préparant la fosse de plantation, fournissant les végétaux, apportant des conseils. Le demandeur doit ensuite entretenir ses plantations. Soixante-dix mini-jardins ont été réalisés depuis 2010, pour un coût d'environ 20 000 euros par an. Pots plantés d'arbres, structures supportant des plantes grimpantes permettent aussi d'amener des végétaux dans un espace très minéralisé.

Les cimetières constituent un autre défide végétalisation. Traditionnellement dédiés au granit et au marbre, enclavés en coeur de ville, ils sont également des lieux de promenade et de recueillement pour le public, qui ne doit pas être exposé aux produits phytosanitaires. Pour limiter ces derniers tout en verdissant le site, Fanny Maujean a choisi l'engazonnement. Quant aux hauts murs d'enceinte, ils sont désormais le support de diverses plantes grimpantes (rosiers...).

Exemples même d'espaces verts créateurs de lien social, les jardins familiaux et ceux de pied d'immeubles sont mis à la disposition des habitants ou d'associations. Le service des espaces verts (SEV) ne se contente pas de prêter les terrains, il aménage les parcelles (récupération des eaux de pluie, toilettes sèches, cabanes à outils, composteurs...), apporte un appui technique (gestion des déchets, protection biologique...), s'assure du bon entretien paysager des terrains (mise en place de charte...), initie aux bonnes pratiques (compostage...). Situés en bas des immeubles d'habitat social, les jardins mis en place pour et avec les habitants leur permettent de s'approprier leur quartier, et d'en faire un lieu de vie animé et convivial. L'implication de tous est nécessaire pour répondre aux besoins réels des occupants, et éviter vandalisme ou désaffection. « L'objectif du service des espaces verts est de permettre aux habitants d'accéder à des espaces végétalisés dont ils prennent soin eux-mêmes. Notre rôle est de les accompagner », commente la responsable.

Le SEV a beaucoup travaillé avec la direction de l'urbanisme, notamment sur l'évolution de l'offre en espaces verts. Aujourd'hui, la ville en compte à peu près un à moins de 300 m pour chaque habitant, et elle est en train de « combler les trous ». Le parc Desjardins, aussi appelé le « parc habité », en centre-ville, est une ancienne caserne militaire transformée en écoquartier en 2005. Le parc central de 2 ha apporte désormais le poumon vert qui manquait au quartier. Ici, les espaces verts se confondent entre domaines publics et privés, les toits sont végétalisés, la vaste pelouse accueille les jeux de ballon des plus jeunes et les pique-niques, les vélos d'enfants circulent dans les allées... Dans le même esprit d'intégration, le plateau Capucins-Mayenne, dans le nord de la ville, fait l'objet depuis plusieurs années d'un vaste chantier d'urbanisation, orchestré pour Mayenne, par le paysagiste et urbaniste Thierry Huau, également concepteur du parc de loisirs Terra Botanica, et pour Capucins par le cabinet d'architectes Castro Denissof. Les jardins familiaux n'ont pas été oubliés. Quant au tramway mis en place en 2011, il offre lui aussi une source de végétalisation : sur les 12 km de voies, 9 km sont engazonnés.

Pour diminuer les traitements phytosanitaires et favoriser la biodiversité, Fanny Maujean a recours à la « transformation d'espaces ». L'idée est de ne pas laisser de place aux adventices. Pour y parvenir, le SEV intervient sur la densité de plantation, le paillage du sol, la végétalisation des espaces ouverts (cimetières, pied des arbres...). « Si nous avions maintenu le paysage en l'état, il aurait fallu recruter 20 jardiniers supplémentaires pour maintenir le zéro phyto », assure l'ingénieur. Chaque année, cette transformation représente un investissement de 150 000 euros pour 20 sites transformés. « Le zéro phyto est une contrainte que nous devons transformer en une opportunité d'acquérir de nouveaux savoir-faire, relève Fanny Maujean. Les équipes disposent de zones d'essai, avec le droit d'expérimenter... et de rater. » Pour le désherbage, le SEV a recours à différentes solutions : thermique à flamme limité à de petites surfaces ; mécanique pour les allées à granulométrie fine ; manuel, régulièrement utilisé. Les espaces sont classés en trois niveaux de tolérance aux adventices, et le public est sensibilisé à l'acceptation de la flore spontanée.

