" Un territoire agriurbain dynamique qui soutient les producteurs "
Brigitte Bouvier, présidente du Triangle Vert de l'Essonne, et Christel Stacchetti, chargée de mission, ont expliqué, lors des visites organisées dans le cadre des dernières journées nationales de l'Astredhor (*), comment leur association permet un développement territorial basé sur la préservation d'une activité agricole périurbaine et de la qualité de vie des habitants, dans un contexte de forte pression urbaine.
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« En quittant Paris vers le sud par la N20, le premier paysage rural que l'on découvre, au nord du département de l'Essonne, c'est le territoire du Triangle Vert. S'il a pu être préservé depuis l'après-guerre jusqu'à aujourd'hui, malgré les pressions foncières et les infrastructures routières qui n'ont cessé de s'implanter, c'est grâce à l'opiniâtreté d'une personne, Jean-Marc Bernard, architecte paysagiste et maire de Saulx-les-Chartreux (91) de 1959 à 1989. Il a fait en sorte de préserver les espaces naturels et agricoles et de conserver un périmètre urbanisé constant sans céder à l'engouement pour la construction de lotissements, tout en accueillant de nouveaux habitants. Sa démarche a suscité l'intérêt de plusieurs élus des communes alentours et notamment de Thierry Laverne, concepteur paysagiste de renom alors élu de Marcoussis (91). Les réflexions ont abouti à la création en 2003 d'une association, le Triangle Vert des villes maraîchères du Hurepoix, dont ce professionnel a assuré la présidence jusqu'en 2014. Le credo est simple : le maintien d'un équilibre entre ville et campagne au sein d'un territoire où les espaces agricoles constituent la principale richesse, la conservation de la qualité de vie des habitants, des activités qui s'y déroulent et des paysages qui la composent », explique en préambule Brigitte Bouvier, actuelle présidente de l'association et maire-adjointe de Saulx-les-Chartreux.
Une association tripartite pour développer un principe de solidarité. « Triangle Vert a eu dès le départ pour objectif de développer une approche globale et un projet de territoire cohérent pour l'ensemble des communes, ajoute Brigitte Bouvier. Cela constituait une démarche originale à double titre, car il n'existait pas d'intercommunalité et les élus n'étaient pas tous du même bord politique... Triangle Vert est un espace de dialogue, de partage et de coordination, un outil de promotion et d'animation. Il comporte trois collèges représentant les communes au travers des élus, des agriculteurs et des usagers. » Il s'appuie sur un comité de pilotage composé de membres des ministères de l'Agriculture et de l'Écologie, de la région Île-de-France, du département de l'Essonne, de la chambre d'agriculture, de la Safer (Société d'aménagement foncier et d'espace rural), des syndicats de bassins concernés, du Conseil d'architecture, d'urbanisme et de l'environnement (CAUE) de l'Essonne, et de l'École nationale supérieure de paysage (ENSP) de Versailles (78). Des étudiants avaient été sollicités en 2001 pour analyser l'état des lieux et les potentialités d'évolution. Ils avaient fait mention de risques de cessation de l'activité agricole pour plusieurs exploitants, du fait des difficultés liées à l'exercice de celle-ci dans un contexte urbain tendu, avec notamment des déplacements complexes, des détériorations ou des vols sur les parcelles, des pressions pour la conversion des terres en zones constructibles... Les axes de travail de l'association concernent aussi bien les communes et agriculteurs que le grand public.
Sécuriser le foncier. Pour les communes, le Triangle Vert a d'abord pour vocation d'aider à la maîtrise du foncier pour limiter l'étalement urbain et donner confiance aux agriculteurs qui souhaitent maintenir ou créer une activité. « Nous avons ainsi apporté notre soutien pour l'élaboration des conventions communales de veille foncière avec la Safer Île-de-France ou à des dossiers permettant la définition de périmètre régional d'intervention foncière (PRIF) avec l'Agence des espaces verts de la région Île-de-France (AEV). Par le biais d'une convention de partenariat, ces espaces sont achetés par l'AEV pour en préserver la destination agricole, forestière ou d'espace naturel. À Saulx-les-Chartreux, par exemple, l'AEV a racheté 10 ha qui sont désormais loués à de jeunes exploitants et ont permis le développement d'une Amap (Association pour le maintien d'une agriculture paysanne), d'une activité de maraîchage biologique, et l'installation d'une boulangerie paysanne. Nous avons aussi lancé un inventaire des friches afin d'évaluer les possibilités de retour à une activité agricole pour certaines. Nous travaillons avec le CAUE 91 sur l'analyse du traitement des limites entre espaces urbanisés et agricoles dans le but de proposer un guide de recommandations pour améliorer l'intégration paysagère de ces interfaces aux élus locaux », précise Christel Stacchetti, chargée de mission au Triangle Vert. L'association participe également aux travaux de révision des documents de planification supra-communaux, schéma directeur de la région mais également de l'opération d'intérêt nationale du Plateau de Saclay (91), à laquelle le territoire du Triangle Vert est rattaché depuis le 1er janvier 2016. Les missions portent aussi sur la trame verte et bleue intercommunale avec notamment l'étude de la revalorisation d'anciens vergers et jardins privés à Saulx-les-Chartreux, la réintroduction de haies à Nozay (91), le développement de vergers pédagogiques à Villebon-sur-Yvette (91) ou la renaturation des berges des cours d'eau. L'association réunit ses membres une fois par trimestre pour faire le point et échanger sur les dossiers en cours et les projets à venir.
