“Le label EVE nous permet de progresser dans notre démarche écologique”
Nicolas Boehm est ingénieur paysagiste chargé de l'animation et de la gestion des jardins passagers à la Villette (Paris). Depuis 2009, le responsable des lieux et sa petite équipe se sont lancés dans la démarche de labellisation EVE, espace vert écologique. Délivrée par Écocert, elle constitue un outil de gestion écologique exigeant.
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Les jardins passagers ont été créés en 2001, à la suite de l'exposition Le Jardin planétaire, organisée dans la grande halle de la Villette, en 2000, sous la houlette du paysagiste Gilles Clément. Elle avait pour vocation de sensibiliser le grand public aux nouveaux enjeux écologiques et environnementaux du XXIe siècle. Ces jardins sont nés de la volonté de prolonger cette sensibilisation par des actions à vocation culturelle, pédagogique et sociale tout au long de l'année. Ils ont été aménagés sur une parcelle de 2 000 m², dans un secteur du parc encore en friche. En 2011, une extension de 1 000 m² a vu le jour. « Cet agrandissement conforte la dynamique du parc de la Villette vis-à-vis des questions liées à l'écologie urbaine », explique Nicolas Boehm, chargé de l'animation et de la gestion des lieux. « Celui-ci a fait de l'écoresponsabilité un axe majeur de sa politique d'entretien, de rénovation et d'aménagement des espaces bâtis et paysagers, mais aussi de sa politique sociale. La démocratisation de la culture est un enjeu majeur pour l'Établissement public du parc et de la grande halle de la Villette (EPPGHV), et les jardins passagers s'inscrivent dans cette démarche en intégrant leurs actions dans une dimension artistique, pédagogique et sociale en direction de tous les publics et notamment des plus défavorisés. »
La partie « ancienne » des jardins est composée de dix-sept jardinières géantes installées sur le sol bétonné tel qu'il existait à l'époque de l'ancienne halle aux moutons, lorsque le site accueillait le marché aux bestiaux des grands abattoirs de Paris. Chaque parcelle abrite un potager et est attribuée pour une année à un groupe de jardiniers apprentis, élèves de classe de primaire ou de collège, adultes en formation, centres de loisirs, centres sociaux... Le travail se fait selon une démarche de jardinage biologique dans le respect du cycle des saisons, de la faune auxiliaire et même des plantes vagabondes. « Nous restons fidèles à l'esprit du jardin en mouvement qui a guidé la création de ce lieu », poursuit Nicolas Boehm. On trouve sur ce secteur d'autres espaces qui permettent d'aborder différents types de milieux avec, à l'entrée du jardin, le secteur de la flore de friche, derrière les jardinières et le clos des rosacées, en extrémité de parcelle, le bosquet des plantes pionnières et le rucher. Dans l'extension, l'aménagement a pu être réalisé entièrement en pleine terre, avec un jardin sec, des parcelles potagères individuelles gérées par Les Petits Pois de la Villette, une association de jardiniers habitant le quartier, une zone humide, un verger conservatoire et une haie champêtre. Un mur en pierres sèches, réalisé dans le cadre d'un chantier-école avec l'École du Breuil, marque le passage entre l'ancien et le nouveau jardin. Une attention particulière a été portée à l'accessibilité de cet espace, notamment au niveau des circulations et du mobilier. Certaines parcelles potagères ont été surélevées et aménagées pour les personnes en fauteuil roulant. En 2012, des travaux sont programmés sur le secteur d'origine des jardins passagers afin d'en améliorer également l'accès aux personnes en situation de handicap.
L'idée de se lancer dans une démarche de labellisation est née en 2009 avec une première validation en 2010 pour la partie ancienne et 2011 pour le nouveau secteur. « La labellisation EVE, espace vert écologique, délivrée par Écocert, constitue un outil pour nous faire progresser dans notre démarche de gestion écologique du site, mais aussi pour acquérir une meilleure lisibilité vis-à-vis de l'extérieur. Il s'agit, pour le parc de la Villette, de mieux faire connaître ses actions auprès du public, mais aussi de sa tutelle, le ministère de la Culture », explique Nicolas Boehm.
Pour chaque thème du référentiel (paysage, biodiversité, eau, sol, déchets, matériels/matériaux et produits, aspects sociaux et humains...), Écocert définit une hiérarchisation des critères à atteindre, lesquels revêtent un caractère soit obligatoire, soit incitatif. Certains, obligatoires, ont une échéance immédiate et peuvent remettre en question la validation de l'audit.
