" Utiliser des plantes couvre-sol pour limiter l'entretien "
Alain Pérès, directeur du service environnement et cadre de vie d'Auch (32), teste avec succès depuis 2013 une gamme de plantes couvre-sol, parmi lesquelles des espèces allélopathiques, afin de limiter les opérations d'entretien au pied des arbres ainsi que le long des voiries.
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
À Auch, petite commune du Gers de 23 000 habitants, comme dans beaucoup d'autres, le budget consacré aux espaces verts n'a pas forcément baissé... mais les surfaces à gérer, elles, ont augmenté ! Davantage d'espaces à entretenir sans plus de moyens ? Qu'à cela ne tienne, Alain Pérès, directeur du service environnement et cadre de vie d'Auch, a trouvé une solution : planter des végétaux qui ne nécessitent pas ou peu d'entretien (arrosage, désherbage). C'est ainsi que, dès 2013, tous les pieds d'arbres du boulevard Sadi-Carnot ont été modifiés. « Il y a vingt ans, ce boulevard était encore fleuri avec 11 000 annuelles en massifs, ce qui nécessitait un équivalent temps plein à l'année (1 700 heures et 30 000 euros). Pour diminuer le temps de main-d'oeuvre, nous avons abandonné les massifs et désherbé chimiquement. Puis, pour limiter l'usage des herbicides, nous avons laissé la flore spontanée se développer. Mais ça a été mal perçu par les habitants. » En 2013 Alain Pérès rencontre Olivier Filippi, pépiniériste à Mèze (34), à la suite d'un voyage d'étude organisé par la Frotsi (*) de Midi-Pyrénées en charge du concours CNVVF (Conseil national des villes et villages fleuris), qui lui fait découvrir sa gamme de plantes méditerranéennes, et dont certaines sont allélopathiques (voir encadré).
Alain Pérès décide donc de tester une gamme de végétaux couvre-sol rustiques. Le choix porte sur des variétés résistantes au froid et la plupart allélopathiques. En effet, à Auch, il peut geler jusqu'à - 15 °C. Huit mélanges dedeux plantes chacun ont été installés en 2013 sur les carrés de 4 m2 à 8 m2 du boulevard Carnot : Tanacetum densum + Centaurea bella ; Catananche caerulea + Arctanthemum articum ; Hieracium pilosella + Potentilla verna ; Euphorbia myrsinites + Geranium sanguineum ; Achillea crithmifolia + Phyla nodiflora ; Achillea umbellata + Thymus ciliatus ; Trifolium fragiferum + Thymus hirsutus ; Erigeron karvinskianus + Geranium cantabrigiense. La plupart des taxons sélectionnés sont des espèces rustiques de genres autochtones (thyms, euphorbes, centaurées, achillées), les mélanges ne devant pas apporter un aspect trop « méditerranéisant » à la commune gersoise.
Le sol au pied des arbres a été décaissé sur 15 cm pour enlever toutes les graines en dormance, et remplacé par une terre franche argileuse. Après la plantation (densité entre six et neuf plantes au m²) un paillage minéral constitué de gravier roulé (5-20 mm) a été déposé sur dix centimètres d'épaisseur. « Il reconstitue un milieu propice au développement des espèces couvre-sol choisies, résistantes aux conditions difficiles, mais reste hostile aux adventices locales », précise Alain Pérès. Deux arrosages ont été réalisés le premier été, de manière espacée mais en quantité abondante, de façon à reproduire un épisode pluvio-orageux ; un seul apport d'eau a été effectué le deuxième été. Trois ans plus tard, les massifs évoluent de manière presque autonome. Parmi les huit couples de plantes installées, certaines ont pris l'ascendant sur l'autre. « L'équilibre parfait est très rare. Si le mélange le plus équilibré est Tanacetum densum + Centaurea bella, les plantes les plus satisfaisantes (agressives) dans notre situation sont Thymus ciliatus et Achillea crithmifolia », précise Alain Pérès. L'irrigation est nulle. Les herbesindésirables sont rares, et le paillage en gravier facilite leur arrachage manuel. Le temps de travail représente dorénavant environ 250 heures par an, pour un coût de 5 000 à 10 000 euros.
Une communication spécifique a été réalisée autour de l'aménagement. Des panneaux pédagogiques décrivent les différentes plantes et le principe de l'allélopathie. Réalisés par Alain Pérès sur la base du catalogue d'Olivier Filippi, ils ont été validés par ce dernier.
Fort du succès de cette première implantation, Alain Pérès a végétalisé sur le même principe d'autres massifs neufs ou en rénovation, en augmentant la diversité variétale (pas seulement des végétaux méditerranéens) et en sélectionnant avant toute chose des plantes adaptées aux conditions climatiques (continentales) et pédologiques (sols argilo-calcaires compacts et froids). Il a notamment découvert grâce à un autre pépiniériste passionné (Patrice Bouchut, des Pépinières du Buyet, installées à Saint-Médard-en-Forez, 42) Hedera canariensis x 'Algerian Bellecour'. Il s'agit d'un lierre à grosses feuilles qui recouvre rapidement le sol d'un beau tapis vert clair, particulièrement résistant à la sécheresse mais non gélif. « Il nécessite zéro entretien : ni pesticides, ni eau. »
Valérie Vidril
(*) Fédération régionale des offices de tourisme et syndicats d'initiative.
Le recours à des plantes couvre-sol permet de diminuer les temps d'entretien. La sélection de plantes résistantes à la sécheresse permet également de limiter les apports d'eau. Ici, un boulevard planté en 2014 avec Tanacetum densum et Centaurea bella.
Les plantes allélopathiques inhibent la germination des autres végétaux et donc des adventices. Ici, Arctanthemum articum a pris le dessus sur Catananche caerulea.
Achillea crithmifolia est une plante très satisfaisante pour Alain Pérès (ici, avec Phyla nodiflora).
Plusieurs conditions d'implantation favorisent le développement des plantes allélopathiques choisies : un sol drainant, un paillage minéral et une ou deux irrigations abondantes. Ici, la piloselle Hieracium pilosella.
Autour de l'aménagement, des panneaux pédagogiques décrivent les plantes et le principe de l'allélopathie.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :