" L'Allier, rivière sauvage au coeur du projet urbain de Vichy "
Le service des espaces verts de Vichy (03), dirigé par Dominique Scherer, a recréé et valorisé les liens entre le centre historique de la ville et le plan d'eau formé par le lac d'Allier, tout en renforçant le caractère écologique de la rivière. Ce projet d'agglomération « Vichy Val d'Allier », lancé au début des années 1990 et achevé en 2014, permet aujourd'hui de traverser la cité thermale par des espaces verts.
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« Le projet dépasse le plan local et s'inscrit dans un cadre régional beaucoup plus large, lié à la particularité de l'Allier qui, avec la Loire, constitue une des dernières rivières sauvages européennes », explique Joël Herbach, directeur de l'urbanisme de la ville de Vichy. Le long de ses 420 kilomètres, le cours de l'Allier présente plusieurs aspects bien marqués : les gorges entre la source, dans le département de la Lozère, et la ville de Brioude (43), le Val d'Allier en aval de Brioude et l'Allier de plaine à partir de Pont-du-Château (63), à hauteur de Clermont-Ferrand (63), jusqu'à la confluence avec la Loire. Sur cette dernière partie, la rivière décrit de nombreux méandres au sein d'une vaste zone inondable avec un cours partiellement aménagé et impacté jusqu'au nord de Vichy, et une partie très préservée en aval de Moulins (03). L'Allier est riche de zones humides de faibles profondeurs, de bras morts à certaines époques de l'année, de gravières, de bancs de sable, etc., permettant le développement d'une flore et d'une faune très diversifiées comme la tortue cistude, le balbuzard pêcheur, le guêpier d'Europe, la sterne... L'importante richesse archéologique, le patrimoine bâti historique, les paysages bocagers du Bourbonnais, les techniques traditionnelles, comme la pêche à l'épervier, témoignent de l'occupation très ancienne des rives de l'Allier. La rivière est aujourd'hui encore à la base de nombreuses activités économiques, notamment à travers le tourisme : baignade, canoë, découverte des milieux naturels... Cependant, elle doit faire face à de nouvelles menaces. L'extraction des granulats (interdite depuis la fin des années 1980) a conduit à un abaissement du niveau avec pour effet le déchaussement des ouvrages, la formation d'un chenal, l'effondrement des rives. La culture du maïs modifie les paysages et la qualité de l'eau. Les plantes invasives comme la jussie colonisent les bras morts. La fréquentation touristique peut aussi porter atteinte au milieu.
- La préservation de l'Allier est aujourd'hui devenue un sujet phare, notamment au travers un milieu associatif très riche. Maintenir le caractère morphodynamique (déplacement du lit, dépôts de sables, bras morts...) tout en se préservant des crues a été et reste un des défis des aménageurs. C'est notamment le cas à Vichy. Sous l'impulsion de Napoléon III, la ville thermale s'est développée au XIXe siècle sur la rive droite en se protégeant des inondations par des digues paysagées formant une succession de parcs à l'anglaise (parcs Napoléon et Kennedy). La construction d'un premier barrage a conduit à la formation du lac d'Allier sur le lit de la rivière. La seconde grande période du développement s'est déroulée dans les années 1960, quand le maire, Pierre Coulon, a lancé un ambitieux programme de travaux avec la création, sur la rive gauche, du parc omnisport, la construction du pont-barrage transformant la rivière du nord au sud en un vaste plan d'eau urbain dédié aux activités nautiques, l'édification d'un grand quartier d'habitat social sur les berges et aussi, époque oblige, l'aménagement d'une longue voie de circulation routière deux fois deux voies. Cette artère, comme les digues du XIXe siècle, a créé une rupture entre la rivière et le coeur de l'agglomération. Puis à partir des années 1990, un changement de cap a été entrepris sous l'impulsion du nouveau maire, Claude Malhuret. La politique de développement vise désormais à rétablir la relation ville-rivière : Comment l'Allier peut-il s'inscrire dans le projet de réhabilitation urbaine ? et Qu'est-ce que la cité peut apporter à la protection du cours d'eau dans un contexte territorial beaucoup plus large ? sont les questions posées. L'ambition est de préserver et de renforcer le caractère sauvage de la rivière, de réduire l'impact écologique des grands aménagements réalisés depuis le XIXe siècle comme la retenue d'eau du lac d'Allier.
- Un projet aux multiples étapes. En 1995, la rénovation de la passe à poissons au niveau du pont-barrage a permis la création de l'Observatoire des poissons migrateurs. Cet outil a une vocation scientifique et technique : suivi des migrateurs, notamment le saumon d'Atlantique, relais pour le repeuplement des rivières de l'axe Loire-Allier. Il a aussi une mission pédagogique à travers la sensibilisation des adultes et des jeunes aux enjeux de la protection des espèces.