D'autres ont une échéance plus lointaine. Des pistes de réflexion peuvent être proposées par l'auditeur pour améliorer les pratiques. Les critères obligatoires pour atteindre le premier niveau de labellisation sont :
- l'absence d'usage de produits de synthèse non utilisables en agriculture biologique, de produits phytopharmaceutiques, d'engrais de synthèse... ;
- une politique d'économie de l'eau, la connaissance de la consommation, un plan de réduction ;
- une attention pour le sol, à considérer comme un milieu vivant et non comme un simple support, avec paillage, apport de matière organique, suivi régulier... ;
- l'existence de mesures en faveur de la biodiversité et le maintien de plantes spontanées.
Bien sûr, le gestionnaire s'engage à respecter la législation en vigueur et à réaliser une veille réglementaire qui doit être formalisée, afin que l'auditeur puisse en vérifier le contenu. Pour chacune des dix thématiques du référentiel, le gestionnaire remplit une grille qui présente les objectifs, les pratiques de gestion et les moyens mis en oeuvre pour les atteindre, les échéances ou périodicités, et les moyens de contrôle. Cela permet d'élaborer un plan de gestion évolutif, basé sur le principe d'amélioration continue. Un audit est réalisé annuellement pour s'assurer que les actions se poursuivent d'année en année, conformément au référentiel du label. Pour vérifier aussi que les recommandations émises lors du précédent audit ont été suivies d'effets.
« Les premiers bilans que nous tirons de cet engagement dans la démarche de labellisation des jardins passagers sont très positifs. Il nous a permis d'ouvrir les yeux sur certains “points noirs” de notre gestion que nous n'avions pas détectés, comme l'utilisation de traverses de chemin de fer de récupération, chargées en éléments polluants, pour la réalisation de nos jardinières géantes ou encore l'absence de suivi de notre consommation d'eau. En outre, le label nous incite à communiquer davantage, ce qui donne une plus grande lisibilité à nos pratiques et à nos actions vis-à-vis de l'extérieur. Ce qui a été le plus difficile pour nous c'est la partie “veille réglementaire” et la cartographie, car nous sommes une très petite équipe et nous gérons à la fois le jardin et l'organisation globale des animations », explique le responsable des lieux.
À quand l'ensemble du parc de la Villette en labellisation EVE ? « Ce n'est pas encore d'actualité car le processus est assez lourd à mettre en oeuvre et, surtout, à suivre sur le plan administratif, avec un dossier à réaliser chaque année pour l'audit. Mais la démarche engagée par les jardins passagers a permis de faire évoluer la réflexion sur la gestion de l'ensemble du site », souligne Nicolas Boehm. Ainsi, l'établissement s'est lancé dans l'élaboration d'un Agenda 21 pour améliorer son impact sur l'environnement, l'un des axes de travail portant sur la biodiversité et l'eau. Dans le cadre de cette démarche, l'EPPGHV a signé une convention de partenariat avec l'association Humanité et biodiversité, présidée par Hubert Reeves. L'objectif est d'agir pour une meilleure prise en compte de la biodiversité dans toutes les activités et pour le renforcement des liens existants entre humanité et biodiversité. Pour cela, le parc est incité à créer des « oasis nature », des espaces de nature favorables à la faune, à la flore et contribuant à la constitution de trames écologiques. Un premier pas qui devrait l'aider à poursuivre ce qui a été engagé dans le sens d'une gestion raisonnée et durable des espaces. En attendant de pouvoir mener à bien une labellisation plus « stricte » dans quelques années...
Yaël Haddad
Le bosquet des pionnières est un espace qui permet de découvrir les plantes qui ont été les premières à s'installer après l'arrêt d'une activité sur un sol.
Dans le verger, un petit conservatoire a été aménagé le long de la clôture de la zone d'extension.
Les nouvelles parcelles potagères en pleine terre sont gérées par l'association de jardins partagés Les Petits Pois de la Villette. Au second plan, des parcelles en hauteur spécialement aménagées pour les personnes en fauteuil roulant.
La zone humide recueille les eaux de ruissellement du jardin et permet de se familiariser avec les plantes spécifiques de ce milieu.
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