“Une option paysagère pour l'assainissement non collectif !”
Membre d'Aquatiris, Benjamin Restif rappelle le credo de ce réseau de bureaux d'études depuis une quinzaine d'années : favoriser le développement de l'assainissement non collectif par phytoépuration, une solution présentant des atouts environnementaux et paysagers. Fin 2011, Jardi-Assainissement, le système mis au point par la structure, a été agréé... ce qui pourrait profiter aux producteurs de plantes phytoépuratrices.
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En France, dans les zones rurales et les communes de moins de 2 000 habitants, on estime que près de 30 % des habitations individuelles ne disposent pas d'un raccordement à un système d'assainissement collectif (tout-à-l'égout) pour le traitement des eaux usées domestiques. Dans ce cas, les propriétaires ont l'obligation de mettre en place un assainissement non collectif. Le système le plus courant est celui de la fosse septique associée à des tranchées d'infiltration ou à un filtre à sable. Il présente des limites du fait de la production de boues complexes à éliminer et du colmatage fréquent des filtres. En outre, on observe souvent des problèmes de mauvaises odeurs liées à la dégradation en milieu anaérobie (sans oxygène) des matières organiques.
Depuis une quinzaine d'années, un groupement de professionnels spécialisés dans la phytoépuration, le réseau Aquatiris, a développé une autre technique. « Celle-ci consiste à utiliser des filtres plantés de végétaux. L'installation est composée de deux bassins séparés plantés de végétaux, associés à une zone de rejet. Les filtres ne génèrent ni odeurs, ni boues, et sur le plan esthétique le système s'intègre très facilement dans un jardin. Nous proposons une option paysagère pour l'assainissement non collectif ! », explique Benjamin Restif, l'un des membres du réseau.
Le système d'assainissement non collectif « Jardi-assainissement filtre vertical + filtre horizontal pour cinq équivalents-habitants » mis au point par Aquatiris a obtenu l'agrément des ministères de l'Environnement et de la Santé, en décembre 2011. Jusque-là, il fallait faire une demande de dérogation auprès des autorités locales pour mettre en oeuvre ce type de procédé. « Désormais sur la liste des dispositifs réglementaires, ce système d'assainissement par phytoépuration est aujourd'hui reconnu officiellement. Cela va faciliter les démarches administratives et de ce fait le développement de cette technique », souligne Benjamin Restif. « Pour aboutir à cet agrément, il a fallu développer des programmes de recherche et mettre en place un protocole de tests sur plateforme, conformément à l'arrêté du 7 septembre 2009 “fixant les prescriptions techniques applicables aux installations d'assainissement non collectif recevant une charge brute de pollution organique inférieure ou égale à 1,2 kg/j de demande biochimique en oxygène mesurée à cinq jours (DBO5)”. »
Dès 2008, Aquatiris a mené un programme de recherche en Ille-et-Vilaine dont l'objectif était de mieux connaître les performances des filtres plantés, d'affiner le dimensionnement des ouvrages, d'apporter d'éventuelles améliorations techniques, d'oeuvrer pour la reconnaissance de cette filière dédiée à l'assainissement non collectif. En 2010, Aquatiris a lancé sa demande d'agrément. Celle-ci comporte deux options, un protocole long (tests durant 48 semaines) et un protocole simplifié sur 38 semaines. À ce jour, « Jardi-assainissement » est le seul dispositif de ce type à avoir passé avec succès le protocole long depuis la parution du décret de 2009.
La phytoépuration est une technique qui utilise des plantes pour assainir des eaux usées domestiques (en petites quantités) ou des eaux pluviales en milieu urbain avant leur retour dans le milieu naturel. C'est l'association de plantes macrophytes (aquatiques visibles à l'oeil nu), de micro-organismes qui se développent dans la zone racinaire et du substrat qui assure le traitement de l'eau. « Les plantes ont surtout un rôle physique, car elles permettent au substrat de ne pas se colmater grâce au réseau formé par les tiges souterraines et les racines. Elles offrent une bonne oxygénation au milieu, ce qui aide au développement des bactéries qui vont dégrader la matière organique », explique Benjamin Restif.
Deux types d'installations sont proposés, selon le type de toilettes utilisé. Lorsque l'habitation dispose de toilettes « classiques » alimentées par de l'eau, il faut installer deux bassins successifs, le premier planté de roseaux, le second d'une association de plantes macrophytes dont certaines sont fleuries. En présence d'une habitation avec toilettes sèches, un seul bassin suffit, celui constitué de plantes fleuries. « Pour 5 équivalents-habitants, il faut prévoir deux bassins de 12 m² environ, contigus ou non, ce qui offre différentes possibilités d'aménagement dans le jardin. Le dimensionnement précis doit être calculé par le bureau d'études. La mise en oeuvre ne comporte pas de difficultés majeures. Il faut juste porter attention à la réalisation de l'étanchéité des bassins et à la nature des matériaux de filtration, qui ne doivent pas contenir de particules fines risquant de colmater les drains », poursuit Benjamin Restif.
L'ensemble des eaux usées est collecté à la sortie de l'habitation pour être envoyé par gravité vers un bac de relevage. Un système de pompe permet de prélever plusieurs fois par jour les eaux usées (de l'ordre de 50 l à chaque pompage) pour les envoyer vers le premier filtre à écoulement vertical composé de roseaux. Pour cela, il faut créer une pente continue entre l'entrée et la sortie du bassin, avec un différentiel minimum de 80 cm entre le point haut et le point bas. Dans ce premier filtre, les matières organiques sont retenues en surface et subissent une dégradation aérobie. La végétation permet d'empêcher tout contact direct avec les eaux usées. Lors de la mise en place du bassin, un grillage peut être installé pour éviter que des objets ne tombent au fond du bassin. Un compost va se former. Il devra être retiré après faucardage des roseaux tous les dix ans environ et pourra être valorisé au jardin dans des massifs plantés. L'eau ainsi prétraitée est collectée dans un drain à la sortie du premier bassin pour être envoyée vers le deuxième. Dans celui-ci, l'eau circule horizontalement sous la surface du substrat composé de graviers, au milieu des végétaux macrophytes (massette, iris des marais, salicaire, rubanier, scirpe, menthe aquatique, plantain d'eau, acore...). Le système racinaire des plantes favorise la présence de micro-organismes qui vont poursuivre lentement la phase d'épuration de l'eau. Ce deuxième filtre est toujours rempli d'eau. Elle s'évacue ensuite vers une zone plantée de végétaux ligneux adaptés aux milieux humides (saules, aulnes, sureaux...) ou vers une mare ou encore un fossé d'infiltration. Dans le contexte réglementaire et environnemental actuel, les systèmes d'assainissement non collectif par phytoépuration pour les particuliers devraient poursuivre leur progression à l'image de ce qui se passe dans les parcs et jardins publics. Une tendance qui pourrait favoriser la filière horticole spécialisée dans les plantes aquatiques.
Yaël Haddad
Pour en savoir plus : - « Dépolluer les sols par des plantes, la phytoremédiation », fiche de synthèse Plante et Cité élaborée par Thibault Sterckeman, août 2011. - « DossierPhytoremédiation », PHM Revue horticole, n° 514, juin 2009, pages 9 à 22. - Réseau Aquatiris : www.aquatiris.fr
La filtration verticale dans le premier bassin planté de roseaux.
Grillage permettant d'éviter le contact avec les eaux usées et la chute d'objets.
La filtration horizontale dans le deuxième bassin planté de plantes macrophytes.
La zone de rejet est plantée de saules.
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