“Les panneaux solaires ne limitent pas le rendement !”
À Bourgneuf-en-Mauges (49), Régis Guiet et Amélie Martin ont recouvert leurs serres de 12 000 panneaux solaires, qui n'empêchent pas les fraises et les framboises de pousser en quantité. Un exemple pour l'horticulture ornementale...
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Après dix ans en tant qu'arboriculteurs, et de la grêle à répétition, Régis Guiet et Amélie Martin sont obligés de déposer le bilan en 2005. Ils vendent leur verger, mais ne renoncent pas pour autant à leur métier. En 2010, ils décident de monter un projet gigantesque : 5,5 hectares de serre pour produire des fraises et des framboises hors sol. Mais l'investissement est coûteux. Régis réfléchit à l'installation de panneaux solaires photovoltaïques sur les versants des toits des serres. Après une visite d'un prototype à Aix-en-Provence, le jeune entrepreneur de 36 ans est séduit. Installé en Anjou, à Bourgneuf-en-Mauges (Vergers des Marottières), Régis Guiet est l'un des premiers agriculteurs en France à franchir le pas des serres avec panneaux photovoltaïques sur une si grande surface. Mais comme pour toute innovation, les difficultés s'accumulent. Il se tourne alors vers Global Ecopower, constructeur de centrales électriques photovoltaïques. Celui-ci obtient les autorisations de chantier et trouve un investisseur allemand, La Ferme solaire des citronniers, du groupe Leonidas, qui apporte les 20 millions d'euros nécessaires. En janvier 2011, le terrassement et la construction des serres débutent. Et depuis le mois d'avril dernier, plus de 200 tonnes de fraises et de framboises ont été cueillies.
L'objectif du couple est de vendre un tiers de sa production en direct. Pour attirer le public, des espaces paysagers ont été aménagés, des animaux séduisent les enfants, et la gamme de fruits de la marque « Ô Jardin des Délices » va être élargie (nèfles, figues, cerises, coings...). Le reste des fraises et des framboises est commercialisé dans les grandes surfaces du Maine-et-Loire et chez les restaurateurs. Amélie Martin insiste sur la finalité de leur projet : « Nous ne faisons pas du business d'électricité. Nous sommes avant tout une exploitation agricole. Les panneaux ne sont qu'un moyen de financer l'investissement. » En effet, le couple loue ses terres à l'investisseur allemand, qui loue les serres aux producteurs pour le même montant. Pendant vingt ans, Régis et Amélie ne s'occupent pas de la gestion des panneaux, c'est donc Leonidas qui récolte les recettes de la vente d'électricité à EDF.
Près de douze mille panneaux photovoltaïques, sans cadre, sont intégrés directement dans la structure des serres, de marque Van der Hoeven. La protection des cellules photovoltaïques entre deux vitres permet à cette gamme de panneaux solaires de résister à toutes les conditions météorologiques. Les panneaux produisent 3,8 MWh par an, soit la consommation électrique d'environ 2 000 habitants. Sous les serres, Régis et Amélie ont investi 1 million d'euros dans du matériel, 175 000 pieds de fraisiers et 7 540 pieds de framboisiers. « Nous avons trois fournisseurs de plants : Marionnet, Angier et Anjou plants pour prévenir le risque de maladie », souligne le producteur. Un système d'aération automatique a été mis en place. Les pans s'ouvrent selon le taux d'humidité de la serre.
Même si les panneaux arrêtent 30 % des rayons du soleil, tout a été réalisé pour que les fraises bénéficient le plus de la lumière : la serre s'élève à six mètres de haut, les panneaux ne couvrent qu'un pan sur deux, les gouttières de plants de fraises sont davantage espacées (six par chapelle)... Et si cela ne suffit pas, Régis pense tendre une bâche blanche sous les gouttières pour refléter la lumière. Mais, pour l'instant, il n'en a pas besoin. « Les panneaux n'ont aucun impact sur notre production. Ils ne limitent pas le rendement, le goût... qui restent les mêmes que dans une serre classique. Les visiteurs sont surpris de la luminosité », affirme-t-il.
Néanmoins, les serres PV ne sont pas adaptées à toutes les productions. Par exemple, la tomate est écartée. Aux Marottières, les variétés de fraise ont été choisies en fonction de leur besoin en lumière. Huit sont en production, les remontantes représentent les trois quarts des rangs. « Pour l'instant, nous ne chauffons pas les serres. Mais c'est envisageable pour obtenir des fraises plus précoces », ajoute Régis. Les framboises sont regroupées sous l'une des cinq serres, à raison de quatre gouttières par chapelle. « Nous avons choisi la variété Polka, qui pourrait avoir encore plus d'ombre », explique Amélie.
Sébastien Roulet, chef de culture et ancien salarié en horticulture, voit même dans ce type de serre quelques avantages : « Il y a moins d'évapotranspiration et nous consommons 30 à 40 % en moins de ferti-irrigation qu'en serre classique. Un rang sur deux reçoit davantage de soleil, les plantes ont plus de feuillage et les fraises ont huit jours d'avance. Ce qui est plutôt intéressant pour la rotation de la cueillette. » Néanmoins, les serres aménagées de panneaux photovoltaïques demandent davantage de suivi visuel, l'ensoleillement et la température sont différents au milieu et sur les côtés de la serre. L'hiver, la serre risque d'être sombre, mais la production des fraises ne commence qu'en mars...
Aude Richard
Pour accéder à l'ensembles nos offres :