Le réaménagement de la porte Maillot, dans le 17e arrondissement de Paris, a été un chantier porteur de multiples enjeux.
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Il s’agit de la limite entre Paris et Neuilly-sur-Seine (92), mais, surtout, la porte se trouve sur l’axe reliant le Louvre (1er arrondissement) à la Grande Arche de la Défense (92), en passant par les Champs-Élysées (8e), l’arc de Triomphe (8e), l’avenue de la Grande-Armée (16e et 17e). Un axe historique que le rond-point créé à une sortie du boulevard périphérique – à une époque où il fallait faire place à la voiture triomphante – venait rompre.
Autre enjeu, l’endroit marque la limite nord du bois de Boulogne, poumon vert de l’Ouest parisien. Mais, pour s’y rendre, les piétons ou cyclistes devaient faire preuve de patience et de prudence avant de traverser les axes de circulation, très denses, tant leur sécurité était loin d’être garantie.
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Enfin, troisième enjeu, le site, où est implanté depuis longtemps le palais des Congrès, est devenu un nœud de transports en commun particulièrement important. Il y a peu encore, seuls les métros de la ligne 1 – celle justement de l’axe Louvre-La Défense – et le RER C, qui se contorsionne le long de la Seine dans un tracé assez improbable, desservaient les lieux. Récemment, le prolongement de la ligne E du RER et le tramway 3b sont venus renforcer la desserte. Et des bus partent vers l’aéroport de Beauvais (60), la porte d’entrée ou de sortie de la capitale pour les adeptes de l’avion low-cost. Ces transports en commun sont pour certains souterrains et n’impactent pas forcément l’espace extérieur… Mais il leur faut des accès extérieurs, des correspondances, en aérien ou en souterrain, pour les relier entre eux. Tout cela a une influence indéniable sur l’organisation de l’espace. Et si le tramway est bien, pour sa part, aérien, il vient couper l’axe principal au niveau du boulevard Pereire (17e) – appelé boulevard des Maréchaux comme tous les grands axes ceinturant la capitale –, constituant donc un point à gérer, même s’il permet au passage de créer un « axe vert » perpendiculaire au premier…
À cette litanie un dernier élément est venu s’imbriquer dans la réflexion qui entourait le chantier : un bâtiment qui en son temps a défrayé la chronique, « Mille Arbres », devait être construit près du palais des Congrès… Il a finalement été abandonné sous la pression des riverains, mais au moment où a été passé l’appel d’offres pour lancer les opérations, il était encore dans les cartons !
Faire entrer le bois de Boulogne dans Paris
C’est face à l’ensemble de ces enjeux que s’est retrouvé Empreinte, bureau de paysages lillois qui a remporté l’appel d’offres à la fin de l’année 2018. La volonté de supprimer le rond-point devant le palais des Congrès et de réduire de plus de 40 % la surface consacrée à la voiture ouvrait un immense espace qui devait certes faire face aux multiples contraintes évoquées, mais qui proposait dans le même temps de belles perspectives d’aménagement.
La volonté première du concepteur a été de redonner toute sa force à l’axe historique de la ville. Le lieu n’est pas marqué par un monument, à l’instar de l’obélisque sur la place de la Concorde (8e arrondissement) ou de l’arc de Triomphe place Charles-de-Gaulle (anciennement de l’Étoile), voire la Grande Arche un peu plus loin à l’ouest. Qu’à cela ne tienne, c’est le bois de Boulogne qui sera le monument de la porte Maillot. Il vient lécher l’espace, il suffit de redonner toute l’attention sur lui, de créer une liaison plus facile avec cette ancienne chasse royale de près de 850 ha, pour qu’elle devienne l’acteur principal des lieux.
Pour réussir ce pari et celui avancé par le maître d’ouvrage, la SPL, à savoir « transformer le vaste rond-point sans intérêt en une place publique largement végétalisée », Empreinte a proposé de faire entrer le bois de Boulogne dans la ville quasiment jusqu’aux portes du palais des Congrès. Pour réussir cette mission, le choix a été fait de planter une trame de grands arbres et de respecter la palette végétale du bois, un mélange d’essences indigènes forestières, beaucoup de pins, Pinus nigra, mais aussi P. sylvestris, des chênes, au sein duquel on trouve une collection botanique du xixe siècle. Les paysagistes ont imaginé « adapter ce modèle aux enjeux du xxie siècle » en y intégrant la notion de résilience climatique.
?si=n3IdJawHg7fcQB2pDeux jardins qui se succèdent
Concrètement, devant le palais des congrès, un jardin sur dalle de 12 000 m2 a été essentiellement planté de petits arbres et de vivaces. Il laisse place à de nombreux aménagements urbains, les sorties du RER par exemple, le tramway, mais aussi des espaces de stationnement et de circulation pour les vélos, etc.
Après ce jardin sur dalle se trouvent l’axe de circulation principal, avec deux voies réservées aux voitures, une pour les bus, ainsi que des pistes cyclables. L’essentiel des surfaces gagnées sur la voiture ont été consacrées aux piétons et aux vélos, mais aussi et surtout aux espaces plantés, avec un gain de plus de 2 ha.
Une fois cet axe de circulation franchi, le square Alexandre-et-René-Parodi (16e), la zone dans laquelle ont été plantés les grands arbres, représentant le prolongement du bois de Boulogne sur 3,6 ha. Il mène aussi le piéton ou le cycliste vers le bois. Le boisement de ce square a été réalisé en plusieurs strates plantées en mélange terre-pierres. Les grands pins, plutôt des sylvestres car les pins noirs étaient peu disponibles en pépinière – qui pour certains mesurent plus de 12 m de hauteur –, alternent avec de grands sujets d’autres espèces, locales ou plus exotiques, Carya laciniosa ou érable de Montpellier, par exemple. Cette strate haute accueille au-dessous des arbres moyens en devenir, culminant à moins de 8 ou 10 m, de jeunes arbres de moins de 5 m, puis encore au-dessous des arbustes, baliveaux et jeunes plants forestiers, puis des vivaces et enfin, encore plus près du sol, des bulbes et semis.
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D’autres aménagements à venir
C’est la partie du parc qui fera l’objet des aménagements encore en projet. En effet, une partie avait été conservée en pelouse pour y installer des logos des anneaux olympiques et paralympiques en gravier. Ils seront amenés à disparaître pour faire place à de nouvelles plantations.
Alors qu’une réflexion est en cours pour repenser les aménagements des Champs-Élysées (voir Le Lien horticole n° 1098 de septembre 2020), une autre a vu le jour : elle concerne l’avenue de la Grande-Armée, qui relie l’arc de Triomphe à la porte Maillot. Petit à petit, c’est l’ensemble de la perspective, du jardin des Tuileries (1er arrondissement), jusqu’à la Grande Arche de la Défense, qui pourrait devenir un axe non seulement structurant pour la ville, mais aussi un couloir de verdure !