“Nous produisons des plants de saison durcis à froid naturellement”
Bruno et Fabrice Dessevre, horticulteurs dans le Maine-et-Loire, ont choisi, dès le lancement des Fleurs du Layon Horticulture, de produire leurs plants en motte quasiment sans chauffer. Cette décision suppose la mise en oeuvre de multiples solutions en termes techniques, d'organisation et de gamme végétale...
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Des cultures à froid : a priori une gageure, surtout quand on veut produire du plant horticole de printemps, même sous « la douceur angevine » ! Fabrice et Bruno Dessevre se sont installés en avril 1999 à Saint-Georges-sur-Layon (Maine-et-Loire) où ils ont créé Les Fleurs du Layon Horticulture. Avec leurs 3 000 m² de tunnels initiaux, une tempête qui a tout cassé en 1999, et après des phases d'investissements successives, ils viennent de nouveau de s'agrandir : 7 000 m² de serres, un investissement de plus de 700 000 euros dans une toute nouvelle structure, spécialement étudiée pour répondre à leur choix stratégique, des cultures gérées exclusivement sous climat froid.
Ce positionnement s'est imposé dès leur installation. « Nous disposions, au départ, de tunnels maraîchers difficilement chauffables et de peu de moyens. Mais de toute façon, nous avions fait le choix de produire des plants de saison durcis à froid naturellement, afin d'apposer une image de qualité sur nos produits. Nous ne voulions pas pousser les plantes ni courir après la précocité, et nous ne souhaitions utiliser aucun régulateur de croissance. Nous avons misé sur des productions naturellement adaptées. À l'époque, nous avons pris des risques, mais l'horticulture reviendra aux produits de saison », assurent Fabrice et Bruno Dessevre. Le tandem produit des plants de légumes, des aromatiques, et développe les plants à massif (annuelles, bisannuelles, vivaces), notamment pour les collectivités. Au printemps, Fabrice et Bruno Dessevre peuvent proposer jusqu'à 2 000 références, 500 en automne ; et ceci même dans des petits lots (sur demande). « Nous savions, bien sûr, que nous devions opter pour un choix limité de végétaux. Nous avons fait un tri parmi les espèces et cultivars pouvant entrer dans notre système spécifique de production. Nous ne pouvons pas nous lancer dans les cultures longues comme les plantes en pot. Encore moins dans les plantes de culture dite chaude. Par contre, grâce à nos nouvelles serres, nous pouvons proposer de l'impatiens ou du bégonia plus tôt en saison. Les plantes poussent à leur rythme, en fonction du climat. Nous adaptons les mises en culture aux conditions climatiques et avec un stock important de mises en production sur l'ensemble de la gamme, nous arrivons à tenir les délais de livraison », poursuivent-ils. Ce choix implique deux contraintes essentielles : la culture à froid impose au client de prévoir un délai raisonnable de mise en culture de sept semaines pour les impatiens et les oeillets d'Inde, huit semaines pour les pétunias, les pensées et les violas, dix semaines pour les bégonias et les primevères... ; et il faut penser à passer commande fin janvier au plus tard pour les annuelles, et fin juillet pour les bisannuelles...
