" Une gestion écoresponsable des amé nagements des petites communes "
Céline Levrard est paysagiste concepteur, urbaniste OPQU (1) et directrice adjointe du CAUE (2) de la Sar the. Elle oeuvre en particulier pour trouver des leviers et des solutions pour les petites collectivitéset structures de la région en manque de compétences spécifiques en interne. Exemple au sein de la com mune de La Milesse (72).
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Dans le cadre des conférences du Pôle espaces verts au Salon du végétal 2017, Céline Levrard a présenté les actions de son département menées auprès des petites communes pour développer une gestion écoresponsable des aménagements végétalisés.
> L'exemple de La Milesse dans la Sarthe.« Le conseil aux collectivités territoriales et aux administrations et bailleurs sociaux entrent dans nos missions. Les petites communes sont demandeuses car elles manquent de compétences internes. Notre travail s'appuie sur la pluridisciplinarité de notre équipe, mais ne va pas jusqu'à la réalisation d'études opérationnelles. Le donneur d'ordre doit faire appel à un maître d'oeuvre », précise Céline Levrard.
Dans le domaine du paysage, le CAUE réalise des études exploratoires qui aident la commune à définir un projet d'aménagement ou de requalification d'un espace : jardin, parc, voie verte, zone de loisirs, entrée de bourg... Le CAUE analyse le site, les enjeux et les objectifs, évalue son coût, non seulement dans la phase de conception mais également pour sa gestion ultérieure. Il peut aussi soutenir la commune dans l'élaboration d'un cahier des charges, de l'avis public d'appel à la concurrence ou dans la sélection du maître d'oeuvre.
Pour illustrer son propos lors de la conférence du Pôle espaces verts, Céline Levrard a présenté l'exemple du travail mené avec La Milesse. Cette commune périurbaine située à 10 km au nord-ouestdu Mans (72) se compose d'un habitat semi-résidentiel avec de nombreux lotissements, dont les premiers datent des années 1970, époque à laquelle La Milesse comptait une population trois fois moins importante. Elle dispose encore de vastes surfaces naturelles et agricoles, avec 5 exploitations totalisant 450 ha, des boisements, des zones humides, deux ruisseaux et une rivière (la Sarthe).Le territoire est quelque peu morcelé du fait de la présence de deux autoroutes et de deux voies de chemins de fer, dont la nouvelle ligne LGV Bretagne Pays de la Loire. « Nous avons fait appel au CAUE pour nous aider à développer une démarche de gestion raisonnée des espaces verts pour faire face à l'évolution réglementaire et optimiser le travail de nos agents », explique Patrick Lapierre, adjoint en charge del'environnement, du patrimoine, de la voirie et du fleurissement.
Après une première analyse du territoire, le CAUE a porté sa réflexion sur l'un des quartiers les plus chronophages en entretien, situé en entrée de ville, en direction du Mans. Il se compose de trois secteurs : les plans d'eau au nord qui font le lien entre la campagne environnante et le centre ville ; dans la continuité, le quartier pavillonnaire des Terroiries qui s'étend sur 10 ha et comprend des chemins piétons, un square et des massifs longeant les voies de circulation ; et plus au sud, le quartier du Chêne est en lien avec les autres quartiers par des sentes piétonnes.
« L'analyse des aménagements végétalisés a permis de souligner une inadaptation d'une grande partie des massifs arbustifs plantés sur l'espace public », précise Céline Levrard. « Nombre des espèces implantées présentent une force de développement trop importante pour l'espace disponible ou ne sont pas placés judicieusement, par exemple trop près des sorties de garage. C'est ce qui a conduit à des dégradations et à des pratiques de tailles régulières et radicales pour tenter de les contenir, avec un impact fort non seulement sur le tempsde travail des jardiniers mais également sur la qualité paysagère des espaces. »
> Les propositions de requalifications portent sur une diversification de la gamme végétale, arbres, arbustes, vivaces, graminées, bulbes en utilisant une palette globalement moins poussante. L'objectif est de réduire les temps d'entretien, de donner une identité spécifique par rue avec les essences d'arbres et de différencier les aménagements publics de ceux des espaces privés. Les entrées des cheminements piétons sont identifiées par des arbres à petit développement. En sortie de parcelles privées, il est proposé un gradient de volume pour les végétaux afin d'améliorer la visibilité. Les plantations gênant les passages sont supprimées, ainsi que les bâches plastiques remplacées par un paillis biodégradable. Sur le secteur des plans d'eau les propositions de réaménagements portent sur la mise en place d'une gestion différenciée des prairies, favorisant la biodiversité et réduisant les temps de tonte, ainsi qu'un travail de curage des bassins pour réduire les phénomènes d'eutrophisation et la planification de la plantation d'une haie bocagère sur l'espace public pour prendre le relais de celle en partie implantée sur le domaine privé et de ce fait vulnérable.
> Pour informer les élus et agents com-munaux, et favoriser le partage d'expériences entre les professionnels du territoire, le CAUE a développé diverses stratégies. La Sarthe est un département fortement rural surtout composé de très petites communes : sur 366, la moitié compte moins de 650 personnes. Elles ne disposent pas de service technique conséquent et se trouvent souvent démunies pour aborder des problématiques spécifiques. Le CAUE forme pour elles unappui précieux sur les ques-tions d'architecture, d'aménagement urbain, de préservation du patrimoine bâti local, de l'environnement ou la valorisation des paysages. « Les dernières élections municipales ont rebattu les cartes, avec de nombreuses équipes renouvelées, avec, de surcroît, les évolutions réglementaires environnementales, nous avons constaté un regain d'activité. »
> Sensibiliser, et construi-re un réseau. Initiée à partir de 2010, la journée départementale du paysage, baptisée « jardiner sa ville ou son village » permet de réunir, chaque année dans une collectivité différente, une centaine de personnes issues d'une cinquantaine de communes sur une thématique ciblée : la gestion différenciée, le paysage de l'eau, l'arbre dans la ville, le cimetière, les nouvelles pratiques de fleurissement, la nature dans la ville, la haie. Elle s'appuie sur des témoignages de professionnels, des tables rondes et des visites de sites.
Le premier objectif est de créer du lien entre les jardiniers des communes du département, afin qu'ils puissent partager leurs expériences et facilement se tourner vers d'autres professionnels lorsqu'ils rencontrent des difficultés. « Il s'agit aussi de sensibiliser des élus et faire en sorte qu'ils entendent le même discours que les agents techniques. Cette appropriation commune est indispensable pour que les changements de pratiques puissent se mettre en place et perdurer dans le temps. » Pour la première fois cette année, la journée départementale, consacrée au sol, sera également ouverte aux professionnels du paysage du secteur privé.
Le CAUE contribue aussi à l'animation et au développement du label de qualité de vie Villes et villages fleuris sur le département, qui possède 73 communes labellisées, dont 2 sont 4 fleurs et 12 sont 3 fleurs. En complément de ces actions menées pour les collectivités et pour contribuer à l'acceptation des changements de pratiques, le CAUE mène également des campagnes de sensibilisation et d'informations du grand public avec des animations en milieu scolaire et pour les enseignants, des ateliers et des visites sur le terrain...
Yaël Haddad
(1) Office professionnel de qualificationdes urbanistes.(2) Conseil d'architecture, d'urbanisme et del'environnement.
L'analyse des aménagements végétalisés du quartier de la Terroirie a révélé une inadaptation d'une grande partie des massifs arbustifs plantés sur l'espace public.
Une visitetechnique,ici sur le thème des haies, lors d'une journée départementale du paysage.
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