Patrimoine arboré Avant de bien élaguer, bien conseiller !
Un professionnel de l’arbre doit savoir quand et dans quelle mesure intervenir, quel matériel utiliser… Mais il doit aussi connaître la législation pour guider un client qui l’ignore trop souvent, au risque d’enfreindre la loi…
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Lors d’une conférence consacrée aux arbres, pendant la dernière édition de Territorium, près de Bordeaux (33) en septembre 2023, Pierre Darmanté, qui a créé Airial, une société d’élagage basée dans les Landes, a tenu à alerter les participants sur les risques que prennent parfois certains donneurs d’ordre lorsqu’ils font intervenir des entreprises d’élagage. Mais également sur la responsabilité qu’ont ces dernières dans la connaissance de la législation, de plus en plus complexe, et le rôle de lanceur d’alerte qui est le leur vis-à-vis de leurs clients.
Il a présenté le cas d’une commune de son département qui souhaitait abattre 53 chênes anciens pour réhabiliter un site historique. Au cœur du Parc naturel régional des Landes de Gascogne, une équipe municipale fraîchement élue relance ce projet avec l’aide du parc et des services de l’État, en l’occurrence l’architecte des Bâtiments de France, le site créé par Napoléon III étant classé. Le dossier est confié à un concepteur paysagiste, afin de réhabiliter le bâti, aménager des cheminements et renouveler le patrimoine végétal vieillissant.
De forts obstacles réglementaires sous-évalués !
Visiblement, ce patrimoine « n’avait pas été évalué en première analyse comme un élément essentiel, note Pierre Darmanté. Airial a découvert ce projet à l’été 2022, alors que la commune lui demandait une estimation du coût des travaux d’entretien sur la base d’une expertise confiée à un cabinet dit “spécialisé’’ par le maître d’œuvre. Mais il est apparu très rapidement que la volonté de renouvellement et de rajeunissement du patrimoine arboré allait prévaloir sur toute autre volonté de préservation et que cette velléité allait être sans nul doute, dans le contexte actuel, une source de polémiques et se heurter à de forts obstacles réglementaires, notamment de protection des habitats d’espèces protégées, nullement évoqués par les “experts’’ ».
Les 53 chênes, âgés de plus de 150 ans, constituent en effet l’habitat d’un grand nombre d’espèces protégées, grand capricorne du chêne, oiseaux cavernicoles, chiroptères… « Nous avons alerté courant 2022 madame la maire par courrier de la faiblesse de l’expertise sur laquelle s’appuyait le programme de travaux et des risques de contentieux que la commune pouvait avoir à affronter en proposant l’abattage de près de la moitié du patrimoine arboré entourant les bâtiments », poursuit Pierre Darmanté.
En mairie, Airial informe les parties prenantes des enjeux réglementaires sous- évalués. « Tout le monde a vite compris qu’il fallait revoir la copie. Une nouvelle rencontre suivie d’une visite sur le terrain, à laquelle participaient d’autres personnes ressources, notamment un naturaliste du parc spécialiste des chiroptères, a permis de poser les bases d’un projet plus respectueux du patrimoine arboré existant. Airial a proposé de réaliser un diagnostic de chaque arbre et d’élaborer avec le naturaliste un guide technique à l’attention des élagueurs afin que les habitats puissent être bien identifiés et, autant que faire se peut, préservés et que les périodes d’intervention soient bien réfléchies », poursuit l’intervenant.
Des questions techniques, mais aussi législatives !
Pierre Darmanté a listé les sujets posés par ce cas particulier. D’un point de vue technique, d’abord : comment maintenir sur pied des sujets en fin de vie extrêmement altérés et bien évidemment abondamment colonisés par des espèces protégées ? Quelles essences sélectionner afin d’enrichir le patrimoine existant dont le dépérissement pourrait être accéléré par le réchauffement climatique ?
« Ce type de dossier montre qu’il reste un effort important à mener pour chacun à la prise en compte de la biodiversité au quotidien. Le sujet peut être ardu quand la recherche de sécurité peut quelquefois apparaître en contradiction avec cette protection des espèces menacées. Les décideurs, notamment les maires des petites communes, sont souvent désarmés, faute d’expertise fiable disponible. La profession “expert arbre d’ornement, tenue mécanique’’ n’est, à ce jour, toujours pas réglementée et l’expertise au niveau de ces services de l’État qui sont chargés d’instruire les demandes de dérogation est quasiment inexistante… » insiste Pierre Darmanté.
Le code des communes rappelle aux maires qu’ils sont « chargés de tout mettre en œuvre pour faire cesser tout danger menaçant la sécurité des biens et des personnes » !
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