" Répondre aux attentes, être réactif et innover "

Christian Bardoul, directeur du pôle horticole de la Sica (Société d'initiatives et de coopération agricoles) de Saint-Pol-de-Léon (29), depuis deux ans, a conscience des difficultés que traverse le monde horticole, mais son credo est clair : « Nous voulons apporter des solutions au marché et à nos producteurs, pas des raisons de maintenir un statu quo en laissant nos confrères occuper le marché. » Pour ce faire, il a accentué les changements au sein de l'organisation de Kerisnel, tant en termes de logistique, que de dynamique commerciale et d'innovation.

Mutualisation et réduction des coûts. Un virage décisif a été amorcé au cours de 2016 avec le rapprochement des trois activités pépinière, plantes fleuries et fleurs coupées. Les services logistique, commercial et marketing ont ainsi été mutualisés. Sur la plate-forme unique, les palettes regroupant des produits des trois secteurs s'alignent désormais sur leurs cases de dispatching en attendant d'être livrées à une clientèle de jardineries, producteurs-revendeurs, paysagiste, export, enseignes de bricolage, grande distribution... Les coûts de transport et de fonctionnement de structure ont ainsi été fortement orientés à la baisse, une nécessité avec les difficultés de ces quatre dernières années. Si le pôle horticole a pu maintenir le cap, c'est bien grâce à la puissance de la Sica. « Le système coopératif permet de répartir les charges entre les producteurs tout en accompagnant et aidant les plus fragiles », explique Christian Bardoul. C'est aussi une organisation qui permet au producteur de se focaliser sur la production, en déléguant le commercial, le marketing, l'administratif, la logistique et la comptabilité à une équipe dédiée.

TMS et réactivité. « Nous avons accéléré les flux de la pépinière et du marché aux fleurs pour permettre des expéditions communes. » Auparavant, le marché aux fleurs travaillait en A pour B (la commande le jour A et la livraison le jour B), la pépinière en A pour C ou D. Grâce à un nouveau logiciel (TMS ou Transport management system) de l'éditeur Acteos, déployé depuis le mois de janvier, les commandes pilotent les plannings de chargement et de livraison en tenant compte des contraintes commerciales. Les producteurs impriment les étiquettes comportant le numéro de case, la date et l'heure de livraison. Cette gestion par TMS permet l'optimisation des rolls sur la plate-forme. En contrepartie, les producteurs se doivent d'être réactifs et capables de gérer, en haute saison, le suivi des cultures et les livraisons quotidiennes qu'ils assurent par leurs propres moyens. Le groupement n'a pas de flotte de transport mais l'outil TMS optimise les livraisons selon la zone géographique et la date. « Aujourd'hui, quand le producteur reçoit la commande, il connaît son horaire de livraison sur la plate-forme car l'interface logistique est déjà géré. Nous travaillons en flux tendus. » Une autre mesure fluidifie la logistique selon Mickaël Moal, président du pôle horticole Kerisnel : « Nous avons rationalisé nos gammes pour clarifier notre offre vis-à-vis de nos clients et également pour optimiser nos systèmes de production. »

« Malgré notre positionnement géographique (à plus de cinq heures de Paris), nous sommes en mesure de livrer 60 % de la France en A pour B », assure Christian Bardoul. « Les magasins se basent sur leurs ventes du week-end pour ensuite commander deux à trois fois dans la semaine, et non plus huit ou quinze jours à l'avance comme ça a pu être le cas à une époque. Ils ne veulent plus de stock chez eux. Le responsable végétal et son client consommateur final veulent de l'immédiateté et du produit frais. »

Une réponse marketing à de nouvelles attentes. « Huit zones urbaines occupent 70 % de la population urbaine », rappelle Mikaël Mercier, producteur chez Kerisnel. « Nous nous adaptons au commerce avec le développement d'une gamme pour le balcon et la terrasse. » Une autre évolution de la consommation retenue par le groupement est l'achat d'impulsion. « Quand une cliente va dans une jardinerie, elle ne sait pas forcément ce qu'elle veut, elle vient pour se promener et achète souvent sur un coup de coeur », analyse Christian Bardoul. « Or l'achat d'impulsion se fait pour un joli produit. D'où une démarche partielle de 'traitement horticole' de la pépinière, qui vise à fournir du fleuri. » Enfin, le besoin d'immédiateté et le fait que de moins en moins de consommateurs veulent mettre les mains dans la terre entraînent le développement du prêt-à-poser.

Pour répondre à ces tendances, Kerisnel a renforcé ses équipes marketing et créé en 2016 une nouvelle identité visuelle, déclinée sur l'ensemble de ses gammes. « Nous avons travaillé avec les centrales pour coller aux marchés », explique Mickaël Moal. L'emploi de pots rond-carré permet d'optimiser le facing (visibilité) des produits. De nouveaux concepts voient le jour : des jardinières prêtes à l'emploi (gamme Déco Graphique, aux lignes épurées, dédiée aux terrasses), des plants potagers, des pots XL, une gamme de pots à réserve d'eau, des potées à thème...

Sûr de la valeur ajoutée que lui confère son terroir, le groupement a voulu créer du lien entre les producteurs et les consommateurs. Cette volonté se concrétise sur les nouveaux chromos : le producteur, identifié par son nom et sa photo, y conseille le consommateur. Une large photo du végétal met en avant la plante identifiée par son nom d'usage et la variété. La signature de Kerisnel, « Producteurs par passion », vise également à simplifier la communication auprès de l'acheteur qui « ne fait plus la différence entre le marché aux fleurs et la pépinière », constate Christian Bardoul.

Toujours aller de l'avant. « Soit nous continuons de produire bien ce que nous savons faire. Soit nous décidons de proposer des produits qui correspondent aux attentes actuelles, d'être réactif, d'innover, de proposer du choix et de la diversité », continue le directeur du groupement, qui a l'ambition assumée « d'aller chercher les grossistes étrangers sur la réactivité et l'innovation. » « Kerisnel offre d'ores et déjà un atout de taille, le service : nous proposons une gamme large, à partir d'un seul point, en petites quantités, avec un étiquetage sur chaque plante », souligne Mikaël Mercier. Le groupement ne compte pourtant pas s'arrêter en si bon chemin et a d'autres projets pour les années à venir, en particulier le développement de solutions numériques qui faciliteront les commandes des clients.

Valérie Vidril