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Jeux olympiques et paralympiques Le podium des fournisseurs de végétaux difficile à établir

Derrière l’ensemble des sites olympiques, se cachent plusieurs réalités, avec deux grands aménagements, le village des athlètes sur cette photo, et le cluster médias.

Les JO, qui vont débuter dans les prochains jours, ont généré leur lot de coups médiatiques autour de la place du végétal et de leur origine. Mais l’événement mondial aura bien contribué à porter le marché de la pépinière ces dernières années, même s’il est difficile d’en déterminer le volume. Et ce n’est pas terminé !

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Sans surprise, alors que les Jeux olympiques commencent le 26 juillet prochain, la phase préparatoire n’aura pas manqué de débats et de controverses. Cela aura été le cas auprès de la société civile, avec, par exemple, il y a quelques mois, une mobilisation pour sauver de vieux arbres qui devaient être abattus au Champ-de-Mars pour faire place à des installations sportives. Et cela s’est aussi vérifié au sein de la filière : nous avons notamment relayé le mois dernier (Le Lien horticole n° 1136, page 10) le communiqué des producteurs d’Île-de-France s’insurgeant de la plantation de nombreux arbres dans Paris, à la Porte Maillot, provenant de pépinières allemandes.

Pourtant, de leur côté, plusieurs pépinières de l’Hexagone affirment avoir livré des arbres, arbustes ou vivaces pour des aménagements liés à l’événement sportif. Alors, que retenir de ce marché, ou plutôt de ces marchés ? Qu’ont représenté et représentent encore – et ça va encore durer quelques mois – les Jeux pour la production nationale ? Difficile à dire, mais nous avons tenté d’en savoir plus…

Plus de 50 000 vivaces venues du Nord

Après la publication du fameux article concernant les plantations de la Porte Maillot, Vincent Rosiers, pépiniériste dans le Nord (Les Pépinières de Landas), a réagi avec surprise. Son témoignage a été publié sur notre site internet le 6 juin dernier : « Nous avons fourni plus de 50 000 vivaces pour le village olympique et le pôle médias. Certes, elles ont été commercialisées par Willaert (un grossiste basé en Belgique toute proche, NDLR), mais elles ont été produites chez nous, en France, et n’ont à aucun moment transité par la Belgique pour venir être plantées dans les sites olympiques. L’entreprise étant labellisée HVE, ces plantes ont été cultivées dans des pots 100 % biodégradables, dans des conditions de production respectueuses de l’environnement. » Pour Vincent Rosiers, qui s’est lancé dans la production après l’obtention d’un bac professionnel au lycée horticole de Lomme, tout près de son travail actuel, dans les années 2000, « c’est le volontarisme écologique de son entreprise qui a été récompensé à l’occasion de cet appel d’offres ». Il produit environ 800 000 plantes par an, qu’il commercialise auprès des collectivités et entreprises du paysage, ainsi qu’en direct au sein de l’exploitation, dans un point de vente du réseau HPF. Le large relais médiatique obtenu en ayant décroché un marché pour les JO lui a d’ailleurs permis de bien travailler ce printemps en vente directe, alors que la période a été pour le moins compliquée pour la filière !

Vincent Rosiers, pépiniériste dans le Nord (Les Pépinières de Landas) : « Nous avons fourni plus de 50 000 vivaces pour le village olympique et le pôle médias. (© Pépinières Landas)

La Solidéo, une structure éphémère aux règles précises

En réalité, derrière l’ensemble des sites olympiques se cachent plusieurs réalités, avec deux grands aménagements : le village des athlètes et le cluster médias, pour lesquels des appels d’offres particuliers ont été passés, et des sites aménagés pour l’occasion mais par différents maîtres d’ouvrage selon des modalités qui leur ont à chaque fois été propres.

Le village qui va accueillir les sportifs qui se disputeront les médailles au cours de l’été et le pôle où les journalistes commenteront leurs performances ont été réalisés par une structure créée pour l’occasion, la Solidéo (Société de livraison des ouvrages olympiques), qui disparaîtra après les Jeux. Mise en place fin 2017 pour assurer la maîtrise d’ouvrage des chantiers, cette société – qui comprenait au départ deux salariés et en compte 150 aujourd’hui – a géré une enveloppe de travaux de 1,7 milliard d’euros. Son objectif était de livrer en temps et en heure les infrastructures, en respectant les budgets et les programmes définis par les organisateurs. Parmi les défis qui avaient été lancés, dès le départ, se trouvait la réduction de moitié de l’empreinte carbone des constructions, qui devaient ne générer que 650 kg de CO2 par mètre carré bâti contre 1 300 habituellement, ou le recours massif à la bioclimatisation et aux plantations, pour favoriser le rafraîchissement de l’atmosphère grâce à l’évapotranspiration ainsi que la biodiversité. Des valeurs et des engagements tout à fait dans l’air du temps aujourd’hui.

