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“Créer un groupement d'employeurs”

Embaucher en temps partagé avec différents dirigeants permet à David Lecompte, fondateur de LLG, en Seine-Maritime, de gérer les variations saisonnières et les problèmes de recrutements.

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En 2012, David Lecompte, horticulteur à Saint-Pierre-de-Manneville (76), a subi la crise économique et la météo (comme l'ensemble des professionnels), des changements de production et de modes de commercialisation, auxquels s'est ajouté un souci de management. Pour diverses raisons, quatre personnes ont quitté l'entreprise à peu près à la même période. Résultat : toute l'organisation du travail s'est trouvée bouleversée. Ce chef d'entreprise s'est senti seul, d'autant que les formations horticoles préparent peu ou pas au management en général, et au management des ressources humaines en particulier. Cette situation de crise, de tensions, et d'incertitudes a finalement offert l'opportunité de revoir l'organisation de la société. « Heureusement pour moi, mon père était là. Pour ne pas reproduire les difficultés qu'il avait vécues à son installation, il m'avait laissé peu à peu la main tout en étant présent en cas de besoin. »

À la suite du départ du chef de culture, David Lecompte a embauché Jérôme Chaffurin, en tant que chef de production, en juillet 2012. Ce responsable avait déjà cinq années d'expérience dans trois autres établissements horticoles, et une spécialisation en management (licence à l'université d'Angers - 49). « Notre entreprise a beaucoup évolué. Elle est passée progressivement à un stade de production industrielle », poursuit David Lecompte. « Nous avions toujours délégué les ventes à un groupement commercial. Avec Jérôme, nous avons revu le choix des productions, les modes de commercialisation. Nous ne laissons plus pousser les plantes. Nous les pilotons très finement, de la multiplication au stade final, grâce à ses connaissances pointues, notamment en biologie du végétal. Même si rien n'est jamais gagné d'avance... »

Le départ à la retraite anticipé du chauffeur « maison » a été déterminant. Très impliqué dans les livraisons et les cultures, il était difficilement remplaçable poste pour poste. Pour éviter l'éventualité d'un turn-over, pour fidéliser et motiver le nouveau chauffeur, David Lecompte a créé, en mars 2013, LLG, un groupement d'employeurs. Il n'en existait pas dans la région proche. « C'est une agence spécialisée dans l'intérim agricole qui nous a suggéré cette solution ; elle en gère la partie administrative, contre rétribution. Désormais, Julien, le nouveau chauffeur, partage son temps entre les livraisons de la société Lecompte (90 %), et celles des Ets Langlois, fabricants de clôtures (10 % restant). « Le groupement nous a permis de recruter un chauffeur qualifié et titulaire d'un CACES (certificat d'aptitude à la conduite en sécurité) grue-chargement de palettes, que nous pouvons rémunérer avec un salaire fixe décent. Passer par l'intérim nous prenait beaucoup trop de temps et il était difficile de trouver quelqu'un de compétent et de disponible au moment voulu, notamment pour gérer les variations saisonnières. Ces 10 % de temps, partagé en fonction des activités de nos deux entreprises, font toute la différence pour l'organisation des livraisons. »

Aujourd'hui, la structure a besoin d'accroître le nombre d'employés. Elle a déjà embauché un livreur en CDD de deux mois pour la période de la Toussaint. Une personne va l'être en temps partagé avec un autre horticulteur, les Ets Leclerc Horticulture. « Nous devons multiplier les compétences pour répondre aux activités de plus en plus saisonnières... Nous allons essayer de poursuivre les embauches via cette organisation, notamment en secrétariat. Cela nous évite aussi de passer le cap des neuf salariés et sa cohorte de complications administratives et fiscales. » Pour être pertinent, LLG a intérêt à augmenter le nombre de ses adhérents. David Lecompte est optimiste, et envisage des solutions avec des adhérents hors milieu agricole, en particulier pour dynamiser le bassin d'emplois et résoudre les problèmes d'embauche que rencontrent d'autres employeurs locaux.

Avec le recul, il fait le bilan : « Tout ce qui a évolué récemment n'aurait pas été possible avec l'ancienne équipe telle qu'elle était constituée. Nous avions des salariés qui avaient quinze à vingt-cinq ans d'ancienneté, rompus à certaines façons, schémas et repères, à d'anciennes habitudes de travail. Nous n'avions pas encore pensé à gérer la pyramide des âges et ses possibles conséquences sur la gestion des postes en interne. » L'arrivée d'un chef de culture, la gestion d'un environnement économique plus difficile, les nouvelles productions, les nouveaux plannings, les investissements techniques, l'organisation de la commercialisation et les nouveaux objectifs ont pu être mis en place avec beaucoup plus de souplesse. « Tout ce qui a constitué une succession et une accumulation de problèmes nous a obligés à “bouger les lignes”. Nous sommes également passés à l'annualisation du temps de travail. Aujourd'hui, j'essaie de sécuriser le travail, sans démobiliser les employés, sans être paternaliste et d'aller davantage vers le dialogue. L'idéal serait, comme au Danemark, de pouvoir gérer en fonction des résultats économiques : tout en maintenant un salaire fixe, si les résultats sont bons, on distribue plus ; s'ils sont moins bons, ponctuellement, on donne moins... »

Odile Maillard

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