Cette communication participe à l'intégration de la biodiversité en ville, tout comme les mélanges de plantes mellifères au pied des arbres afin de favoriser les auxiliaires.

La diversité s'exprime aussi par la multiplicité des essences d'arbres (platanes, érables, tilleuls, charmes, chênes, liquidambars, robiniers, Prunus, Gleditsia, frênes, magnolias...). « Le paysage ne se limite pas aux annuelles et bisannuelles, il s'étend du bulbe jusqu'à l'arbre. » Les alignements monospécifiques cèdent progressivement la place aux plantations « irrégulières » : un tilleul avoisine un magnolia, une dizaine de mètres plus loin se dresse un érable... « Nous travaillons beaucoup sur l'arbre de bonne dimension, à la bonne place. Et nous savons aussi ne pas planter. » Quant à la flore locale, « nous essayons de travailler sur une gamme végétale indigène dans les espaces moins horticoles. »

Dernière innovation en date du SEV, la rédaction de fiches techniques par unité paysagère. À travers l'élaboration de ces documents, il s'agit de fournir un ensemble de critères à respecter en termes de hauteur, de feuillage, de texture, de recouvrement du sol, etc. pour chaque usage d'espace vert, par exemple, pour un massif perçu « à grande vitesse » (terre-pleins centraux des deux fois deux voies). Le responsable de l'aménagement dispose d'outils pour créer une « ambiance » en fonction de l'utilisation du site, sans être limité par des exigences de métrage parfois impossibles à appliquer sur le terrain. Disposant d'une relative souplesse de création, il peut adapter l'aménagement aux contraintes du lieu. « Nous avons défini des unités paysagères de la ville en relation avec la vitesse de découverte de ces espaces qui induit une certaine lecture du paysage », précise Fanny Maujean. Tous ces efforts permettent à Angers de bénéficier d'une reconnaissance régionale et nationale de ses savoir-faire, avec en conséquence, un rayonnement de la ville au sens large. « Nous recevons plus de 2 000 visiteurs professionnels par an (collectivités, entreprises, écoles...) : c'est notre rôle d'expliquer. »

Valérie Vidril

Ces grands pots plantés d'arbres permettent de végétaliser la rue, et de mettre en valeur le bâti en incorporant des éléments à l'échelle du paysage.

Les sombres murs du cimetière de l'Est se couvrent de fleurs au printemps grâce aux rosiers grimpants plantés au pied de cette enceinte.

Dans le cimetière de l'Est, l'engazonnement, même s'il nécessite des tontes, est préféré aux zones dévitalisées à renfort de désherbants totaux.

L'ancienne plaine de jeux Gagarine, au sein de la Roseraie, a été intégralement repensée avec le pari de faire du multi-usage et de l'intergénérationnel. Le jardin de pied d'immeubles a été mis en place avec la régie de quartier (une association d'insertion) qui le gère. Il est composé d'une parcelle collective et de plusieurs parcelles individuelles.

Dans le « parc habité » Desjardins, les immeubles collectifs cèdent le pas aux logements individuels. La signalétique a été créée avec les habitants à partir d'un cahier des charges, pour éviter les conflits d'usage.

Les espaces ouverts, comme le pied des arbres aux abords de la gare, sont plantés pour ne pas avoir à désherber.

Les alignements monospécifiques (composés de platanes) laissent progressivement la place aux plantations « irrégulières » : ici un tilleul, puis un érable, un magnolia...

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