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" Le Paillon, une ode à la diversité végétale pour recoudre la ville de Nice "

« Le projet s'est appuyé sur une ligne directrice très simple, celle de recréer un lien entre le théâtre et la mer au travers d'une promenade, avec comme fil conducteur le fleuve Paillon, et une ode à la diversité végétale », souligne le concepteur paysagiste Michel Péna.

Le concepteur paysagiste Michel Péna est revenu sur les fondamentaux qui ont présidé au projet de la promenade du Paillon, à Nice (06), à l'occasion des Assises européennes du paysage qui se sont déroulées début avril au sein de cette ville située entre mer et montagnes. Cet aménagement exceptionnel a reçu le Grand Prix de l'édition 2014 des Victoires du Paysage. Visite guidée...

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« Le projet s'est appuyé sur une ligne directrice très simple, celle de recréer un lien entre le théâtre et la mer au travers d'une promenade, avec comme fil conducteur une évocation du Paillon, le fleuve niçois enfoui dans ce secteur et une ode à la diversité végétale. Pour cela, nous avons développé, sur plus d'un kilomètre de long, deux ripisylves de part et d'autre du parc, encadrant un tapis végétal associé à un large cheminement minéral de 8 m composé de pierres quartzites bleu-vert rappelant le tracé et les couleurs du fleuve. Sur la partie sud de la promenade, la ripisylve est basse et transparente pour permettre une ouverture visuelle sur le vieux Nice, avec une conception de type jardins secs. Côté nord, la ripisylve est plus densément plantée, principalement d'arbres pour protéger la promenade du Paillon des vents du nord et être en cohérence avec le bâti plus élevé sur ce secteur », explique Michel Péna, concepteur paysagiste de ce projet d'ampleur qui lui a valu de recevoir le Grand Prix de l'édition 2014 des Victoires du Paysage.

Un manque d'espaces publics végétalisés en coeur de ville. La commande publique a été passée sur la base d'un double constat. Le premier concernait la présence d'une véritable « verrue » sur le plan urbanistique et paysager, constituée par un parking extérieur s'élevant sur plusieurs étages et une vaste gare routière. Cet aménagement opérait depuis plusieurs décennies une véritable coupure entre deux quartiers majeurs de Nice, d'un côté la ville historique baroque et de l'autre l'extension du XIXe siècle, la ville « moderne » développée lors de l'avènement du tourisme d'hiver sur la Côte d'Azur. Le deuxième constat de la nouvelle municipalité portait sur le manque d'espaces publics végétalisés en coeur de ville et la nécessité de développer un véritable plan vert pour la collectivité.

Redonner toutes ses lettres de noblesse à l'horticulture. La promenade du Paillon s'étend du jardin Albert 1er en bordure de la promenade des Anglais à l'ouest à l'esplanade de la Bourgada à l'est, au coeur du Nice ancien. « Ce dossier a été organisé autour de plusieurs séquences paysagères successives qui permettent de réactualiser le thème du jardin d'acclimatation et de redonner toutes ses lettres de noblesse à l'horticulture. La sélection des espèces a été réalisée en concertation avec les services techniques des espaces verts locaux, car ce sont eux qui vont entreprendre le suivi de ce jardin. En tant que concepteur, nous sommes les créateurs mais pas les éducateurs... », précise Michel Péna. Au niveau du jardin Albert 1er, le projet a consisté avant tout à aérer l'aménagement existant, afin de dégager les vues, notamment vers la promenade des Anglais et la mer. Le kiosque et le théâtre de verdure ont fait l'objet d'une réhabilitation pour qu'ils retrouvent toute leur valeur et permettent l'accueil de nombreuses manifestations musicales dans de meilleures conditions. Tout au long de la promenade, la composition végétale a été pensée pour mettre en valeur l'extraordinaire richesse et diversité des plantes au travers d'une sélection de sujets originaires des cinq continents et adaptés au climat méditerranéen et en tenant compte des plantations existantes qui ont été conservées pour la plus grande partie (près de 600 arbres) :

- plantes d'Amérique du Nord installées entre la promenade des Anglais et la place Masséna (chênes, magnolias, cornouillers, copalmes, tulipiers, pins de Monterey...) ;

- plantes d'Amérique du Sud au-delà (cocotiers du Chili, Jacaranda, Tipa de Bolivie, goyaviers du Brésil, dasylires, Chorisia...) ;

- végétaux d'Océanie et d'Australie en poursuivant vers le théâtre (eucalyptus, lins de Nouvelle-Zélande, cordylines australes, pins bunya, palmiers d'Australie...).