Bruno et Fabrice Dessevre ont mis en place une batterie de solutions : du jeune plant préparé quasiment à leur façon (en majorité chez Saulais), leur propre méthode de culture, des mottes adaptées aux espèces, des plantes distancées dès le départ, pas de chauffage, pratiquement pas de produits de traitement ni d'engrais, pas de goutte-à-goutte, le recyclage des eaux de toitures et une réserve d'eau de 2 000 m3 autonome à 80 %, pas de régulateurs de croissance, des structures de serre appropriées (5 m sous les chéneaux, 8 m au faîtage pour faire tampon la nuit), des plantes bousculées le moins possible et mises sur rack ou roll au dernier moment, à la préparation des commandes... Ils ont fait des choix radicaux, privilégiant la qualité et l'organisation : « Nous aurions pu économiser 20 000 euros par an sur le terreau. Nous avons opté pour un terreau Nehaus, plus onéreux mais adapté aux cultures courtes à froid. Nous avons aussi pris le parti de garder toutes nos serres vides de mi-novembre à fin décembre. Et aussi pendant l'été ! Des périodes utilisées pour s'occuper du vide sanitaire, de l'entretien, des réparations, des constructions... Par contre, tout est rempli à bloc dès février. Là, nous jouons avec les diverses possibilités de ventilation... »
Ces partis pris trouvent toute leur légitimité avec le souci actuel de mieux respecter l'environnement. Les productions à froid donnent des plants durcis, forts, ramifiés et compacts, bien verts, assurant une reprise rapide et vigoureuse, d'autant plus que les racines sans chignon (grâce à l'autocernage aérien) ne sont pas abîmées à la plantation. Cette option a donné naissance, en 2008, à une nouvelle gamme de plantes à massif, Plantécolo®, portée par des devises clin d'oeil : « j'écolonomise », « Une plantation et un fleurissement écolonomiques »... Les plantes, cultivées en mottes de 6 x 5 cm, directement en barquette de dix unités, évitent d'avoir à manipuler, dépoter, trier puis jeter ou recycler des godets. Un gain de temps – pour le client – estimé à 30 %, grâce à une plantation directe, des arrosages limités et une attitude plus « écolo » avec zéro déchet (les barquettes en plastique sont recyclées par Les Fleurs du Layon)... tout cela pour le même prix qu'un godet. « Avec Plantécolo ®, gamme de plants pour le printemps et pour l'automne (bisannuelles, vivaces) – cette dernière particulièrement intéressante –, nous pouvons proposer toutes les espèces de plantes à massif traditionnellement cultivées en godet. Et nous avons des retours positifs : nos plantes en barquette souffrent peu lorsqu'elles sont stockées quelque temps avant plantation », expliquent Fabrice et Bruno Dessevre. Des plantes à fort développement ou « de diversification » sont proposées en pot de 10,5 cm en plaques de culture consignées avec les mêmes avantages que les mottes Plantécolo®. Quelques espèces sont fournies, à la demande, en godets de couleur, pour les points de vente : les giroflées, myosotis, pâquerettes, lunaires, fraisiers pour l'automne, et les fraisiers, cucurbitacées, tomates... pour le printemps.
C'est sur l'expérience de leur père, maraîcher, qui savait faire du plant en motte, que Bruno et Fabrice Dessevre se sont en grande partie appuyés. Sur la certitude aussi de répondre à une attente de la clientèle, acquise par Bruno Dessevre lors de son passage chez Horticash. Les deux frères soulignent aussi l'importance du soutien du Crédit Mutuel de Doué-la-Fontaine, dès leur installation, en 1999 : « Nous n'avions pas d'apport personnel, pourtant cette banque a cru en nous. Nous sommes partis sur un emprunt de 300 000 francs à l'époque. Certains fournisseurs aussi nous ont fait confiance, comme la CPL Agriloire de Beaucouzé (49) ou encore le distributeur Primsem des Graines Clause... Ensuite, nous avons su alterner des phases sans investissement, pour amortir et surtout remonter la trésorerie, et les périodes de développement, avec la construction de serres supplémentaires, et/ou d'automatisation. » Des investissements successifs en 2003, 2005, 2006, 2008, 2011..., par étapes de 2 000 à 3 000 m², par tranches de 70 000 à 300 000 euros... dictés à chaque fois par une augmentation de la demande et par leurs difficultés à y répondre en saison. « Nous avons commencé à automatiser en 2005 avec l'implantation de 3 100 m² de serres installées par Vermako, fabricant à Tielt, en Belgique. En 2003, nous avons reçu un très bon conseil du terrassier Justeau Terrassement, venu préparer le terrain avant l'installation de 1 300 m² de serres. Il nous a incités à relever le sol de 50 cm et, comme il l'avait annoncé, nous n'avons jamais eu de problèmes de maladies à cet endroit, alors que nos cultures sont posées à terre. L'investissement de 2006 nous a aussi permis de commencer à travailler avec deux climats différents », se souviennent les deux frères. L'investissement de 2008 en automatisation – sans augmentation de surface et sans nouvelle production – a été le plus risqué. Le robot Urbinati à tête laser pour le repiquage de miniplants acheté 300 000 euros en est l'une des illustrations.
