Opération séduction du nouveau consommateur
Le projet Créa’Gam 2, qui vise à rajeunir la clientèle des produits horticoles et à lui délivrer plus d’idées, vient de rendre son verdict. Vendre des plantes en fonction de leur usage séduit, mais la difficulté reste d’apporter davantage d’humain et de conseil au sein du point de vente...
Vous devez vous inscrire pour consulter librement tous les articles.
Afin de faire connaître les résultats de leur projet de recherche Créa’Gam 2, financé conjointement par Val’hor et FranceAgriMer, Astredhor et l’ESA* d’Angers ont proposé le 6 janvier un webinaire sur le thème « Commercialiser des végétaux en fonction de leurs usages et des attentes des consommateurs ». Anne-Laure Laroche, coordinatrice du projet pour Astredhor, et Ronan Symoneaux, chargé de recherche à l’ESA, ont présenté les résultats de cinq années de travaux, débutés en 2016.
Créa’Gam a été lancé sur la base du constat que ceux qui achètent des plantes sont vieillissants et qu’il était nécessaire de toucher de plus jeunes publics. Autre postulat : alors que les notions de plante vivace, annuelle ou bisannuelle, de pépinière ou non, ne parlent plus vraiment aux nouvelles générations, il fallait changer la manière de s’adresser au consommateur et réorganiser les gammes en fonction des usages.
Des démonstrations remarquées et appréciées...
Un test a donc été conduit dans des lieux de vente volontaires – dont quatre issus du réseau HPF** – afin de mesurer l’impact, auprès d’une cible urbaine disposant seulement de petites surfaces pour jardiner, de gammes adaptées à quatre usages, avec des conseils dédiés :
- avoir une terrasse ou un balcon beau tout le temps ;
- s’isoler de la vue des voisins ;
- respirer une fleur ou un feuillage parfumés ;
- picorer des fruits.
Pas moins de 380 personnes ont été interrogées dans ces points de vente et 55 ont été réunies lors de tables rondes (en raison de la situation sanitaire) pour mesurer l’intérêt de ces clients pour les mises en scène proposées. De surcroît, 836 personnes ont été questionnées en ligne, via un prestataire de services.
Un peu plus de la moitié des clients interrogés à la sortie des magasins ont vu les mises en scène conçues dans le cadre de Créa’Gam. Ils les ont appréciées pour 84 % d’entre eux. C’est la proposition « Beau tout le temps » qui a été la plus plébiscitée (à 94 %), celle qui propose de « picorer » est la moins bien classée (avec tout de même 71 % de suffrages, 19 % d’indifférents, 10 % se sentant non concernés). 71 % de ces visiteurs ont affirmé avoir été inspirés par les mises en scène.
Des pistes à créer pour donner des idées au consommateur...
À l’occasion des tables rondes, le concept « Beau tout le temps » a été jugé plus classique, une majorité a été séduite par les « plantes odorantes ». Mais, là aussi, une vraie appétence s’est fait jour pour des idées de concepts innovants et originaux.
Concernant les personnes enquêtées en ligne, à la question « Si votre magasin vous proposait un “espace inspiration”, quelle thématique aimeriez-vous y retrouver ? », c’est « Beau tout le temps » qui arrive en tête (56 % de réponses positives, surtout chez les plus de 50 ans), devant « Picorer des fruits ». Dans la rubrique « Respirer une fleur ou un feuillage parfumés », les propriétés « répulsives » (notamment antimoustiques) priment pour près de 40 %, suivies de « aromatiques originales ou exotiques » (39 %), « purifiant l’air » (38 %), parfumées (37 %)… Soit une multitude de pistes qui peuvent être explorées par les points de vente.
Pour Anne-Laure Laroche et Ronan Symoneaux , ce qu’il faut retenir de ce travail est que, globalement, les usages testés dans les magasins ont convaincu la clientèle. Ses attentes sont réelles et diverses, il ne faut donc pas hésiter à aller vers l’originalité. Par contre, quitte à mettre un espace de démonstration en place, il importe qu’il soit abouti, que les visiteurs puissent vraiment s’y projeter. Inutile de se contenter d’un banc et d’une table entourés de quelques plantes. Il faut que les clients aient le sentiment qu’ils pourront reproduire ce décor chez eux.
Pour autant, il ne faut pas forcément attendre d’une telle démarche un retour sur investissement en termes de chiffre d’affaires de manière immédiate. Il faut plutôt considérer cela comme la preuve du dynamisme du magasin, comme une recherche de notoriété.
Enfin, cet espace de démonstration doit vivre, les scènes changer régulièrement, un peu comme la vitrine d’une boutique. Et des animations peuvent accompagner la démarche.
Classer les plantes par usage, une bonne idée !
Les consommateurs ont été interrogés sur la manière dont ils aimeraient que les plantes soient présentées. Pour 51 %, c’est la destination, l’usage, qui doit être privilégié, devant le type de plante (à massif, arbuste…) pour 49 %. L’exposition arrive ensuite (39 %), devant le niveau en jardinage du client (34 %) et l’ambiance recherchée (31 %). Les personnes sans jardin, donc une majorité de jeunes, attendent une classification par usage .
Selon Anne-Laure Laroche et Ronan Symoneaux, il ne faut pas hésiter à proposer des compositions volumineuses prêtes à planter, qui ont une forte valeur de démonstration et aident à se projeter, et bien répondre aux attentes spécifiques des plus jeunes et novices, en ayant une approche spécifique pour le hors-sol et une entrée par plante facile qui rassure.
Reste que les personnes qui ont été intéressées par les concepts mis en avant en magasin disent regarder davantage les plantes que les banderoles explicatives. En conséquence, il faut une intervention en rayon pour un meilleur impact. « La présence d’un animateur est un investissement, mais une solution clé. » Une attente de conseils humains, de retours d’expérience avisés est exprimée, sachant que beaucoup vont également chercher des solutions sur Internet. Contrairement aux banderoles des lieux de démonstration, les étiquettes des végétaux sont très lues. Elles doivent donc être bien utilisées ! L’exigence principale porte sur l’exposition et les besoins en eau, devant l’endroit où la plante peut être installée, la période de floraison ou la rusticité.
Un code QR, informant sur l’entretien de la plante (82 %), l’aspect après plusieurs années (54 %) ou des conseils d’associations afin de créer des ambiances (52 %) sont aussi appréciés.
La conclusion de ce travail conduit finalement à un constat qui a un air de déjà-vu : il faut du conseil humain par du personnel qualifié, qui manque aujourd’hui souvent en jardinerie… Et si mieux vendre les végétaux demain, que ce soit aux jeunes, aux moins jeunes, aux jardiniers avertis ou aux amateurs, passait avant tout par la formation et la valorisation de vendeurs assermentés ?
Pascal Fayolle*École supérieure d’agricultures.
**Horticulteurs et pépiniéristes de France.
Pour accéder à l'ensembles nos offres :