Login

" Nos serres sont chauffées par les vaches, via la méthanisation "

Guillaume Haupert est en charge, avec sa mère Véronique, de l'activité horticole de la ferme de La Voivrotte, installée à Lesménils (54), commune située entre Nancy et Metz.

À la ferme de La Voivrotte, à Lesménils (54), la famille Haupert a construit une unité individuelle de méthanisation agricole. Chargé de l'activité horticole avec sa mère Véronique, Guillaume Haupert utilise la chaleur produite par cette installation pour chauffer les serres de l'exploitation depuis deux ans. Cette chaleur renouvelable, diffusée au sol, a permis de réduire de 77 % la consommation de fuel.

Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.

Guillaume Haupert a rempli sa cuve de fuel de 3 000 litres une seule fois cet hiver pour assurer le chauffage de ses 1 000 m2 de serres. « Alors qu'en 2012, j'en avais utilisé 13 000 litres », compare le jeune horticulteur, installé depuis 2011 sur la Ferme de La Voivrotte, à Lesménils (54), entre Nancy et Metz. Il n'a pourtant rien changé à sa production : de l'automne au printemps, les chrysanthèmes et pensées, puis les géraniums, les plantes à massifs et les plants de légumes se sont succédés comme d'habitude sous les serres. Et l'extrême douceur de la météo hivernale n'explique pas à elle seule cette économie d'énergie drastique de 77 %.

L'explication se trouve à moins de 100 mètres de l'entrée des serres, à côté des bâtiments d'élevage de la ferme. Les quatre associés - Guillaume, son frère Olivier également installé en 2011, et leurs parents Véronique et Michel - ont construit là une unité individuelle de méthanisation agricole (lire encadré) mise en route au printemps 2013. D'une puissance électrique installée de 65 kW, elle génère du biométhane qui fait fonctionner un générateur d'énergie électrique vendue à EDF, et de l'énergie thermique issue du refroidissement du moteur. C'est cette chaleur qui a remplacé, pour plus des trois quarts, celle produite jusque-là par les cinq chauffages à air pulsé, au fuel, qui équipent les serres. « Mes parents se sont diversifiés dans la production de fleurs en 2001 et voulaient déjà tirer parti de la chaleur du fumier pour chauffer les serres. Ils n'ont pas trouvé de solution concrète, relate Guillaume Haupert. Puis Olivier a creusé la question durant ses études agricoles, ce qui nous a permis de nous lancer lorsque nous nous sommes installés, en répondant à l'appel à projets du plan de performance énergétique 2010. Notre objectif était de gagner en autonomie sur l'exploitation. »

Désireux de moins dépendre du pétrole et de ses prix fluctuants, Guillaume Haupert souhaitait également trouver une alternative au chauffage au fuel, car il présentait un inconvénient majeur au plus froid de l'hiver : ne pas disposer de suffisamment d'autonomie. « Pour que les chauffages à air pulsé puissent tourner en continu lorsque les températures descendaient à - 10 et - 15 °C, ma mère ou moi devions nous lever à 3 heures du matin pour les réalimenter en fuel ! » Cette contrainte a été supprimée depuis deux ans grâce à l'utilisation de « 80 kW thermiques théoriquement disponibles au niveau de la méthanisation pour les serres ». Et cette valorisation thermique a permis à l'EARL d'optimiser son tarif de revente de l'électricité.

L'eau chaude issue du refroidissement du moteur électrique est acheminée, sur les 50 m de distance le séparant des serres, par un tuyau calorifugé installé sous terre. Ce circuit assure l'arrivée de l'eau (60-70 °C en moyenne) jusqu'à un ballon de 6 000 litres, dont l'eau est ainsi réchauffée, et le retour de l'eau refroidie dans l'autre sens jusqu'au moteur. « Avant la méthanisation, nous chauffions l'air ambiant des serres. Désormais, c'est l'eau réchauffée dans le ballon que nous utilisons, souligne Guillaume Haupert. Il a donc fallu créer tout un circuit, comme on le fait pour mettre en place un chauffage central par le sol dans une habitation. »