Soutenir les agriculteurs. L'accompagnement porte sur des aides techniques et sur des démarches de valorisation des productions. « L'une de nos premières actions a été de mener une réflexion approfondie pour répondre aux attentes des agriculteurs démunis face aux dégradations ou aux vols dans les champs, ainsi qu'aux difficultés de circulation sur les exploitations et dans les communes. Les échanges nous ont permis d'aboutir à différentes propositions efficaces car elles ont été coordonnées à l'échelle du territoire : instauration de tournées supplémentaires de gendarmes dans les périodes sensibles, inscription à un service d'alerte avec la chambre d'agriculture, plantations de haies végétales champêtres défensives, installation de barrières sur les chemins agricoles pour limiter les intrusions de véhicules et les dépôts sauvages, reconstruction d'un pont pour faciliter les déplacements, création de chemins pour les tracteurs et de zone de débourbage pour éviter les dégradations des chaussées communales. L'aide technique, c'est aussi l'élaboration de dossiers de co-financement pour l'achat de matériels ou de hangars ou pour la conversion en agriculture biologique. Si l'association est ouverte à toutes les formes d'agriculture, nous oeuvrons pour un développement durable du territoire et de ce fait, les agriculteurs investis dans notre structure ont tendance à s'orienter de plus en plus vers des démarches plus respectueuses de l'environnement et de leur santé », souligne Christel Stacchetti. Cette stratégie implique également une réflexion sur une valorisation locale des productions. Le Triangle Vert intervient pour favoriser le plus possible les circuits courts et pour trouver de nouveaux débouchés : vente à la ferme, Amap, opérations sur les marchés forains, mise en place de partenariats pour l'approvisionnement des cantines scolaires, contribution à la structuration d'une filière locale comprenant en particulier une conserverie coopérative en partenariat avec les Potagers de Marcoussis, une association d'insertion professionnelle par le maraîchage biologique, et une brasserie artisanale.
Sensibiliser le public. Parce qu'un projet de territoire ne se construit pas sans ses habitants, le Triangle Vert a toujours souhaité associer les usagers. Diverses actions sont menées pour sensibiliser, informer et faire participer la population. Ainsi, pour améliorer la connaissance du monde rural, des itinéraires de promenade ont été créés, des visites de fermes sont organisées et un projet de kit pédagogique à destination des plus jeunes est à l'étude. À noter que la présence accrue de promeneurs à proximité des cultures a suscité quelques inquiétudes. Mais celles-ci se sont vite dissipées car les exploitants ont constaté qu'elle avait pour effet positif de contribuer à faire baisser les actes de vandalisme. Un observatoire des paysages photographiques est en cours d'élaboration en partenariat avec le CAUE 91. Il constituera un élément de sensibilisation du public mais également un outil d'analyse de l'évolution du territoire au fil des années. Pour lutter contre les déchets et les dépôts sauvages sur les espaces ruraux, des fiches d'information sont désormais intégrées dans les dossiers d'instruction des permis de construire. Cette action est complétée par la pose de panneaux à l'entrée de certains sites sensibles et des journées de ramassage collectif sont proposées dans l'année. « La communication ne s'arrête pas aux seuls habitants du Triangle Vert. Nous recevons régulièrement la visite d'élus, de professionnels et de chercheurs des secteurs de l'architecture, de l'urbanisme, du paysage ou de l'agriculture », ajoute Brigitte Bouvier.
Une structure reconnue. « Depuis fin 2014, la reconnaissance du projet par la communauté d'agglomération Europ'Essonne (14 communes) à laquelle nous appartenons et qui est désormais intégrée depuis le 1er janvier 2016 au sein de l'opération d'intérêt national Paris Saclay, représente une grande fierté pour tous les membres de l'association du Triangle Vert. Notre projet est ainsi reconnu comme une solution pour faire qu'un territoire soit attractif à la fois en termes de développement économique, de réponses aux attentes sociales d'habitats, de qualité de vie et de préservation de l'environnement », conclut Brigitte Bouvier.
Yaël Haddad
(*) Les journées techniques nationales de l'Astredhor ont eu lieu les 20 et 21 janvier 2016. Elles portaient sur le thème « Horticulteurs, pépiniéristes, paysagistes, des spécialistes au coeur de l'agriculture urbaine ».
Vue aérienne de Saulx-les -Chartreux (91), au sein du Triangle Vert, premier paysage rural que l'on découvre, au nord du département de l'Essonne, en quittant Paris par la N20. PHOTO : THIERRY LAVERNE
L'un des jardins privés implanté sur le coteau de Saulx-les-Chartreux qui fait l'objet d'une revalorisation en vue de son intégration dans la « trame verte et bleue ». PHOTO : CHRISTEL STACCHETTI
Exploitation maraîchère à Villebon-sur-Yvette (91). PHOTO : CHRISTEL STACCHETTI
Des actions de sensibilisation aux métiers agricoles sont menées avec des enfants du territoire. Ici, une classe de CE2 de Palaiseau (91), venue en juin 2015 découvrir un verger de l'EARL Mascetti, à Marcoussis (91). PHOTO : CHRISTEL STACCHETTI
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