“ Produire des végétaux sur l'eau ”

Aux Pays-Bas, l'eau est omniprésente, par la mer et par les 6 000 kilomètres de canaux et rivières qui maillent le pays. L'entreprise ANM Rijnbeek se situe à Boskoop, connu pour ses centaines de pépinières réparties sur 1 100 hectares. Après une quarantaine d'années de développement sur un terrain marécageux, à pomper l'eau pour assécher les sols, la société se retrouve contrainte par une ceinture de canaux. Anton Rijnbeek, qui a pris la succession de son père à la tête de la pépinière de conteneurs et pleine terre, n'a qu'une solution pour la développer : « produire des végétaux sur l'eau ».Les Néerlandais ont commencé à se développer sur l'eau il y a une quinzaine d'années : maisons, routes, ports... Après des générations de lutte offensive contre cet élément, le pays, confronté à la montée du niveau de la mer et aux crues successives, intègre désormais cet élément dans ses plans d'extension. Côté horticole, un projet expérimental de serre flottante de 50 000 m² a été primé à Horti Fair en 2005 et concrétisé quelques années plus tard. Celui mis en place chez Anton Rijnbeek découle de ces différentes expériences. Plusieurs entreprises partenaires y ont collaboré : les bureaux d'études Grontmij Nederland et Aendekerk Agro Tuinbouw Consult, et les prestataires Mastop Totaaltechniek, FlexBase et Dura Vermeer Infra Zuid-West. Ce programme consiste en une plate-forme de culture flottant directement à la surface d'un bassin de stockage d'eau. L'inauguration officielle de la parcelle expérimentale de 60 m x 10 m a eu lieu en septembre 2011. « La base flottante est constituée de deux couches de 15 cm d'épaisseur de polystyrène », décrit Jan Willem Roël, directeur de FlexBase. L'entreprise, qui a développé la technologie de plancher flottant, est une joint-venture entre la société de construction Dura Vermeer et le fabricant de polystyrène expansé (PSE) Unidek.

Les deux couches sont connectées l'une à l'autre par une « ancre », et une toile de fibre de verre est placée ente les deux. Une nappe Floramat® (Totaaltechniek) recouvre la surface ; elle permet un drainage vertical et offre une alternative plus légère au sol de culture sur lave. « Le PSE est composé à 89 % d'air », explique Jan Willem Roël, assurant la flottabilité et la durabilité de l'ensemble. « Il peut supporter 200 à 1 000 kg/m² selon l'épaisseur. » Le plancher mis en place à la pépinière – deux couches de 15 cm – autorise une charge de 200 kg/m², sans toutefois permettre la circulation de véhicules.

« Avec cette solution, je peux augmenter la surface de l'entreprise », apprécie Anton Rijnbeek. Pour autant, le jeune homme attend de voir le bilan, d'ici la fin de l'année, avant d'envisager une utilisation sur toute l'exploitation. L'étude porte non seulement sur la construction flottante, mais aussi sur l'évolution de la qualité de l'eau. L'entreprise Mastop Totaaltechniek, spécialisée dans les installations d'irrigation, réalise des analyses d'eau depuis l'automne 2011 ; Anton Rijnbeek a placé ses pots sur la plate-forme en avril 2012. Cette dernière flotte sur un bassin, connectée à ses bords, l'ensemble constituant un système fermé. Le bassin de 1 200 m3 sert de réservoir de stockage d'eau. Une pompe récupère l'eau du bassin pour l'irrigation des conteneurs par le dessus. En cas d'excès d'eau apporté par la pluie, le surplus déborde dans un second bassin tampon. La plate-forme couvrant la surface de l'eau, elle bloque la lumière, de sorte que le risque de développement des algues est limité. La température, « jamais très haute aux Pays-Bas », ne pose pas de problème non plus. Les résidus de pesticides, si ces derniers sont utilisés en quantité limitée, se dégradent dans l'eau. Les nutriments lessivés retournent aux plantes à l'irrigation suivante. « La qualité de l'eau d'irrigation devrait se maintenir », prévoit Theo Aendekerk, de Aendekerk Agro Tuinbouw Consult.

Valérie Vidril