L'eau du ballon est répartie en trois « directions » par des conduites : vers les 32 tablettes de culture occupant 280 m2 de serres, vers 560 m2 de serres conduites en cultures directement au sol, et vers un aérotherme qui chauffe le local technique où se trouve le ballon tampon, les stocks, et où se pratiquent les rempotages. À partir de moniteurs, la température de l'eau du circuit est réglée. Dans les serres, Guillaume Haupert a installé lui-même, sous chaque tablette, les serpentins qui délivrent la chaleur aux plantes en pots. « J'ai fixé environ 25 m de tuyau sous chaque table », précise-t-il. Dans la partie en culture au sol, il a également réalisé la pose du circuit de chauffage enterré. « Sur les 9 m de large des serres, à 7 cm de profondeur, j'ai installé du tuyau en polyéthylène haute densité (25 mm) en boucles simples espacées de 2,5 à 3 m », poursuit-il. Soit au total plus de 1,5 km de tuyau posé. Pour s'équiper de ce système, depuis l'entrée du conduit calorifugé dans le local technique jusqu'aux tuyaux diffusant la chaleur aux racines des plantes, « l'EARL a investi 50 000 euros, subventionnés par les conseils départemental et régional », indique l'horticulteur, qui ne compte pas, dans ce montant, les travaux de pose qu'il a réalisés. Parallèlement, de 13 000 euros, sur la base d'un euro par litre (1) par an, la facture de fuel est passée depuis deux ans à environ 3 000 euros/an (même base de 1 euro par litre). Plutôt que de chiffrer un retour sur investissement, qui se fera à moyen terme, Guillaume dresse un bilan des avantages et inconvénients du système.

Le chauffage des serres est directement lié au fonctionnement du méthaniseur. « Donc il doit bien tourner, sous peine d'avoir des soucis sur nos productions horticoles, souligne Guillaume Haupert. Nous avons d'ailleurs subi des pannes successives entraînant des arrêts de fonctionnement du moteur et donc une baisse de fourniture de chaleur. Nous devons résoudre ces difficultés avec notre constructeur. » Les cinq chauffages à air pulsé ont aussi été conservés comme complément de chauffage par temps de gel, ou lorsque des pannes se produisent. « Après les chrysanthèmes, nous n'avons plus que les pensées et les primevères, donc besoin de peu de chaleur entre novembre et décembre. En revanche, comme nos semis démarrent en fin d'année et en janvier, et que les géraniums et surfinias arrivent en micromottes en février, le besoin en chaleur est fort à ces périodes, souvent froides, et un appoint reste indispensable. »

> La chaleur délivrée est plus uniforme et au plus près de la plante avec ce nouveau système, et Guillaume Haupert en mesure les effets en termes de gain de précocité. « Jusqu'à une semaine sur les géraniums et les plantes à massifs, constate-t-il. Lorsque je connaîtrai mieux le chauffage au sol, y compris lors d'années froides que nous n'avons pas encore eu, j'envisage de développer d'autres cultures. Pourquoi pas le poinsettia, le cyclamen ? » Toutefois, l'arrosage des cultures a été augmenté car « ce système de chauffage dessèche davantage que l'air pulsé ». Enfin, les conditions de température constante au niveau des plantes ont permis de développer la protection biologique intégrée. « Environ 12 à 15 °C règnent autour des cultures. C'est idéal pour les auxiliaires comme l'acarien Amblyseius, prédateurs des thrips et des aleurodes, et l'hyménoptère Aphidius (contre les pucerons) : je les utilise désormais régulièrement », conclut le producteur.

Catherine Regnard

(1) NDLR : Le prix du fioul est actuellement nettement au-dessous de ce prix.

L'entrée des serres (à droite) se trouve à moins de 100 mètres de l'unité de méthanisation (en haut à gauche) ; le caisson bleu en arrière-plan abrite le moteur électrique du nouveau système de chauffage.

Sous les tablettes de culture des serres, cheminent les serpentins d'eau chaude qui assurent le chauffage des végétaux en pot.

À la sortie du ballon tampon, Guillaume Haupert régule, sur deux moniteurs, la température de l'eau chaude qui va partir dans les circuits de chauffage des serres. « Elle ne doit pas atteindre plus de 35 °C au maximum, car vers 40 °C le risque est de brûler les racines des plantes », précise-t-il.

Les cultures au sol sont chauffées par des tuyaux en boucles, enterré à 7 cm, où circule l'eau chaude. Lors de leur pose, Guillaume Haupert a dû conserver, d'un bout à l'autre de la serre, la pente de 1 % qui assure la récupération de l'eau d'arrosage en excès via un caniveau de bordure (relié à une cuve).

A découvrir également

Voir la version complète
Gérer mon consentement