Les Pépinières de Landas sont labellisées HVE et les plantes destinées aux marchés des JO ont été cultivées dans des pots 100 % biodégradables. (© Pépinières Landas)

Quatre lots sur cinq attribués à la production française

Sous la houlette d’une direction « sensible » au sujet de la végétation, en premier lieu via son directeur, Nicolas Ferrand, deux paysagistes ont œuvré à la mise en place du programme de végétalisation des deux sites parisiens visés par l’action de la Solidéo. Henri Specht, directeur de projet, et Vivien Corre, responsable de projet espaces publics au sein de la structure, ont ainsi présidé à l’aménagement des structures vertes sur 120 ha, 50 pour le village des athlètes et 70 pour le pôle médias. Dans leur volonté de départ dominaient le souci d’utiliser un minimum de terres végétales importées et celui d’acheter en direct les végétaux pour pouvoir assurer autant la qualité que les volumes à implanter. Les deux tiers des substrats de plantation ont donc été confectionnés sur place, à partir de déchets de chantier. Quant aux achats de végétaux, les appels d’offres ont été rédigés dès 2021 avec l’établissement de contrats de culture pour assurer la disponibilité des lots. Leur objectif était de favoriser des achats de proximité autant que faire se peut, et visait aussi à réussir des plantations de qualité destinées à durer malgré les changements du climat, en ayant recours en grande partie à des plantes labellisées Végétal local. Cinq lots ont été définis, avec pour mission d’acheter des jeunes plants, toujours labellisés Végétal local, de gros arbres et des vivaces.

Le premier lot pour le village des athlètes, constitué d’arbustes, est revenu au GIE Pépinières franciliennes, qui regroupe sept pépinières d’Île-de-France, le deuxième, portant sur de grands arbres, également au GIE associé aux pépinières Daniel Soupe (01), Guillot-Bourne II (38) et Chauviré (49). Côté pôle médias, à nouveau un lot de jeunes plants Végétal local est revenu au GIE Pépinières franciliennes, un second constitué de grands arbres a été attribué à une pépinière allemande. Enfin, le lot d’arbustes et vivaces étant destiné de nouveau au GIE, cette fois avec les pépinières Lepage. « Quatre lots sur cinq ont été attribués à des producteurs français », conclut Vivien Corre.

Associé ou pas, selon les lots, à d'autres pépinières françaises, le GIE des Pépinières Franciliennes a décroché 4 lots sur les 5 attribués par la Solidéo. (© Pépinières Franciliennes)

Une portée pour la filière difficile à évaluer

Il semble difficile de chiffrer l’ensemble des aménagements qui auront été réalisés en France pour accueillir les prochains jeux Olympiques et Paralympiques, et surtout leur impact sur la production horticole. En effet, des compétitions auront lieu dans de nombreuses communes et divers sites dans Paris, chacun ayant ou non fait l’objet d’aménagements paysagers. De plus, comment évaluer si tel ou tel chantier dans la capitale est lié directement aux JO ? Si la Solidéo permet un regard direct et global sur ses propres aménagements, d’autres ont été le plus souvent réalisés par différentes entreprises du paysage. Ainsi, les pépinières Chauviré, par exemple, ont bien livré plus de 200 gros arbres sur un lot commun avec le GIE Pépinières franciliennes. Mais, depuis 2021, plus de 200 000 plantes ont aussi été vendues à la Ville de Paris, l’un de leurs clients habituels. « Nous leur avons livré des plantes les plus diverses, du godet au gros sujet d’arbre », précise Gaëlle Moreau, responsable de la communication de l’entreprise, qui ajoute que le site de la piscine olympique, qui se trouve près du Stade de France, a aussi été l’objet de la livraison par Chauviré de plus de cinquante arbres, achetés cette fois par France Environnement.

Il est évidemment encore moins facile d’estimer quelle est la part de végétaux qui auront été livrés par la production française. Et si la démarche de la Solidéo semble avoir été plutôt favorable aux entreprises de l’Hexagone, impossible de mesurer le comportement des autres chantiers. Mais on peut noter que l’aménagement qui a provoqué la colère des producteurs d’Île-de-France le mois dernier est celui de la Porte Maillot, avec une maîtrise d’ouvrage assurée par la Ville de Paris…

Les Pépinières Franciliennes ont livré des arbustes, en partiuclier sous la marque "Végétal Local", et des arbres. (© Pépinières Franciliennes)

Un effet Jeux jusqu’en 2026

L’impact de l’événement sportif sur la filière ne s’arrêtera pas en septembre, quand les athlètes seront rentrés chez eux. Le village olympique ou l’espace réservé au restaurant – qui aura servi en seulement quelques semaines des milliers de repas – vont devenir des endroits où vont vivre les habitants de la région parisienne, appartements ou autres infrastructures commerciales. Une période « de transition » a été prévue par la Solidéo pour assurer cette mutation, et des végétaux sont toujours en culture sous contrat dans des pépinières pour livrer les plantes qui permettront de gérer au mieux cette phase. Ces contrats courent pour certains jusqu’en 2026. Mais une fois de plus, ce constat vaut pour les aménagements gérés par la Solidéo.

Dans le souci de créer des espaces riches en biodiversité pour l'avenir, la gamme végétale a été largement orientée vers des végétaux locaux, comme ces Sambucus. (© Pépinières Franciliennes)

Pour les autres sites, l’effet post-Jeux sera peut-être plus contrasté. Pour le marché de la pépinière, le moteur de la volonté de verdissement des villes devra prendre le relais, en espérant que le rendez-vous mondial de l’été 2024 à Paris aura apporté sa pierre à l’édifice de la ville verte !

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