- espèces d'Afrique vers l'extrémité du parcours (érythrines, Phoenix du Sénégal, Melia, podocarpes, sparmannes, Ekebergia, bananiers...).

- plantes d'Asie avant l'esplanade de la Bourgada (camphriers, bambous, magnolias, orangers amers, Cocculus, jasmin des Indes).

Un certain nombre d'arbres, parmi les essences rares, sont accompagnés d'un QR code pour développer la connaissance botanique du public (200 au total). Le tapis central engazonné est principalement consacré aux végétaux emblématiques de la Provence et plus largement à ceux originaires d'Europe, avec une végétation composée de ligneux d'ornement et de fruitiers méditerranéens (oliviers, cyprès de Provence, pins parasols, chênes liège, figuiers, grenadiers, pêchers, amandiers, pistachiers, arbousiers, caroubiers...), de prairies fleuries, de plantes vivaces et de graminées. À la hauteur du lycée Masséna, un espace a notamment été dédié à l'installation d'un conservatoire de l'oeillet, avec près de 2 000 plants qui rappellent l'époque où les collines de la ville abritaient une importante production de cette spécialité.

Un nouveau lieu de convivialité aux usages multiples. L'aménagement de l'esplanade de la Bourgada, à l'extrémité est du parc, a permis la requalification du parvis de l'église du Voeu. L'orangeraie centenaire a été complétée par la plantation d'une quarantaine de bigaradiers. Sur l'ensemble de l'aménagement, l'emplacement des arbres a été choisi en tenant compte de la profondeur du substrat qui varie en fonction du niveau des voûtes souterraines constituant la couverture du fleuve. De part et d'autre de la place Masséna, deux vastes espaces minéralisés peuvent accueillir ponctuellement des manifestations. En situation courante, un miroir d'eau animé de jets d'un côté (2 800 m2) et d'un plateau équipé de brumisateurs de l'autre (1 400 m2) font le bonheur de tous en période estivale, en particulier des plus jeunes. Tout au long du parcours, six pavillons surmontés d'auvents proposent un abri pour se protéger du soleil ou de la pluie. « Ce parc urbain est un nouveau lieu de convivialité aux usages multiples : la promenade, le repos, les loisirs et la découverte de la biodiversité végétale. Un espace également conçu pour ouvrir des perspectives, remettre en scène des vues, l'horizon des collines et celui de la mer, et permettre de redécouvrir les multiples facettes paysagères de Nice. La pensée végétale d'un ensemble urbain de grande ampleur comme celui-ci constitue un outil sensible pour recréer des liens, des éléments de dialogue entre les composants architecturaux de la ville et la montrer dans une cohérence géographique qui n'était plus perceptible », conclut Michel Péna.

Yaël Haddad

Côté sud, la ripisylve est peu dense et laisse voir à l'extrémité est de la promenade du Paillon les façades rénovées du vieux Nice.

Au sein du jardin Albert 1er, l'essentiel du projet a consisté à ouvrir des vues et à mettre en valeur des éléments architecturaux présents, comme ici la fontaine des Tritons.

La réhabilitation de l'esplanade de la Bourgada met en valeur l'église du Voeu au milieu d'un parterre d'agrumes.

Un espace est réservé à la culture de l'oeillet. Il est dédié à la création d'un conservatoire de l'oeillet niçois, spécialité de la ville.

Sur la promenade du Paillon, un miroir d'eau a été créé après le croisement avec la place Masséna. Et sur les rives, un voyage botanique conduit les marcheurs, joggeurs... en Amérique du Nord.

La promenade propose une vue bien dégagée sur les collines au niveau du plateau des Brumes.

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