Enfin, en 2011, ce sont 7 000 m² de serres Vermako qui ont remplacé d'anciens tunnels. Ce nouvel équipement, spécialement étudié pour leur choix d'une culture à froid, permet, avec ses douze chapelles, de gérer par ordinateur (et par ventilation uniquement, en faîtage ou en latéral) cinq climats différents côte à côte, dont une superficie dédiée au durcissement. Avec, quand même, cette fois, 300 m² chauffés au sol pour des semis de cucurbitacées, certaines aromatiques et, surtout, des semis spécifiques pour des demandes de collectivités.
« Nous avons particulièrement apprécié notre collaboration avec Vermako. Celui-ci a, à chaque fois, su nous écouter, chercher et trouver des solutions », observent Fabrice et Bruno Dessevre. « Il a su adapter à notre demande notre nouvelle serre multiclimat. Il a aussi conçu sur mesure pour nous de grands racks en aluminium où placer directement nos barquettes à la sortie de la chaîne de repiquage : avec 140 unités par rack, nous travaillons deux fois plus vite avec deux fois moins de personnel... Plus besoin de manipuler de multiples fois les barquettes. En 2011, Vermako a fabriqué un autre modèle de rack pour nos camions de livraison. Les clients qui stockent le plant de légume limitent ainsi leur coûts de main-d'oeuvre au déchargement. »
Tous ces risques pris en phase d'investissements (serres, automatisation, solutions techniques) – au total 1 600 000 euros sur douze ans – l'ont été dans le but d'améliorer le confort de travail (en vue notamment de fidéliser les saisonniers), d'optimiser la sécurité et de réduire au maximum les risques phytosanitaires par une gestion permanente du climat. Par ailleurs, la robotisation autorise des prix compétitifs. « Ces investissements nous ont permis de nous agrandir, nous avons embauché davantage de saisonniers, travaillé et inscrit de nouveaux produits horticoles à notre catalogue. Mais pratiquement rien n'a été investi dans le chauffage... » Pour autant, les deux frères ne cherchent pas à obtenir un label bio : « Nous sommes des éleveurs de plants naturellement écoloraisonnés. Nous sommes en avance sur les éventuelles législations futures sur l'indice carbone... Jusqu'à présent, c'est surtout le bouche-à-oreille qui nous a fait connaître. Et nous avons travaillé sur un site Internet dédié à Plantécolo®. Notre seul regret : que nos villes clientes communiquent aussi peu auprès de leurs administrés sur leurs efforts pour utiliser des plantes conduites naturellement comme la gamme Plantecolo®. »
Odile Maillard
Franck Picoulier, responsable des semis, peut manipuler seul des racks de 140 barquettes de 10 plants en motte, fabriqués sur mesure par Vermako.En médaillon : la chaîne de semis a été adaptée sur mesure pour transférer automatiquement les barquettes sur les racks.
Franck Picoulier surveille la chaîne de semis mécanisé en motte. Des moules différents sont utilisés selon les espèces et les cultures (fleurs, légumes...).
En 2011, Les Fleurs du Layon ont investi plus de 700 000 euros pour installer 7 000 m² d'une serre à douze chapelles. Le fabricant belge, Vermako, a su adapter de nombreuses dispositions pour pouvoir gérer côte-à-côte cinq climats différents pour les cultures à froid. Impératif : la gestion par ventilation faîtale et latérale.
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