À partir de 2005, Vichy a vraiment mené un vaste projet de protection et de mise en valeur de l'Allier. La maîtrise d'oeuvre a été confiée à l'agence Axe Saône. L'étude de programmation pluridisciplinaire a généré plusieurs projets d'aménagement, avec pour objectif d'enrichir le cadre de vie des habitants et de renforcer l'attractivité touristique par une valorisation du grand site formé par le lac d'Allier et ses parcs. Parmi ces projets, la transformation de la rive droite a été menée en deux phases de 2007 à 2014. L'axe de travail a reposé autour de la création d'une vaste promenade du nord au sud. La première phase de travaux, réalisée de 2007 à 2009 sur un tronçon d'un kilomètre et demi entre le pont-barrage au nord et la Rotonde au sud, a été la plus emblématique, avec la transformation des boulevards sur berges. « L'emprise de la chaussée a été réduite de quatre à deux voies de circulation au profit d'une large esplanade réservée aux piétons et aux cyclistes », précise Dominique Scherer, directeur des espaces verts de la ville. Au contraire des anciennes voies routières envahies par les véhicules, le nouvel aménagement, ouvert à la fois sur le centre urbain et le cours d'eau, forme un trait d'union entre ces deux entités. Le cheminement reflète les différentes ambiances rencontrées le long du parcours, tant au niveau des matériaux (béton coté ville et platelage bois le long de l'eau) que des végétaux. Pour les nouvelles zones de plantations et pour remplacer l'ancien alignement de cerisiers à fleurs, dont quelques sujets ont été conservés, le bureau d'études a choisi des essences proches des ripisylves (saules, aulnes...) pour marquer le caractère naturel des berges en aval, choix se déclinant progressivement vers des essences botaniques en se rapprochant des parcs paysagers au nord. Le mobilier urbain (bancs, bornes d'information, poubelles, éclairages) a été dessiné dans le même objectif, les motifs s'inspirent de détails architecturaux observés sur le patrimoine bâti de la cité thermale. « Le succès auprès des Vichyssois a été immédiat », s'enthousiasme Dominique Scherer. « Cette première esplanade a suscité l'engouement des élus, dont il faut souligner le courage politique, comme des habitants qui ont véritablement redécouvert leur rivière, et apporté leur soutien au projet dans son ensemble. Le succès de l'opération est aussi le fruit d'une collaboration étroite entre le bureau d'études et les différents services de la ville. » Tout d'abord conduit par les architectes du service urbanisme, le pilotage des projets passe ensuite directement aux mains des ingénieurs des services techniques (espaces verts ou voirie).
- Depuis 2014, 5 kilomètres de voies vertes le long de la rivière pour traverser la ville. En 2013, Vichy a engagé le chantier sur l'autre moitié de la rive droite, de la Rotonde à la plage des Célestins. Ces 1 500 autres mètres sont totalement différents de la première esplanade, avec deux parcours : l'ancienne voie thermale en haut des digues en surplomb du lac et un parcours en partie basse, le long des rives de l'Allier. Plusieurs objectifs étaient en ligne de mire :
- renaturation des berges en amont permettant de reconstituer un habitat naturel de bord de rivière, avec la suppression des enrochements existants, l'adoucissement des pentes et la stabilisation de la berge par des techniques de génie végétal et des plantes hélophytes ;
- mise en valeur de la promenade sur la digue Napoléon III par des ouvertures sur les parcs paysagers d'un côté et sur les rives de l'autre, une recherche particulière au niveau des matériaux et du mobilier urbain, notamment les bornes d'éclairage conçues en forme de colonnes fuselées qui éclairent et mettent en scène le parcours par des leds à changement de couleur ;
- relance des activités touristiques sur la partie des berges, avec réouverture au public de la plage des Célestins (dès 2007), développement des activités guinguette et restauration. Huit établissements proposent de profiter des terrasses en bord de l'Allier, autour d'ambiances et d'installations variées (aires de jeux, mini-golfs, jeux d'eau, tables de pique-nique, etc.). Les anciennes constructions plus ou moins hétéroclites ont été remplacées par de nouvelles cabanes créées à partir de conteneurs et décorées avec les mêmes motifs que le mobilier urbain. Les berges, jusqu'au sommet des digues, sont situées sur le domaine public fluvial. La gestion de ces zones se fait en accord avec l'État. Le PPRI (Plan de prévention des risques d'inondations) fixe les règles en matière d'aménagement et occasionne quelques contraintes particulières, notamment au niveau des digues sur lesquelles les excavations lors des travaux de rénovation de la promenade ne pouvaient pas excéder 50 cm de profondeur. Les locataires des installations touristiques étaient jusqu'à présent liés à l'État par des autorisations précaires et révocables, sans caractère durable. Pour donner une lisibilité à plus long terme, jusqu'à dix ans, leur permettant d'investir dans la rénovation de leurs structures, une convention pluriannuelle associant la ville de Vichy, désormais gestionnaire du site, et les locataires a été signée en 2012 avec les services de l'État. Cette seconde phase de travaux en continuité de l'esplanade s'est achevée en 2014. Aujourd'hui, traverser à pied la cité thermale du nord au sud, en longeant la rivière, c'est emprunter uniquement des espaces verts et des promenades arborées sur plus de cinq kilomètres...
Claude Thiery
La renaturation des berges, en amont, a permis de reconstituer un habitat naturel au bord de la rivière : suppression des enrochements, adoucissement des pentes et stabilisation de la berge par des techniques de génie végétal et des plantes hélophytes. PHOTO : L. PLANCKE
La promenade sur la digue Napoléon III a été mise en valeur par des ouvertures sur les parcs paysagers et sur les installations variées (aires de jeux, mini-golfs, jeux d'eau, tables de pique-nique, etc.) situées en bord de rive. PHOTO : L. PLANCKE
En certains points, l'emprise de la chaussée a été réduite de quatre à deux voies de circulation au profit d'une large esplanade réservée aux piétons et aux cyclistes. PHOTO : L. PLANCKE
La relance des activités touristiques sur la partie des berges a été l'un des objectifs de l'aménagement. PHOTO : L. PLANCKE
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